Personne ne savait où elles se trouvaient, ni ce qu’elles étaient réellement. Seules des histoires pour enfants, des rumeurs et des légendes circulaient à leur sujet sans pour autant piquer la curiosité des gens habitant non loin. Malgré leur fondement réel, la communauté scientifique de l’Académie avait décidé de rester à l’écart et d’ignorer les signes que ces créatures laissaient sur leur passage.
Mathilda était cachée derrière un buisson depuis bientôt trois heures. Elle avait prétexté passer la nuit chez une amie pour venir au bord du lac dès la tombée de la nuit, mais la fatigue et le froid commençaient à se faire ressentir et la fillette faisait tout son possible pour ne pas claquer des dents. Il ne fallait faire aucun bruit sinon tous ses calculs et ces jours d’attente n’auraient servi à rien.
Elle repoussa en arrière l'une de ses mèches rousses de son visage et attrapa rapidement le plaid de son sac à dos. Du haut de ses onze ans, elle était perspicace, douée pour les mathématiques et les sciences à un tel niveau que même certains adultes mettraient des semaines avant de pouvoir comprendre réellement le sujet. Pour Mathilda, quelques heures étaient amplement suffisantes pour assimiler le tout. Elle sortit un petit bloc-notes qu'elle ouvrit à la dernière page.
— Je vais vérifier une dernière fois les calculs, dit-elle en attrapant son crayon à papier.
Si elle était au bord du lac ce soir-là, c’était pour une raison bien précise. Quelques semaines plus tôt, en fouillant dans une pile d’anciennes recherches de son père, elle était tombée sur des écrits d’une légende qu’il croyait vraie. Pour démontrer à ses collègues de l’Académie que malgré tout, il disait la vérité, il avait entrepris un long procédé.
Des lignes et des lignes de calculs que Mathilda avait repris soigneusement depuis le début, cherchant la moindre erreur, le moindre indice pouvant éventuellement l’aider à réussir le travail inachevé de son père, qui, à cause d’une maladie foudroyante, l’avait emporté trois jours plus tard.
Aussi déterminée que son paternel, elle voulait à tout prix leur prouver qu’il avait eu raison depuis toutes ces années. Cela permettrait aussi de subvenir aux besoins de sa famille en recevant la bourse réservée aux découvertes extraordinaires.
Le ciel était complètement dégagé et seules la lune et les étoiles régnaient en maîtresses absolues dans cette obscurité totale. Les rayons de lune vinrent se positionner au-dessus du lac, puis, comme par magie, de hauts buissons apparurent, entourant l’endroit comme s’il voulait le protéger des regards indiscrets. Mathilda se redressa et observa attentivement, essayant de retenir son excitation. Des petits points lumineux arrivèrent par dizaines. Elle crut d’abord apercevoir des lucioles, ce qui, dans la normalité serait tout à fait logique en cette saison. Mais en se concentrant sur l’une d’entre elles, elle remarqua que ces lucioles étaient en fait de petits êtres dotés d’ailes translucides et de robes fabriquées dans des pétales de roses blanches ou rouges pour certaines.
— Des fées ! s’exclama-t-elle.
Elles s’arrêtèrent brusquement en entendant Mathilda. Comment un être humain avait pu découvrir leur cachette après des siècles de tranquillité ? La fillette ne savait plus où se mettre, visiblement embarrassé. Elle n’avait pas cherché à les déranger, ni à les surprendre. Mais elle ne s’attendait pas à découvrir que l’existence des fées était bel et bien réelle alors que c’était la plus simple et vieille des histoires que l’on racontait aux fillettes pour rêver, s’endormir…
— Approche, n’aie pas peur.
Sans prendre le temps de réfléchir une seconde, Mathilda lâcha ses affaires, se releva et s’avança vers elles, les yeux remplis d’étoiles. Elle observa émerveillée, les tenues des créatures se demandant comment elles pouvaient transformer de simples pétales de fleurs en robes chatoyantes.
— Qu’attends-tu de nous jeune humaine ? demanda l’une d’elles en voltigeant dans sa direction.
Elle hésita quelques instants et raconta alors la raison de sa venue. Elle ne souhaitait pas les emmener dans son monde et les trainer devant les gens tels des monstres de foire. Non. Elle demanda simplement une preuve de leur existence, sans pour autant révéler leur emplacement au reste du monde.
La fée s’en alla quelques instants et revint avec une grande fleur teintée de violet de et rose – qui était alors de taille normale pour Mathilda et lui donna.
— Nous sommes les seules à pouvoir les faire pousser et à en prendre soin. J’espère que cela te sera suffisant, expliqua-t-elle.
En guise de remerciement, la fillette resta quelque temps à danser, chanter et à s’amuser comme si le temps n’existait plus lorsqu’elle était entrée dans le cercle des fées.
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