Jusqu’ici les trains avaient toujours été liés à des aspects positifs de son existence. Leur consommation de charbon était en grande partie à l’origine de la prospérité de son père. Ils avaient désenclavés le comté. C’était dans l’un d’entre eux, qu’il avait rencontré Sélina.
Cette fois-ci Bruce Wayne était bien sombre en attendant son train. Comme pour se mettre en harmonie avec son air triste, le quai de la gare de Gotham était désert en ce début de matinée à l’exception d’Alfred. Lui non plus ne débordait pas d’enthousiasme.
« Quitte à me montrer insistant permettez-moi de vous rappeler, qu’il est encore temps de rebrousser chemin, maitre Bruce. » Se décida à dire le serviteur.
« Elle est en danger. » Se contenta de répliquer froidement Bruce, qui n’aimait pas se répéter sur ce point.
Sélina avait continué à lui écrire régulièrement depuis sa fuite du comté. Le contenu de ses lettres était plutôt déroutant. Il s’agissait de vagues nouvelles tournant autour de son état de santé et de divers petits tracas. Elle ne trouvait rien de mieux à lui dire ! Bruce était tout de même l’homme à qui elle avait proposé de l’accompagner dans sa fuite.
Puis brusquement les messages avaient cessés. Même si Sélina était assez particulière, ce genre de comportement ne lui correspondait pas. Si elle désirait couper les points définitivement avec Bruce, elle se serait montrée bien plus directe.
L’autre possibilité bien plus vraisemblable était, qu’il lui soit arrivé quelque chose. Ce qui amenait Bruce sur le quai de cette gare afin de se rendre à l’endroit indiqué sur le cachet de la dernière lettre de Sélina.
« Vous savez qu’il existe d’autres explications à la fin de votre correspondance. » Rétorqua Alfred.
« Je la connais bien, Alfred. Seul quelque chose de grave lui aura fait cessé de m’écrire. »
Malgré la certitude contenue dans ses mots, Bruce savait que même si elles étaient peu probables effectivement des réponses différentes au silence de Sélina subsistaient. Mais il ne voulait pas prendre de risque. Normalement il était plus pondéré dans ses réactions.
« Si vous êtes absent trop longtemps...» Commença à dire Alfred avant d’être interrompu.
« Nous avons déjà prit des dispositions ensemble à ce sujet. Dites-moi les vraies raisons qui vous opposent à mon départ ? »
Un court silence passa avant qu’Alfred prononce délicatement ses mots à la manière d’un acteur shakespearien.
« Cette femme ne mérite pas les efforts que vous lui consacrez. »
Il parlait de la femme qu’il aimait ! Pourtant Bruce parvint à se contenir. Il connaissait les bonnes intentions de son serviteur.
« Vous ne lui avez même jamais parlé. »
« J’ignore effectivement qui elle est. Mais pas ce qu’elle est. »
Là encore la colère ne monta pas en Bruce. C’était la tristesse, qui dominait. Car pour une fois le si fidèle Alfred venait de le décevoir.
« Vous vous rappelez de ce que vous avez dit à mon père, lorsqu’il a nommé Lucius contre-maitre ? »
« Un nègre ne devrait pas avoir une telle responsabilité. » Récita Alfred le regard baissé.
« Admettez que vous vous êtes trompé cette fois-ci. »
Alfred ne pouvait nier la bêtise de son préjugé. Il avait constaté de ses yeux le professionnalisme de Lucius.
« En effet maitre Bruce. Et j’ai peut-être encore tort en ce qui concerne mademoiselle Kyle. »
Jusqu’ici il l’avait toujours appelé « cette personne », « cette femme », ou « elle ». Enfin il commençait à comprendre ce que son employeur ressentait.
Au loin le train commençait à se faire entendre. L’instant des au revoir était venu. Les deux hommes se serrèrent la main. Puis Alfred eut un déclic en voyant les deux sacs.
« Il me semblait vous avoir préparé un seul bagage. »
« L’autre contient ma « tenue » » Expliqua Bruce comme un gamin venant de se faire prendre.
Même auprès d’Alfred il n’assumait pas complètement cet alter-ego lui rappelant ses faiblesses. De plus il n’était très avisé de se déplacer à travers le pays avec une invention censée demeurer secrète.
Une fois dans le train alors qu’il partait vers l’inconnu, Bruce eut une pensée mais pas pour ses parents et leur lourd héritage, ni Alfred et ses conseils, ni même Sélina et sa détresse.
Il songeait au Joker et ses derniers mots sur leur lien. Il est vrai qu’en plus des risques Bruce prenait certaines libertés avec ses devoirs. Courait-il uniquement au secours de cette femme ou s’amusait-il aussi à partir à l’aventure ? Or les motivations du Joker s’était justement limitée au plaisir du jeu.
Bruce en avait pourtant affronter d’autres, qui s’étaient parfois montrés tout aussi redoutables. En guise d’exemple Bane l’aurait certainement tué sans l’intervention de Harvey Dent.
Alors pourquoi cet ennemi précis lui occupait-il tellement l’esprit ?
La réponse devrait attendre.
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