Nous sommes tous nés des 4 éléments : eau, terre, feu, air. Cet équilibre imparfait fait de nous ce que nous sommes. Les représentants des 4 grands esprits. Dloïen, le peuple de l'eau, pêcheurs, navigateurs, excellant en tout ce qui a rapport à l'eau, calme et pondération sont maîtres mots. Yérin, le peuple de la terre, agriculteurs, fermiers, dont la force et le courage sont légendaires. Farjoï, le peuple du feu, guerriers, chamans, au tempérament aussi vif que leur emblème. Ilmaïn, le peuple de l'air, enchanteurs, guérisseurs, idéalistes et romantiques. Nous avons tous de chaque peuple en nous, avec notre prédominance. Et nos caractéristiques.
La nature m'a toujours permis de me ressourcer. Que ce soit dans le murmure du vent. Dans le bruissement de l'eau. L'éclat du soleil. La chaleur de la terre. La poésie y est constante, immuable. Les heures passées les pieds plantés dans le sol, le visage tourné vers le ciel, dans une prière silencieuse à Gaïa.
-Toïvoïa !
Je soupire. Impossible de rester tranquille dans ce monde. J'ouvre les yeux. Le soleil frappe mes pupilles. Grognement.
-Quoi ?!
La petite fille blonde qui m'a interpellée, c'est Tonttü. Une petite espiègle à la frimousse de souris, agaçante la plupart du temps.
-Le chef veut te voir.
Ah. Il faut savoir que tout notre équilibre entre peuple repose sur ces chefs. Un chef par peuple, et tous se rencontrent au Sanctuaire, lieu sacré où personne ne peut entrer. Chez les Ilmaïn, les chefs ont toujours été des femmes, particularité du peuple de l'air, car dans la femme se trouve la renaissance, et elle est au centre de nos croyances.
Je rassemble mes affaires et me met en route vers la tente de Vïsausi. Cette femme, aussi grande que sage (et ce n'est pas peu dire!), est ce que l'on appelle une « âme solitaire ». Elle vit recluse la plupart du temps, et la demande d'une audience porte rarement ses fruits. On dit que c'est parce qu'elle ne supporte pas le soleil. Moi, je pense que ces rumeurs sont colportées par de vieilles chouettes mal pensantes, et que Vïsausi a bien compris que pour avoir la paix, il faut l'imposer. Enfin, j'espère.
Une fois devant la tente, une certaine appréhension me serre le ventre. Je ne suis pas d'un naturel timoré, mais je dois avouer que seule mon imagination a franchi cette toile. Respirant un bon coup, je rentre. A l'intérieur, il fait chaud. C'est ma première impression, hormis noter le désordre apparent. Des paniers de toutes sortes et de toutes formes, renfermant des onguents et des encens de provenances diverses, côtoient des pots de terres scellés. L'air ambiant pose un lourd parfum dans mes narines. Oranges amères, cannelle, terre brûlée, drogues diverses. Et au fond, Vïsausi. Assise en tailleur sur un coussin fait de plusieurs étoffes, les bras posés sur ses genoux, paumes vers le ciel. Je n'avais jamais vu une personne pareille : de longs cheveux argentés, d'une longueur et d'une finesse incroyable, la peau blanche, si blanche qu'elle paraît presque translucide, le visage fin, émacié même. Et surtout, des yeux d'un blanc laiteux, qui n'ont pas vu la lumière depuis des décennies. Le chef de la tribu de l'air n'a pas du avoir de contact avec son élément depuis des siècles !
-Toïvoïa... Approche donc, prend place près de moi.
Sa voix, douce et grave, semble presque être un murmure. Je m'exécute, prend un autre coussin de tissu bariolé, et m'approche en silence (chose, d'ailleurs, plutôt rare).
-J'espère que mon apparence ne t'effraie pas. C'est le prix à payer pour voir, réellement voir, et ne pas se satisfaire de la surface. Faire des sacrifices...
Elle pose ses doigts fins sur ses yeux, laisse sa phrase en suspens, comme pour laisser les mots prendre leur envol. Et moi, je reste silencieuse, parce que je dois bien avouer que, si, elle m'intimide.
-Tu dois te demander pourquoi je t'ai fait venir ici. Sache que je t'observe depuis un moment, petite. Je t'observe à l'intérieur, et depuis ta naissance, je vois des choses...
Un frisson parcourt ma nuque. Sa manière de ne pas finir ses phrases m'insupporte, mais je tiens ma langue.
-Tu as un tempérament qui est peu commun chez les Ilmaïns. Vif, courageux. Tu parles souvent comme si ta bouche et ton cerveau ne faisaient qu'un, tu ne réfléchis pas. C'est comme si...
Je commence à gigoter. J'aimerai bien qu'elle vienne droit au but, plutôt que de me laisser poireauter dans sa tente. Sa tête semble basculer d'arrière en avant, puis revient droite.
-Tu es née Farjoï.
Sa phrase, lancée d'une voix claire et nette, me fait l'effet d'un coup de fouet. On n'échange pas un enfant entre peuples ! Déjà qu'entre foyer, c'est assez rare.
-Je... vous... Pardon ?
-Tu n'es pas fille de l'air. Née du feu, élevée par l'air. Tu ne t'es jamais dit que tu étais spéciale, pas à ta place parmi nous ?
-Je dois avouer que non.
Un sourire étire ses lèvres parcheminées. Et moi, je n'ai qu'une envie, c'est de repartir.
-Il y a 20 années, quatre enfants ont été substitués à leur foyer, à leur peuple, pour savoir s'ils pourraient s'adapter dans un cadre qui est en pure contradiction avec le leur. L'air, la terre, le feu et l'eau. Chaque enfant a été surveillé par le chef de leur tribu, celle d'origine comme celle qui l'a accueilli. Dès leurs 20 ans, nous devions leur révéler la vérité, pour savoir si oui ou non, l'adaptation était possible. Il semble que la tienne était plutôt réussie. Celle de ton alter-ego fut moins concluante.
J'avais l'impression que mon crâne était une ruche. Des bourdonnements incessants. Ainsi, ma famille, mes amis, tous ceux que j'avais côtoyés durant toute ma vie, n'étaient pas mon peuple. Je ne savais pas si je devais rire ou pleurer.
-Que dois-je faire ?
Ma voix me paraissait lointaine, inconnue.
-Ton voyage ne s'achève pas ici. Tu as accompli la première partie de ton existence : l'Adaptation. Maintenant, tu entames ton voyage spirituel : la Reconnaissance. Tu dois retrouver ton peuple, retrouver ta famille, sans aide du peuple de l'air.
-Est-ce que j'ai le droit de savoir à quoi tout ceci me mènera ?
-Non. En revanche, sache une chose : à chaque seuil, un des enfants échangé échoue. Et il ne faut pas que tu échoues. Tu as passé le premier seuil, vous n'êtes plus que trois. Retrouve ta famille, elle te donnera les indications suivantes.
L'ancêtre ferma les yeux et inclina sa tête vers le sol. Me sentant de trop, je me relevais. Une fois dehors, le monde me paraissait tellement différent. Étranger. Je n'avais pas de famille. Pas de nom. Pas de peuple. Pas d'identité.
Je me sentais lasse tout d'un coup. Je me laissais tomber au sol, le visage tourné vers la terre. Quel était l'élément de mon peuple d'origine ? Le feu. Farjoï.
Je suis la fille du feu.
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