Tampa, vendredi 12 juin
« Malika, j’ai peur… »
Depuis l’accueil d’Éthernal, Gary attendait son tour. Tout ce bleu ciel autour lui filait le tournis. Et pour éviter de perdre pied, il se cramponnait à son téléphone comme à une bouée de sauvetage. Malika, sa collègue, son amie, son pilier depuis son arrivée à Tampa, représentait son seul point d’ancrage face à l’épreuve qui se profilait.
« Salut Morgan ! Qu’est-ce qui t’arrive ? »
« Dans quelques minutes, je dois passer une consultation spirituelle. »
« Whaaat ? »
Elle avait répondu du tac au tac. Plusieurs émoticônes choqués suivaient sa question.
« Gary, c’est toi qui me fais peur… Qu’est-ce que c’est que ça ? »
« C’est pour mon nouveau taff… J’ai pas le choix. »
Quel enfer. Il s’en passerait bien, de leurs formalités à la con. « Gracieusement offerte par la maison » et présentée comme un cadeau, cette séance n’en était pas moins obligatoire pour tous les nouveaux employés. Gary, lui, trouvait quand même ça un peu rapide – il n’avait même pas terminé sa période d’essai. Il avait bien tenté de négocier un report, histoire de ne pas s’imposer ça pour rien au cas où ils décidaient de se passer de lui. Mais non, pas moyen. Deux semaines après l’embauche, tous les nouveaux devaient s’y soumettre « pour être plus en phase avec les produits d’Éthernal ». Gnagnagna…
Un nouveau message de Malika le tira de ses réflexions :
« T’en as vraiment besoin de ce taff ? T’étais pas bien au Coco Loco ? »
Là n’était pas la question… Bien sûr que sa vie rangée lui plaisait. Bien sûr qu’il regretterait son quotidien de serveur aux horaires réguliers quand son contrat, au café, aurait pris fin. Ses habitués lui manqueraient, aussi. Et la patronne ! Elle avait toujours été cool avec lui, la patronne. Tout ça, c’est ce qu’il avait toujours souhaité, depuis sa sortie de taule. Une vie tranquille et honnête.
Mais il avait besoin d’argent… De plus d’argent.
Son grand malheur, c’est que depuis l’attentat de la Conférence de Tampa, les gens se montraient encore plus méfiants quand il frappait à leur porte pour leur parler de réincarnation. Et il les comprenait, les gens… Ce mardi, on avait quand même tiré sur l’un des membres de l’équipe ayant prouvé le phénomène. Il y avait de quoi rendre frileux n’importe qui ! Surtout que l’incident avait eu lieu dans la ville même où il proposait ses stages et assurances.
Pourvu que cette défiance ne soit que passagère… Car même si Éthernal payait mieux – genre vraiment vraiment mieux – que le Coco Loco, s’il ne parvenait plus à vendre, il aurait tout raté.
Pourvu, aussi, que la victime aille bien… Trois jours, déjà. Si les médias n’en avaient plus reparlé, la situation devait être sous contrôle ? Il l’espérait. Et s’il croyait en Dieu, il prierait pour elle ; il n’aimait pas savoir ses clients malades ou hospitalisés.
« Monsieur Gary Morgan ? »
Gary reconnut Adam Smith, l’homme en costume de Stewart qui l’avait reçu en entretien. Celui-ci venait d’apparaître à l’entrée du couloir. Il se leva, sans répondre à Malika. Pas le temps… Il le ferait plus tard.
« C’est moi.
— Veuillez me suivre, s’il vous plait. »
Il suivit le consultant jusque dans son bureau, où il retrouva avec plaisir le siège en cuir ultimement confortable de la dernière fois. Quelques plantes vertes avaient été rajoutées, ainsi qu’un petit appareil diffusant de légers nuages de vapeur.
« C’est d’la fumée magique ? » s’enquit Gary en s’asseyant.
Un peu d’humour pour tenter de dissiper son malaise ; il n’avait pas du tout envie qu’on lui monte la tête avec ces histoires de Karma. Aucun problème pour baratiner les clients, mais il aurait préféré garder une certaine distance avec ça.
Pas de bol, ce n’était pas une option.
« Non, pas du tout, répondit Smith en riant. C’est juste un déshumidificateur. Ça purifie aussi l’air ambiant. Rien de magique là-dedans, ça rend juste l’atmosphère plus agréable ! Bien, monsieur Morgan. Êtes-vous prêt à commencer ? »
Il hocha la tête, sans pouvoir détacher ses yeux des volutes de fumée blanche.
« Appelez-moi juste Morgan, s’il vous plait.
— Bien. Avez-vous une idée de ce qu’on s’apprête à faire ici, Morgan ?
— Assez vague. Mais oui, je crois.
— Parfait. Dans ce cas, permettez-moi de vous poser une première question. Voyons, Morgan, monteriez-vous dans un avion tout cabossé ? Un vieux modèle mal entretenu et usé par le temps ?
— J’imagine que non. J’aurais trop peur qu’il lâche en plein vol. »
Le faux Stewart approuva de la tête.
« Alors vous avez compris le concept d’Éthernal. Tout comme cet avion, une âme sale, fatiguée ou usée ne vous mènera jamais très loin. Et encore moins à la destination de vos rêves.
— J’comprends, répondit Gary, sans grande conviction.
— Et ce que proposent les stages d’Éthernal, c’est d’examiner – dans un premier temps – l’état du véhicule, puis de le remettre à neuf pour vous assurer un voyage sans encombre. Il s’agit, plus concrètement, de nettoyer votre âme. De la purifier afin d’élargir ses possibilités lorsqu’elle quittera votre corps pour un autre.
— Je vois. »
La réponse qui n’engageait à rien. Par contre, ces phrases-là valaient de l’or ! Elles l’aideraient à coup sûr à multiplier ses ventes. Il devait absolument les mémoriser, afin de pouvoir les ressortir à ses clients. Il possédait déjà quelques infos basiques sur la nature des produits vendus par Éthernal – juste ce qu’il fallait pour en faire la publicité – mais rien d’aussi précis. Rien d’aussi… tordu.
« Vous savez Morgan, nous n’avons rien inventé avec la Réincarnation. Les anciens avaient déjà leurs théories sur le sujet et nos méthodes, à Éthernal, s’en sont inspirées. Par exemple, vous connaissez la notion de Karma ?
— Vite fait, oui.
— Parfait. Dans ce cas, j’imagine que vous savez qu’un bon Karma offre la possibilité de renaître sous une forme avantageuse. Humaine, pour commencer. Et dans des conditions favorables, pour les meilleurs d’entre nous. Par contre, un mauvais Karma n’offre qu’un choix limité de destinations lorsqu’arrive l’heure du grand voyage. Pour ces pauvres âmes, trop usées ou souillées pour avoir le choix, il ne reste que le royaume animal et végétal. »
Gary fronça les sourcils.
« Attendez… Si j’comprends bien, vous considérez qu’on peut se réincarner en caillou ? »
Monsieur Smith humidifia ses lèvres, puis se rapprocha en posant ses coudes sur la table.
« Pour les pires d’entre nous… Oui, hélas. C’est ce que nous apprennent les religions animistes. Un esprit peut tout à fait se loger dans un rocher. Ou une cascade. Ou un lac. »
Gary se pinça les lèvres et recula dans son fauteuil. Non vraiment, il aurait préféré ne jamais entendre tout ça. Il avait beau s’ériger des barrières mentales, toujours plus hautes, depuis le début des études de Rhapsody Blue, son joli mur d’argile commençait déjà à se fissurer face à la peur. La peur du « Et si c’était vrai ? »
« C’est pas rassurant, votre truc.
— Je comprends vos craintes. Mais voyez aussi le bon côté : une réincarnation de ce genre vous offre l’éternité.
— Ouais, alors… Je préfère autant pas. Plutôt mourir pour de bon.
— Dans ce cas, Morgan, tâchons de vous assurer une vie future conforme à vos attentes. Heureusement, Éthernal est là pour ça !
— Ouf, quel soulagement… »
Le consultant ignora la remarque. Peut-être n’avait-il pas compris l’ironie.
« Commençons par examiner votre âme.
— À ce propos, j’ai une question. Si mon âme n’est pas parfaite… Est-ce que j’risque pas d’me faire renvoyer après ma période d’essai, si j’me montre honnête avec vous ? »
L’homme en bleu se renversa dans son siège et fit « non » de la tête.
« Tout ce que vous direz ici restera confidentiel. Rien ne sortira de cette pièce. Et je ne vous jugerai pas, non plus. Rassurez-vous.
— Ok… »
J’ai bien compris que j’avais pas l’choix… Si j’dis rien, c’est la porte. Si j’dis des cracs, c’est la porte aussi, s’ils ont les moyens de vérifier. T’façon, j’ai pas d'secret. Rien à perdre, tout à gagner.
« On va d’abord parler de votre enfance. Quel genre de petit garçon étiez-vous, Morgan ? »
Sans trop rentrer dans les détails, Gary lui raconta son passé turbulent. Quelque chose, dans les yeux de cet Adam Smith, le poussait à se confier. Sans doute ses histoires de Karma, qui lui donnaient l’air d’un prêtre... Même s’il n’était pas croyant, il hésiterait de la même façon à mentir face au crucifix d’une église. Parce qu’on sait jamais ! En revanche, il n’eut aucun scrupule à se montrer évasif par rapport à ses délits d’adolescents. Quant à son incarcération, il l’évoqua sans crainte : ce devait déjà être écrit dans son dossier. Le cacher à Smith reviendrait à mentir.
Lorsqu’il eut terminé, Smith l’observait d’un air grave comme s’il fouillait son âme à travers ses yeux. Gary détestait ce regard. C’était le même que celui du juge qui l’avait envoyé pourrir derrière les barreaux pendant quatre longues années. Il se crispa et enfonça ses ongles dans les accoudoirs molletonnés de son fauteuil. Cette consultation prenait une tournure tout à fait dérangeante. Pourquoi cet interrogatoire ? Il avait déjà été condamné une fois, c’était bien suffisant.
« Alors, le verdict ? demanda-t-il avec une pointe d’aigreur dans la voix.
— Je pense qu’un long travail nous attend, Morgan. Mais ne vous en faites pas, vous êtes entre de bonnes mains. »
Le soleil déclinait lorsqu’il sortit enfin. L’ombre de l’édifice à faux clocher se projetait loin au sol, l’englobait tout entier ; son sommet lècherait bientôt le trottoir d’en face. Surpris, Gary vérifia l’heure sur son téléphone. Deux heures et demi ! Deux. Heures. Et. Demi, coincé dans ce fauteuil en cuir, à écouter les inepties de ce consultant de mes fesses. Pas étonnant qu’il soit tout tendu, tout stressé, tout… bizarre.
Plus jamais. J’ai donné une fois, maintenant ça y est !
Il fit jouer ses épaules et craquer son dos, puis se dirigea vers l’arrêt de bus. Dans sa main, un sac en papier contenant quelques gadgets fournis – gratuitement et sans engagement, évidemment – par monsieur Smith. Des trucs censés l’aider dans son « cheminement vers le Grand Voyage », à ce qu’il lui avait dit.
Des bougies et des tisanes ? Ahaha… J’espère pas. J’en ai déjà trop chez moi. Qu’est-ce que je vais en foutre, d’ailleurs, de tout ça ?
Il avisa une poubelle proche. Il pourrait juste tout jeter, oublier tout ça. Non… Mieux valait vérifier ce que c’était, avant. Qui sait, ça avait peut-être de la valeur ? Il écarta les poignées du sac et fouilla rapidement. Il en sortit un carnet. Un stylo. Et un genre de caillou strié dans un emballage plastique. L’étiquette indiquait « Turquoise – pierre de la sagesse et de la sérénité – Lithothérapie ».
Le son particulier du moteur de bus lui fit lever les yeux. Dernier regard sur la poubelle. Moue hésitante. Bah, au pire ça lui ferait de quoi écrire. Il grimpa dans le véhicule, sac en papier à la main, et profita du trajet pour tout déballer.
« Carnet de voyage », kessé ce truc ?
Une trainée blanche traversait la surface azurée de la couverture. Et en première page, il retrouva les différentes tâches assignées par Smith au cas où il voudrait poursuivre son processus de purification :
« - S’initier à la méditation (afin de réfléchir à ses erreurs passées) ;
- Aider (au moins) une autre personne à purifier son âme ;
- Offrir chaque jour une pièce d’un dollar ou plus à un mendiant ;
- Pardonner à une personne par semaine ;
- S’abstenir de manger de la viande ;
- Sourire à un inconnu par jour ;
- Sourire au moins 5 fois par jour à quelqu’un ; »
Les pages d’après ressemblaient en tout point à celles d’un agenda classique. Parfait : il pourrait le recycler en carnet de comptes pour ses ventes journalières.
Il replaça le livret dans son sachet, plaça ses écouteurs à ses oreilles, calla son front contre la vitre et s’abandonna à la musique. Il essayait de se concentrer sur les notes et les paroles pour éviter de penser. Ça ne marchait pas. Le malaise qu’il ressentait depuis le début de sa consultation ne voulait pas le lâcher. Il lui collait au cerveau, tenace. Et entre deux refrains, les mots du consultant s’y invitaient sans autorisation :
« Vous savez, Morgan, nous n’avons rien inventé avec la Réincarnation. »
« Une âme souillée et abimée n’aura qu’un choix limité de destinations. »
« Pour ces pauvres âmes, il ne reste que le royaume animal et végétal. »
Agacé, il fit claquer sa langue contre son palais et augmenta le volume sonore de trois crans.
« Bajé los ojos a media asta y me agarré la cabeza
Porque es muy duro
Pasar el Niagara en bicicleta… »
Alors qu’il scrollait sur son téléphone en attente de clients, Gary hochait la tête en rythme. Du merengue. Joyeux et sautillant. Parfait pour un dimanche matin – le dernier qu’il passerait au Coco Loco en tant que serveur. Son remplaçant ne pouvait commencer que le lendemain et Malika refusait de travailler le week-end. Après ça, il bosserait à temps plein pour Éthernal. Un choix risqué compte tenu de la situation : l’attentat continuait à faire parler de lui et ses ventes stagnaient toujours malgré ses beaux discours. D’après son responsable, elles stagnaient pour tous les nouveaux employés, ce qui le rassurait un peu. Mais pas complètement non plus.
Comment s’en sortait Joel, d’ailleurs ? Voilà un moment qu’il n’avait pas frappé à sa porte et il ne l’avait encore jamais croisé dans les locaux d’Éthernal. Bizarre… Il aurait bien aimé savoir, juste par curiosité. Mais il n’avait aucun moyen de le contacter : il ne lui avait jamais redemandé son numéro depuis sa sortie de prison et son départ de Miami. Et il n’était pas certain de le vouloir, non plus. Ce n’était pas plus mal, de ne plus revoir sa tronche de junky. Peut-être qu’il s’était déjà fait virer ? Après tout, comment pouvait-il vendre quoique ce soit, avec un look pareil ?
« Holà ! »
Gary leva les yeux vers sa nouvelle cliente.
« Madame la Colombienne ! Holà ! C’est rare de vous voir le dimanche.
— Je suis juste de passage. Je viens chercher un sandwich et je repars.
— Hey mais dites, votre collègue Keitaro… Comment va-t-il ? J’ai vu les news… Ça avait l’air grave.
— Il est toujours à l’hôpital. C’est pour lui, le sandwich. Je crois qu’il les aime bien, ça lui remontera peut-être le moral. »
Gary baissa la tête et sourit. Le soulagement l’envahit. Momoyama n’avait pas le moral, mais s’il était en mesure de manger des sandwich, c’est qu’il allait bien.
« C’est une bonne idée. Vous lui direz que j’l’ai fait avec amour ! »
Elle rit et hocha la tête.
« Il lui reste encore trois semaines, le pauvre…
— Dites… Vous pensez que j’pourrais aller le voir ?
— Je pense, oui ! Je vais vous donner l’adresse et prévenir l’accueil. »
Elle griffonna une adresse sur un bout de serviette en papier. Gary la glissa dans sa poche et s’occupa de sa commande.
« Tenez. Je vous l’offre. C’est mon dernier jour… Et si c’est pour Momoyama, ça m’fait plaisir. Ah ! Et prenez une bougie, si vous voulez. Y’a de la tisane, aussi. Servez-vous, c’est cadeau ! »
Il lui désigna un bac, près du comptoir. Ses tout derniers stocks. Elle se servit, le remercia, et partit.
À 18h, ce jour-là, il était dehors. Et pour de bon, cette fois. Pas de retour en arrière possible. Une page de sa vie se tournait… Bizarre de se dire qu’il ne servirait plus le café ici ! Il le boirait peut-être encore, mais de l’autre côté du comptoir. Plus qu’à espérer qu’il ne regretterait pas son choix.
Alors qu’il attendait le prochain Tramway, une silhouette, un peu plus loin, attira son attention. Assis à même le sol, le dos callé contre la paroi de la petite station, le cheveu gras, les pieds nus. À son côté, un vieux sac de rando rempli à bloc. En face de lui, une pancarte mentionnant qu’il avait faim.
Ce n’était pas la première fois qu’il le voyait. Mais jusque-là, il le voyait sans le voir. Un peu comme un élément du décor, pas plus ni moins important que ces voitures garées au bord de la route. Ce soir pourtant, il le vit pour de vrai.
« Un mauvais Karma n’offre qu’un choix limité de destinations »
Une pensée fugitive traversa son esprit : il se demanda si son père avait fini ainsi, criblé de dettes, à la rue, à mendier son prochain casse-croute. Ou plutôt, son prochain anesthésiant… Bière ou Whisky, probablement. Cette idée lui arracha un frisson, il détourna les yeux avec pudeur.
Qu’avait fait cet homme pour se retrouver là ? Une question qu’il ne s’était jamais demandé auparavant mais qui ce soir, lui paraissait fondamentale. Avait-il toujours été miséreux ? Avait-il fait de la prison, lui aussi ? Pourquoi personne ne voulait de lui ?
Et si cet homme payait pour les erreurs de ses vies passées ?
Et si c’était vrai ?
Il jeta un œil à l’heure d’arrivée du Tramway. Encore 6 minutes… Le temps de fouiller dans sa poche à la recherche de son portefeuille, d’en tirer un billet de 5 dollars, puis de le déposer à quelques centimètres de la pancarte de l’homme. Celui-ci leva les yeux et hocha la tête pour le remercier. Lorsque Gary lui rendit son regard, il se sentit aspiré par le vide qui hantait ses prunelles. Un vide paralysant, qui chasse toute joie de vivre à l’intérieur. 5 dollars… Ce n’était pas suffisant. Il voulait offrir plus… Mais quoi ? Il n’allait quand même pas lui donner toutes ses économies – il en avait besoin pour sa mère. Ah mais si, il y avait bien quelque chose… !
Au comble du malaise, mais avec la volonté de bien agir, il força l’une des commissures de ses lèvres à se soulever. La gauche d’abord, puis la droite. À cet inconnu du trottoir, il lui offrit un sourire. Un sourire de pitié, mais un sourire quand même.
Le tramway arriva juste à temps. Il se détourna et s’engouffra dans le véhicule avec l’impression de fuir. Fuir quoi, d’ailleurs ? C’est pas comme si le gus allait lui courir après. Il s’assit côté vitre et relâcha, lentement, l’air accumulé dans ses poumons. Dernier coup d’œil en arrière : l’homme n’avait pas bougé, le visage toujours aussi inexpressif. Mais peut-être qu’à l’intérieur, il souriait ? Gary espérait que son geste l’ait aidé à passer une moins mauvaise journée.
Ses yeux le lâchèrent pour accrocher la vitrine du Coco Loco, jusqu’à ce qu’elle ne disparaisse dans le sillon du tram. Il se sentait tout agité. Aussi nerveux que dans le bureau de Smith, deux jours auparavant. Tout allait bien au café, pourtant… Mais cet homme, avec sa pancarte et son regard d’outre-tombe, venait de réveiller un million de souvenirs désagréables, qu’il s’efforçait de refouler. Il se souvint alors de l’objet dans sa poche de jeans… Sa main gauche y plongea, pour se refermer sur un petit caillou qu’il tripota pour dissiper son malaise. Son autre main récupéra son téléphone. Un peu de lecture, voilà qui devrait l’aider à faire le vide ! Il activa l’écran d’un geste du pouce et l’article qu’il avait commencé plus tôt s’afficha :
« La méditation en cinq leçons ».
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