Il était une fois une belle princesse qui vivait dans un donjon. Ce donjon se trouvait au cœur d’une forêt, appelée la Forêt aux mille chemins, et pour une bonne raison : il s’agissait en réalité d’un labyrinthe. Une puissante et ancienne magie lui avait donné vie. Les arbres semblaient posséder leur propre volonté et les plus superstitieux racontaient même que les animaux parlaient.
Dans son donjon, gardée par un ogre aux dents longues, la Princesse attendait. Elle venait de fêter ses vingt-huit printemps et il lui semblait qu’elle attendait depuis presque autant de temps. Ses parents avaient décider de la livrer à l’Ogre jusqu’à ce qu’un prince ne la libérât. L’Ogre veillait sur elle nuit et jour. Lorsqu’il dormait, un troisième œil s’ouvrait sur son front pour que jamais sa vigilance ne fût trompée. Et la Princesse s’était pliée à cette vie.
Elle se levait avec le soleil, qui filtrait par les grandes fenêtres de sa chambre. Elle avait peint les murs de vives couleurs afin de faire de sa prison un endroit agréable. Une bibliothèque croulait sous des centaines de livres, un coffre en bois débordait de tenues en tout genre, sa coiffeuse brillait de bijoux et de pierres précieuses. Il s’agissait de cadeaux, envoyés par ses parents au fil des années. Et au fil des années, la Princesse s’était passionnée non pas pour la broderie ou la danse de salon mais la botanique et l’herboristerie.
Elle s’était même liée d’amitié avec un faucon de la forêt qui nichait non loin du donjon et lui apportait les herbes désirées. Elle les utilisait pour assaisonner les plats fades préparés par l’Ogre, mais pas seulement. Elle parfumait aussi ses bains, inventait quelques infusions et colorait même ses cheveux. Depuis quelques mois, son blond naturel avait cédé sa place à un beau vert d’eau.
Et depuis tout autant de temps, la Princesse se questionnait. Elle se demandait de plus en plus souvent pourquoi elle devait attendre un prince. Ses parents ne manquaient pas d’argent si elle se fiait à leurs présents. Dans tous les contes qui avaient bercé son enfance, les princesses ne décidaient de rien. Elles subissaient, patientaient, puis subissaient de nouveau. Alors pourquoi elle-même devait-elle leur ressembler ? Et depuis tout ce temps, pourquoi aucun prince – ou aucune princesse – n’était venu la chercher ?
Elle avait donc pris la décision de ne plus se laisser vivre au grès de cette attente. Elle se trouvait suffisamment forte pour prendre sa vie en main et partir de ce donjon qui, pourtant, lui accordait une existence paisible. Il était cependant hors de question qu’elle fît le moindre mal à son gardien. Car malgré ses colères et son rôle de geôlier, l’Ogre la nourrissait et la protégeait.
Une matinée, elle enfila une ample chemise en coton, des braies surmontées de chausses épaisses, des bottes en cuir et un gilet de laine. Une fois ses cheveux tressés, elle ouvrit sa fenêtre. Le vent d’automne lui rafraîchit le visage. Son ami le Faucon se posa sur le rebord de pierre, presque sans un bruit.
— Je vais partir, lui dit-elle. Accepterais-tu de m’aider ?
— Qu’attends-tu de moi ? Questionna l’oiseau.
— Je vais endormir l’Ogre. Et pour cela, j’ai besoin de valériane et de passiflore, en grande quantité.
Elle lui montra les images des deux plantes dans un de ses livres. Le Faucon hocha du bec puis s’envola d’un coup d’ailes souple. Durant son absence, la Princesse avala son petit déjeuner dont elle garda le pain pour le fourrer dans un sac en toile avec une couverture, quelques pierres précieuses et une vieille lampe à huile encore utilisable. Elle y ajouta un précieux carnet qui regroupait toutes ses connaissances d’herboriste.
Puis elle fit le tour de sa chambre, ce petit îlot qui l’avait vu grandir plus que ses propres parents. Elle ne l’avait pas quitté plus tôt car elle s’y sentait bien et en sécurité ; Mais elle n’avait plus l’âge de fuir le vaste monde, qu’elle ne connaissait que par ses livres et les histoires du Faucon. Elle ressentit un douloureux pincement au cœur en faisant ses adieux à sa chambre. Elle avait peur de la forêt, de s’y perdre, mais elle avait encore plus peur de mourir ici, seule, oubliée.
Son ami revint au bout de longues heures. La Princesse réduisit les herbes en poudre fine, qu’elle mélangea à un thé dont le sachet trouva sa place sur son plateau repas, déposé devant la porte. Il était inutile pour l’Ogre de la verrouiller, il savait depuis des années qu’elle ne sortirait pas. Il aimait goûter à ses nouvelles préparations ; elle se sentit mal d’abuser ainsi de la confiance fragile qu’il avait en elle. Pour la première fois de sa vie, elle ne se jugea pas apte à être une princesse. Les princesses ne mentaient pas.
— Surveille-le et préviens moi lorsqu’il dormira, dit-elle au Faucon, qui la quitta de nouveau.
Une nouvelle attente débuta, la plus longue et la plus pénible. La Princesse espérait avoir assez dosé. L’Ogre devait fermer ses trois yeux pour qu’elle puisse s’enfuir. En fin d’après-midi, son ami à plumes vint la prévenir. Son geôlier dormait du sommeil du juste.
— Je te guiderai dans la forêt, je la connais bien, informa le Faucon. Tu seras rapidement de retour chez toi.
Elle hissa son sac sur son dos et, le plus discrètement possible, descendit l’escalier de pierre. Un abus de la confiance de l’Ogre. Durant son adolescence, elle lui avait ordonné, puis l’avait supplié de la laisser partir, en vain. En ce jour, elle n’avait même pas pensé à lui redemander.
Elle se retrouva dans la maison de son gardien. Le monstre de presque deux mètres cinquante de haut ronflait dans son fauteuil presque aussi bruyamment que le feu dans la cheminée. Un instant, la Princesse eut l’envie de rester ici, à l’abri. Mais elle se ressaisit.
Avant de s’enfuir, elle retira du doigt de l’Ogre un anneau en or, suffisamment grand pour lui servir de bracelet. Elle connaissait sa propriété à rendre invisible son porteur, aussi le glissa-t-elle dans sa poche. De nouveau, elle culpabilisa. Les princesses ne volaient pas. Afin de se redonner bonne conscience, et mûe par un sincère attachement, elle déposa un baiser sur la joue de l’Ogre. Puis elle quitta la protection du donjon.
À peine fut-elle dehors qu’elle frissonna. Partir en fin de journée n’était peut-être pas une bonne idée, mais elle ne pouvait plus faire demi-tour. Elle s’enroula dans la couverture et se mit en route. Le Faucon l’accompagnait depuis les cieux. Le soleil se couchait, la nuit amenait avec elle un vent glacial et une pénombre inquiétante. La Princesse se rasséréna et attrapa la lampe, qu’elle alluma. La lueur perça les ténèbres.
Mais alors qu’elle amorçait un pas, elle tomba en arrière, soufflée par une puissante onde de choc. Lorsqu’elle rouvrit les yeux, elle fut ébahie de voir qu’au-dessus de la modeste lampe, tombée au sol, flottait un être à la peau bleue. Une barbiche décorait son menton, surmonté d’un sourire éclatant.
— Bonjour, Princesse, salua l’étrange bonhomme. Je suis le Génie de la lampe. En échange d’un paiement, j’exauce un vœu.
— Dans les histoires, les génies ne demandent pas de paiement, contra la Princesse, de nouveau debout.
— Mais il existe toujours. Je suis juste le plus honnête, à le demander avant de me mettre au travail.
La Princesse hocha la tête, abondant dans son sens. Elle tira de son sac une pierre précieuse, un saphir des eaux. Le joyaux bleu aurait pu être comme tous les autres saphirs si les reflets verts qui le parcouraient ne le rendaient pas unique – ou presque. Elle le tendit au Génie mais suspendit son vœu quelques secondes. Au-dessus d’eux, le Faucon tournait en rond.
— Apprenez-moi à survivre ici, finit-elle par demander.
— Vous ne préférez pas tout simplement sortir ? S’étonna le Génie.
— Je finirai par en sortir, j’ai un bon guide. Mais si je sais comment survivre ici, alors je saurai le faire partout. Mais je ne veux pas que vous insériez les connaissances dans ma tête, je veux les pratiquer avec vous. Donc apprenez-moi réellement.
Elle lui offrit un sourire serein. Le Génie haussa les épaules puis exauça sa demande. Durant quelques jours, il lui enseigna la chasse, le pistage, la pêche, la confection de pièges, d’un abri, d’outils et même d’un arc. Si, au départ, l’anneau d’invisibilité fut bien utile à la Princesse, elle finit par l’offrir au Génie comme remerciement pour son aide. Une fois sa mission achevée, il disparut, de même que la lampe, dans un petit nuage de fumée étincelant.
Assise devant son abri, face à un feu ronronnant, la Princesse profita du calme de la soirée après le départ du Génie. Près d’elle, le Faucon se régalait d’un mulot.
— Tu ne comptes pas rentrer chez toi ? Demanda-t-il.
— Si mes parents ou un prince avaient voulu de moi, je serais libre depuis longtemps, répondit-elle. Ma liberté me plaît, et dès que nous sortirons de la forêt, nous visiterons le reste du monde si tu souhaites rester avec moi.
— Je te suivrai.
D’un coup d’aile, le Faucon vint se poser sur son épaule. La jeune femme lui sourit.
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