Tampa, vendredi 12 novembre 2032
Gary aimait chanter en travaillant. Les paroles d’une salsa bien connue à la bouche, il astiquait les tables du café-bar Coco Loco. Il venait d’entamer son service du soir, ce qui correspondait à peu près à la sortie des bureaux. Il jeta un œil sur la rue qu’il distinguait à travers la vitrine. Personne. Cool, il allait pouvoir se permettre une petite entorse au règlement ! Et monter le volume de la chaîne hi-fi. Aucune chance que la patronne ne débarque ; elle était clouée au lit par la fièvre. Sinon, elle l’aurait sanctionné de quelques coups de torchon. Oh, rien de bien méchant… Un sourire charmeur et quelques taquineries auraient suffi pour obtenir son pardon. Tant qu’il respectait ses deux règles d’or – n’importuner aucun client et faire du chiffre – elle protestait pour la forme, mais lui fichait la paix. Et rien que pour ça, il n’aurait cédé son job à personne d'autre.
Le jeune cubano-américain se laissa envelopper par la chaleur des instruments ; il commença à battre le sol de ses pieds, à remuer des hanches au rythme de la clave, à manier le chiffon avec énergie en l’envoyant tournoyer dans les airs entre chaque table.
Un bruit de clochette retentit. Gary se retourna brusquement vers la cliente qui venait d’entrer ; la musique l’absorbait tellement qu’il s’était laissé surprendre. Il cligna des yeux d’air coupable et se précipita vers la chaîne pour baisser le volume.
« Désolé… J’vous ai pas vu arriver. Hey, mais j’vous connais ! Madame la Colombienne !
— Madame l’Argentine, en fait. »
Il se gratta la gorge de façon exagérée. Sa main joua avec sa boucle d’oreille droite.
« C’est pas c’que j’ai dit ? répliqua-t-il avec un sourire qui se voulait désarmant. Alors, qu’est-ce que j’vous sers ? »
Une bonne odeur de salami, fromage et pain chaud s’échappa bientôt du mini-grill.
« Et un sandwich cubain pour la Colombienne ! Et son jus d’orange. »
Alors qu’il déposait la commande sur le comptoir, Gary remarqua le sourire de sa cliente – assise juste en face – et se félicita pour cette petite victoire. Une victoire mitigée, car ses yeux à elle ne riaient pas. Aucun éclat, aucune joie dans ces iris à demi recouverts par le rideau de ses cils fardés. Il en fut chagriné, mais préféra garder pour lui ses observations ; inutile de l’ennuyer avec sa poésie de bas étage. Les paroles mielleuses et le rythme langoureux de la bachata lui inspiraient souvent ce genre d’envolées lyriques. Heureusement, le morceau touchait à sa fin.
« Ça n’a pas l’air d’aller… Journée difficile ? » risqua-t-il.
Voilà une bien meilleure introduction – bien qu’il commençait à en douter, tant la réponse tardait à venir. De quoi se mêlait-il encore ? D’un côté, si elle avait choisi de s’asseoir face à lui plutôt qu’à une table, c’était pour bavarder, non ?
« Semaine difficile, rectifia-t-elle enfin, d’un ton monocorde.
— Racontez-moi ?
— Ce n’est pas très intéressant…
— Comme vous voulez. Mais si ça peut vous faire du bien, ‘faut pas hésiter. C'est tranquille, en plus, aujourd'hui. »
Gary l’entendit soupirer. Du coin de l’œil, il l’observa mordre dans son pain, mâcher lentement, le regard absent. Il ne la pressa pas davantage et se détourna pour effectuer de menues tâches. D’habitude, ses clients appréciaient de pouvoir se confier ; c’était sa technique pour les fidéliser. Ça, et les faire rire. D’après sa mère, il avait toujours eu ça dans le sang, d’être à l’aise avec les gens. Il n’avait jamais besoin de se forcer beaucoup, même avec les clients les plus antipathiques. Après, quand il s’agissait d’une jolie fille – ou d’un joli garçon – il faut bien avouer qu’il y prenait plus de plaisir. C’était justement le cas ce soir.
« J’ai l’impression d’être un monstre », lâcha la jeune femme. Gary releva la tête, surpris.
« Vous ? Si y’a un monstre par ici, c’est certainement pas vous, croyez-moi. »
Elle planta son regard dans le sien pendant cinq longues secondes – Gary avait compté.
« Je ne vous crois pas, dit-elle avec un sourire sans joie.
— Comme vous voulez. Pourtant, j’en porte même le nom… d’un monstre, j’veux dire. Vous connaissez Henry Morgan ? L’un des flibustiers les plus redoutables des Caraïbes.
— Non… Vos parents vous ont donné le nom d’un pirate ? »
Son air halluciné lui arracha un rire.
« Non, mais ça m’aurait bien plu… »
En fait, n’importe quel prénom lui aurait plu davantage que celui – stupide – qu’avait choisi son père… avant de prendre la poudre d’escampette, quelques années plus tard.
« Gary, Henry, ça sonne un peu pareil, non ? Quand j’étais môme, j’insistais pour qu’mes copains m’appellent Henry. Ça a jamais marché… Depuis, j’me présente avec mon nom de famille. Ah désolé, j’voulais pas vous raconter ma vie ! »
Si son nom de famille lui venait aussi de son père, au moins il ne l’avait pas choisi. Ce n’était pas un cadeau, ni un fardeau, mais une simple formalité. Puisque sa mère le portait toujours, il avait réussi à se l’approprier sans ressentir le même dégoût que pour son prénom. Et puis Morgan, quoi ! Comme dans les histoires de flibustiers qui le passionnaient, petit. Tout ça depuis qu’il avait assisté, pour la première fois, à la fameuse parade du Gasparilla Pirate Festival de Tampa[1]. Il avait 6 ans.
D’un geste discret, il remonta la manche de sa chemise, juste assez pour laisser entrevoir un tatouage en forme d’ancre marine sur l’intérieur de son poignet. S’il ne le montrait pas spécialement à sa cliente, celle-ci l’aperçut et pouffa. Bingo ! Il était parvenu à la dérider pour de vrai.
« Eh bien, ça vous tenait à cœur, on dirait.
— C’est toujours le cas. »
Elle hocha la tête en guise de réponse et mordit dans son sandwich. Comme elle semblait à nouveau plongée dans ses pensées, Gary la laissa tranquille. Il reporta son attention sur la musique, et se prépara un latte en remuant la tête en rythme ; il avait fini d’apprêter les lieux pour la soirée, il pouvait bien s’accorder une pause en attendant l’heure de pointe.
« J’ai… des choix importants à faire, avoua-t-elle au bout d’un moment. Mais tous me paraissent égoïstes. Pourtant, je dois trancher. Et je déteste ça. »
Tiens, la dame avait décidé de se confier, finalement. Gary hocha la tête d’un air compatissant et attendit la suite. Comme celle-ci ne venait pas, il tenta de la relancer.
« Si y’a pas d’bon choix, prenez juste le moins mauvais. »
Sa cliente réfléchit un instant, le nez dans son verre de jus de fruits. Difficile de l’aider sans connaître aucun détail, et en même temps, mieux valait ne pas trop s’immiscer dans ses affaires. Il profita du silence pour faire mousser sa boisson.
« Difficile à déterminer, ils sont tous mauvais, d’une certaine façon. Mais pas pour les mêmes personnes.
— Vous pouvez pas satisfaire tout le monde… C’est quoi l’plus important pour vous ? »
Il insista sur le dernier mot et pria pour ne pas être totalement hors sujet. Ah, la psychologie de comptoir… Avec ses questions d’une banalité à pleurer, la jeune dame devait le prendre pour un benêt. En voilà une qui ne reviendrait pas. D’ailleurs, elle ne répondait même plus. À moins qu’elle se soit perdue dans ses réflexions ?
La clochette du café retentit à nouveau ; un couple de trentenaires franchit le seuil du Coco Loco. Diversion bienvenue pour Gary qui accueillit ses nouveaux clients avec enthousiasme. Lorsque l’Argentine eut terminé son repas, elle paya son dû, le remercia vite fait et disparut.
À la fin de son service, Gary rentra chez lui. Il habitait au deuxième et dernier étage d’un bâtiment de briques rouges, juste au-dessus d’un tatoueur un peu miteux. Son logement n’avait rien d’extraordinaire ; un studio tout simple au cœur d’Ybor City, éclairé depuis le toit par un velux. S’il l’avait souhaité, il aurait pu louer un petit pavillon avec micro-jardin dans un endroit plus calme. Mais le charme des anciennes fabriques de cigares du quartier, ainsi que sa vie nocturne, lui rappelaient la petite Havane de Miami ; il s’y sentait chez lui. Son loyer modeste lui permettait aussi d’envoyer tous les mois un peu d’argent à sa mère ; un coup de pouce qu’elle avait mérité de bien des façons…
Il faisait nuit noire quand il descendit du tramway, et même un peu froid – c’est-à-dire, selon ses critères, moins de 15 degrés. L’hiver approchait ; il profita d’un feu rouge piéton pour remonter la fermeture éclair de sa veste jusqu’au cou. Tout autour de lui, les néons colorés des bars et discothèques l’invitaient à y prolonger sa soirée. Pourquoi ne pas céder à leur appel, une heure ou deux, le temps de se réchauffer sur la piste ? Non, pas aujourd’hui, décida-t-il. Aujourd’hui, il essaierait de rattraper ses nuits précédentes.
Arrivé près de chez lui, il avisa une silhouette postée devant sa porte. Il s’arrêta, méfiant. Capuche de sweat remontée sur le crâne, une main dans la poche, l’autre tenant un joint : avec un look pareil, il aurait pu s’agir d’un ami de Malika, sa collègue du Coco Loco. Sauf qu’elle ne connaissait pas son adresse. Ni elle, ni personne à Tampa ; il n’invitait jamais personne. Cet homme semblait pourtant l’attendre. Que pouvait-il faire d’autre ? La porte de son appartement ne menait nulle part ailleurs.
Hésitant, Gary s’avança de quelques mètres pour mieux jauger la situation. Le gars ne bougeait pas et continuait de fumer tranquillement. Son visage restait dissimulé sous sa capuche. Dans sa vie, Gary avait trempé dans suffisamment d’histoires louches pour savoir renifler les ennuis quand il s’en présentait. Et cet individu réveillait tous ses signaux d’alarme. Mieux valait rebrousser chemin, se dit-il en pivotant sur ses talons. Il pourrait rejoindre un bar le temps que le gaillard se lasse et s’en aille. Coup d’œil en arrière ; trop tard… Il s’était fait repérer.
Il claqua sa langue contre son palais et laissa le type approcher. S’il ne l’avait toujours pas reconnu, l’autre se dirigeait droit sur lui. Gary craignait le pire. Il serra les poings, prêt à l’accueillir comme il se doit s’il lui cherchait querelle.
« Hey cap’tain ! s’exclama l’intrus en ouvrant grand les bras. Ça fait un baaaail ! Hey mais, c’est qu’on aurait oublié ses vieux camarades de bord ? »
Le lascar écrasa son joint et se pencha pour lui donner l’accolade. Gary sentit ses muscles se raidir à son contact, mais laissa l’autre l’enlacer et lui claquer l’épaule sans réagir. Cette voix… Il la reconnaîtrait parmi toutes celles du pub le plus bondé du quartier.
« Joel…
— Eh oui, Joel ! Eh ben t’en as mis, du temps. Bon ok, j’ai peut-être pas mal changé depuis… Depuis quand ? Ça fait bien sept ou huit ans qu’on s’est pas vus, non ? »
Lorsque l’encapuchonné dégagea son visage, Gary reconnut sa peau cuivrée, ses yeux clairs et son nez épaté parsemé de taches de rousseur. Il s’était rasé les cheveux depuis la dernière fois qu’il l’avait vu. Un fin duvet brun recouvrait maintenant son crâne, à l’exception d’une traînée blanchâtre au-dessus de l’oreille — vieille cicatrice de leurs errances passées.
« Mieux comme ça ? Arf, allez… Laisse-moi entrer qu’on rattrape le temps perdu. T’sais que j’ai eu du mal à t’retrouver ! »
Gary grimaça un sourire et se détourna. Qui l’avait trahi ? S’il avait quitté Miami, c’était justement pour se faire oublier. De Joel, comme des autres. Il était venu chercher le salut à Tampa et pensait l’avoir enfin trouvé. Devait-il clore si vite cette parenthèse de sérénité ?
Il repêcha ses clefs depuis sa poche et avança à grands pas vers sa porte. Il l’ouvrit calmement, puis d’un geste sec la referma sur le type. Hélas, celui-ci n’avait pas perdu ses réflexes. Joel glissa une main dans l’interstice et grogna lorsque le panneau lui écrasa les doigts. Il tint bon néanmoins, malgré les efforts de Gary pour le maintenir à l’extérieur.
« ‘Foiré. Qu’est-ce qui te prend ? C’est comme ça que t’accueilles ton vieux pote ? Allez, joue pas au con ! Laisse-moi entrer… Aouch ! »
Comme il souhaitait éviter d’attirer l’attention, Gary finit par céder. L’autre se hâta de franchir le seuil et referma derrière lui.
« Pas longtemps », grommela Gary avant de monter les marches. Une fois là-haut, il fit jouer une deuxième clef dans la porte menant à son studio et alluma la lumière. Il enjamba les quelques vêtements traînant au sol, puis se laissa tomber sur une chaise, la tête dans les mains.
« Tu nous as manqué, confia l’intrus en pénétrant chez lui. Sans notre cap'tain, on est parti à la dérive. Pas tout d’suite, mais ç’a pas pris longtemps… On savait pas où ils t’avaient emmené. On aurait bien voulu t’payer une visite, pourtant. »
L’intéressé ne se donna pas la peine répondre.
« Sympa, ton appart' ! Un peu l’bordel, mais c’est pas mieux chez moi… Tiens, c’est qui ça ? »
Gary écarta les doigts de ses yeux, puis bondit sur le cadre à photo que tenait son invité.
« Touche pas à ça !
— Hey du calme, je vais rien casser, là. Alors, c’est qui ? Ta gonzesse ?
— Une collègue. Une amie à moi… D’ailleurs, ça t’regarde pas. »
Malika…
« Plutôt mignonne. J’aime bien ses cheveux turquoise. Tu me la présentes ?
— Non. Et repose ça, j’ai dit !
— Ok ok, t’énerve pas Cap’tain. Voilà. La jolie minette, de retour sur l’étagère. »
Joel soupira, puis s’assit sur le lit. Il testa le matelas d’un rebond ou deux et conclut son analyse d’un sourire appréciateur.
« Bon, et tu m’offres pas à boire ? On a plein de trucs à s’raconter, non ?
— Joel…
— Quoi ?
— Qu’est-ce que tu veux ? »
Son invité haussa les sourcils, l’air de ne pas comprendre sa question.
« Qu’est-ce qui te dit que je veux quelque chose ? »
Gary l’observa avec insistance. L’autre ne broncha pas.
« J’suis juste venu voir un vieux pote, c’est tout ! J’pensais bavard… Bon ok ça va ! Ok ok, j’avoue… J’ai besoin d’argent. »
— Ah, je m’en doutais ! Et t’as fait tout c’chemin pour ça ? Personne n’a pu t’en prêter à Miami pour qu’tu viennes me faire chier ici ?
— Oh là, du calme ! Crois-le ou non, mais j’suis aussi venu pour te voir !
— Mon cul, ouais. J’en crois pas un mot. Allez Joel, ça suffit, sors de chez-moi maintenant ! Tu m’as vu, t’es content, on s’est dit plein de trucs… Mais là, j’ai sommeil et je taffe demain. Alors, bye bye ! »
Il saisit le poignet de son ancien camarade et l’entraîna vers la porte.
« Cap’tain, attends ! J’croyais qu’on était frères ? Qu’on s’était juré de s’entraider ? Ça y est, depuis que t’es sorti, tu nous connais plus ? Ils t’ont fait oublier la solidarité, là-bas ? Le partage, aussi ?
— Ça suffit, j’ai dit !
— Allez cap'tain, j’demande pas grand-chose… Juste de quoi tenir une semaine. C’est tout ! Après je m’en vais, je t’embête plus. Juré. »
Gary grogna et le relâcha d’un geste brusque.
« Si je te donne un peu, tu m’fous la paix ?
— Ça me blesse c’que tu dis, cap’tain…
— Réponds !
— Ouais… Merci, mon frère.
— Combien tu veux ?
— C’que tu voudras bien m’donner. Tu vois, ch’uis pas chiant. »
Gary plongea la main dans ses poches, tira quelques billets de son portefeuille, ouvrit la porte et les balança dans l’escalier.
« Tiens, va les chercher si tu les veux. Et que j'te revoie plus ici ! »
Son hôte ne se fit pas prier. Il le contourna d’un bon mètre, puis franchit le seuil du studio bien plus vite qu’en sens inverse.
« Eh Joel ? Au cas où, j’me fiche de c'que tu penses, ou de c’que pensent les autres. J’suis un honnête gars maintenant, ou en tout cas j’essaie. J’aimerais juste qu’on me foute la paix, que je puisse essayer tranquille. Alors tes histoires-là, c’est la dernière fois. Compris ?
— Aye Cap’tain. Merci. Je s… »
Gary claqua la porte sans le laisser finir et verrouilla à double-tour. Il entendit l’autre descendre les marches en ramassant les billets, puis sortir. Soulagé, il soupira et ferma les yeux un instant pour se calmer.
Bon, et avec ces conneries… il était quelle heure, maintenant ? Encore un jour où il se coucherait beaucoup trop tard. Il plissa le nez en reniflant ; des relents de hasch flottaient dans l’air. Les vêtements de Joel devaient en être imprégnés. À l’époque, ça ne l’aurait pas dérangé. Aujourd’hui, il le supportait difficilement ; cette odeur le ramenait à un passé qu’il s’efforçait d’oublier.
Il attrapa la perche reliée à la fenêtre de toit et moulina pour l’ouvrir. L’air extérieur s’engouffra chez lui, accompagné du tintamarre d’un groupe de motards. Leurs pétarades lui arrachèrent un sourire ; il était comme eux, autrefois. Jeune et con. Il se croyait le roi du monde, lui et son équipage d’ados rebelles. Ils réveillaient les bonnes gens de la petite Havane en faisant vrombir leurs cylindrées à n’importe quelle heure de la nuit. Leurs navires à moteur, toujours parés à l’abordage sur une mer de goudron.
« Cap’tain »… Il y avait bien longtemps qu’on ne l’avait pas appelé comme ça. Ce surnom lui évoquait tellement de souvenirs… et pas des plus agréables. D’ailleurs, parmi tous ses camarades d’infortune, qu’avait bien pu pousser Joel à le retrouver ? Gary ne pouvait croire à un simple dépannage. S’il était en galère, il reviendrait sans doute. Comme il avait été naïf de croire qu’il suffirait de s’éloigner de quelques centaines de kilomètres pour se faire oublier. Il aurait peut-être dû s’installer encore plus loin ? Même si dans ce cas, il aurait été plus compliqué – et coûteux – de rendre visite à sa mère, à Miami…
Les ronflements des motos s’étaient tus. La rue avait retrouvé l’ambiance nocturne qu’il lui connaissait ; un mélange de musiques, d’exclamations joyeuses et de pneus léchant l’asphalte. Gary se laissa imprégner par cette mélodie au parfum d’habitude. Il sentait ses nerfs se calmer peu à peu. La moto… Voilà un truc qui lui manquait de sa vie d’avant. Il s’en paierait une nouvelle, un jour. Une flambant neuve, à faire pâlir de jalousie tout son quartier. Mais pas maintenant. Maintenant, il avait mieux à faire de son argent. Et il ne s’accorderait aucune dépense personnelle avant d’avoir tiré sa mère de la misère et achevé de rembourser sa dette envers elle ; sa dette morale aussi bien que financière.
Sa main plongea dans sa poche, en sortit son téléphone et appela un numéro. Toujours le même, peu importe l’heure ; comme elle travaillait de nuit, elle n’était pas encore couchée.
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Notes de bas de page :
1. Festival incluant parades et évènements communautaires, créé en l’honneur du pirate espagnol José Gaspar (surnommé Gasparilla). Il se déroule chaque année à Tampa depuis 1904, et s’étend de la mi-janvier à début mars.
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