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Zeik était planté là, devant la porte à double battants. L'entrée principal de son nouveau lycée. Il la regarda de haut en bas essayant de s'imaginer ce qu'il trouverait derrière. Une foule d'élèves, d'adultes. Tous des inconnus.

Il prit une grande inspiration, rentra. Il n'eut pas le temps de faire un pas à l'intérieur, qu'on lui sauta presque dessus.

- Alors c'est toi le nouveau ? En fait je ne sais pas pourquoi je pose la question... je connais déjà la réponse.

Il ne put même pas voir qui lui parlait. Deux mains, relativement tièdes, lui saisirent les joues, tirèrent dessus. Ces mêmes mains lui soulevèrent sa mèche qui retombait finement du côté droit, cachant l'un de ses deux yeux noisette.

- Encore plus beau que ce que je m'étais imaginé !

- Sâme, tu peux le laisser respirer s'il te plaît !

Les mains se retirèrent. Elles hésitèrent, revinrent l'inspecter sans gêne.

- Sâme !

- Non mais regarde-moi ses cheveux châtain foncé, qui se dégradent en un châtain clair presque blond. Et ses yeux... Non mais tu as vu ses yeux ?

- Oui j'ai vu Sâme. Tu peux le lâcher maintenant ?

- Oui, pardon.

Elle enleva ses mains, pour la seconde fois. Enfin, elle arrêta de faire un descriptif de lui-même. Cela en était presque devenu gênant.

Devant lui, il vit une main se tendre, en signe de salue. D'un geste mécanique, il la saisit.

- Moi c'est Sâme.

L'adolescent était face à une jeune fille aux boucles blondes parfaites, menue et souriante. Elle avait du charme c'était certain. Quiconque la voyait pouvait le dire.

- Excuse-moi pour cet accueil. Je suis intenable depuis que je sais qu'un nouveau va arriver au lycée. Un étranger en plus. Ce n'est pas quelque chose qui arrive chaque année ! Je n'ai pas cessé d'essayer de t'imaginer. Physiquement, moralement...

- Un vrai calvaire, je ne te raconte pas. Un mois qu'elle ne parle que de toi. Je vais vraiment finir par être jaloux.

Le garçon qui accompagnait Sâme, saisit cette dernière par la taille. Il posa sa bouche sur la sienne. Un baiser sans gêne, qui s'éternisa. Zeik détourna les yeux, faisant mine de ne pas les voir.

- Arrête !

Amusée, Sâme le repoussa et quitta le réconfort de ses bras.

- Lui c'est Mike. Mikael plus exactement. Mais appelles le Mike. Tout le monde l'appelle de cette manière ici.

Mike força la jeune fille à revenir dans ses bras. Elle parvint à l'éviter.

- Tu sais Sâme, je pense être assez grand pour me présenter moi-même.

Sâme le poussa gentiment. Devant lui, les deux amoureux se mirent à se chamailler, tout en rigolant. Zeik détourna une nouvelle fois le regard. Dans un univers qu'il ne connaissait pas, assister à cette scène avait aussi quelque chose de gênant.

- Et toi alors, tu t'appelles comment ?

Mike c'était de nouveau intéressé à lui, tout en gardant Sâme dans ses bras. Il avait enfin réussi à la bloquer, il n'allait pas la laisser repartir. Zeik eu un petit sourire. Mike donnait l'impression de protéger la jeune fille. Ou alors il montrait simplement et clairement qu'elle lui "appartenait".

- Zeik Kaîda, répondit Sâme à sa place.

- Comment tu sais ça toi ?

La jeune fille leva d'abord les yeux au ciel, puis regarda derrière elle. Elle cherchait une échappatoire, une excuse.

- Bon j'avoue, quand le prof nous a annoncé qu'un nouvel élève allait arriver dans le lycée, j'ai fait ma curieuse. J'ai cherché ton dossier, que, oui, j'ai réussi à trouver. Zeik Kaîda, quinze ans. Anniversaire, le premier décembre.

- Tu ne veux pas nous donner sa taille, son poids, et sa pointure tant que tu y es ?

Cela faisait presque peur. Ils ne s'étaient jamais vus et elle en connaissait déjà tant sur lui ? Plus que lui-même en connaissait d'elle.

- Depuis quand vous savez que je vais arriver ? Demanda-t-il.

Sâme réfléchit, regarda son copain. Dans les yeux de ce dernier, elle vit qu'elle n'aurait aucune réponse de sa part.

- Un mois il me semble. En fait, ils nous l'ont dit quelques jours après la rentrée.

Zeik remonta son sac sur son épaule. Il ne se sentait pas vraiment à l'aise. Ce nouvel endroit, tant de personnes qui savaient déjà qu'il allait arriver. Lui, qui n'en connaissait pas une seule.

- Je peux te poser une question ? demanda la jeune fille.

Mike rigola.

- Mon pauvre Zeik. Avec elle, tu n'as pas terminé. Tu vas vivre un perpétuel interrogatoire.

- Ferme la Mike.

Elle fit un large sourire au nouveau venu du lycée.

- Dans mes recherches, je n'ai pas trouvé d'où tu venais. L'information a certainement dû m'échapper. A te regarder, je dirais Chine ou Corée. Un pays par là...

- Japon.

Mike n'arriva pas à cacher son rire derrière ses mains.

- Je viens de Tokyo. Je suis né là-bas, et j'ai grandi là-bas.

- Tokyo... J'ai vu beaucoup de photos... Je me suis toujours dis que, en vrai, ça devait être une ville vraiment grandiose.

- Elle l'est, oui.

- Le Japon... Tu parles bien notre langue pour un japonais.

Venant de Mike, cela sonnait presque comme un reproche.

- Mon père a été muté ici récemment. Mais nous préparons ce voyage depuis un moment. Je savais dans quel pays j'allais aller, il a bien fallu que j'apprenne la langue.

Il jeta un regard à Mike, qui ne lâchait toujours pas sa copine.

- Et ma mère est professeur de langue, c'est elle qui m'a appris. J'arrive à comprendre et parler le français. A l'écris, c'est une autre histoire.

Sâme se libéra enfin des bras de son copain.

- Ne t'inquiète pas, je t'aiderai si besoin.

- Arigatou (merci).

Sâme pencha la tête sur le côté. C'était mignon, elle ressemblait à un petit chat qui ne comprenait pas ce qu'on lui demandait.

- Ce qui veut dire ?

- Merci.

- Même moi je le savais, se venta Mike.

Pour toute réponse, il reçut un coup de coude dans les côtes. La jeune fille lui lança un regard vexé, avant de se tourner de nouveau vers le nouvel élève.

- C'est moi qui devrais te remercier d'être aussi beau.

Zeik eu un moment d'hésitation, ne sachant trop quoi répondre.

- Sâme !

- Ho ça va, jaloux ! J'ai le droit de dire ce que je pense il me semble, nous sommes dans un pays libre !

Zeik ne savait plus quoi dire, ni quoi penser. Cette jeune fille, Sâme, était à la fois direct et accueillante. Mikael, était en revanche plus froid, sans être pour autant trop désagréable. Par chance, la sonnerie lui sauva la vie. Il y vu une échappatoire pour laisser Sâme et Mike à leurs questions et leurs chamailleries, et s'éclipser.

- Je devrais y aller. Je ne sais pas dans quelle classe je suis, encore moins où je dois aller. Il ne faut pas que je perde de temps.

Sâme lui attrapa le bras.

- Pas de panique beau gosse. Tu es en seconde D. Oui je sais aussi cela, ce qui est assez logique vu que c'est mon professeur principal qui nous a prévenu de ton arrivée. Tu es dans la même classe que moi. Mike est en seconde B. Allez viens, on va être en retard. Pour ton premier cours, ce n'est peut-être pas l'idéal je pense. A la pause, je te ferais visiter le lycée.

Ils allaient partir, quand Mike retint sa copine par le bras.

- Et moi alors ?

- Tu es assez grand pour trouver ta salle non ?

Il la lâcha.

- Est-ce que je pourrais au moins me joindre à vous pour la visite ? Ou tu veux être seul avec ton nouveau prince charmant ?

Elle leva les yeux au ciel, encore une fois.

- N'importe quoi ! Bien sûr que tu peux venir.

Elle tira la langue à son copain et s'éloigna, entraînant le nouveau dans ses pas.

***

Zeik se frotta le visage.

Il regrettait ses cours au Japon. Les français parlaient trop vite pour lui. Habituellement les mathématiques et l'histoire étaient ses matières favorites. Là, il allait devoir rattraper le retard, s'habituer à cette langue et, surtout faire en sorte d'ignorer tous les regards posés sur lui. Il avait l'impression d'être un animal de cirque. Une activité intéressante et distrayante.

La mondialisation du professeur était très loin de lui.

- Tout va bien Zeik ?

Il sursauta. C'était Sâme. Qui cela pouvait-il être d'autre ?

- Tu es tout pâle, cela va nuire à ta beauté naturelle.

Le garçon ne put s'empêcher d'avoir un sourire amusé.

- Ces deux premières heures de cours étaient... trop difficiles pour toi ?

- Non c'est que...

Il chercha ses mots. Ils lui venaient tout naturellement en japonais, pas en français. Sâme avait déjà démontré qu'elle ne comprenait pas un mot de sa langue natale.

- J'ai beau avoir appris, je ne suis pas encore habitué à parler constamment le français. Les cours ne sont pas tellement différents de ce que j'avais. Vos professeurs parlent juste un peu trop rapidement pour moi.

Zeik se pencha en arrière et s'étira. Contre le dossier de sa chaise, il entendit les os de son dos craquer.

- Il me faut juste du temps pour m'habituer.

- C'est vrai. Tu n'es là que depuis deux heures. Allez viens, je dois te faire visiter.

Le lycée était immense. Enfin, c'est l'impression qu'en avait l'adolescent. Il était plus grand que ce qu'il avait pu s'imaginer. En fait, plus simplement il avait préféré ne pas s'imaginer son nouveau lycée tout court.

Deux étages en plus du rez de chaussé. Plus de salles qu'il n'en fallait, une grande bibliothèque, qu'ici ils appelaient « CDI ». Une salle vidéo, deux salles informatiques, une à chaque étage, trois salles qui servaient au club d'art, au rez de chaussé, dont un qui ressemblait plus à un débarras. Des casiers sur tous les murs libres de ce même étage. Un terrain de sport à l'extérieur, et deux gymnases. Un petit et un grand, chacun accompagnés de leur propre locale sportif. Tout pour être bien équipé.

- Il y a environ sept-cents élèves ici. Alors que le lycée en lui-même pourrait en accueillir plus de mille je pense. Neuf classes en secondes, sept en première, le même nombre en terminal. Et il y a aussi une classe spéciale.

- Cela fait... pas mal de monde.

Sâme haussa les épaules.

- On s'y habitue vite.

Sans prévenir, quelqu'un enlaça la jeune fille et posa un bisou rapide sur sa joue. Sâme se libera de l'emprise de son copain pour mieux le voir. Elle l'embrassa, comme tous les adolescents amoureux le feraient. Les deux adolescents ne se lâchaient plus. Zeik détourna le regard. Cette situation le mettait mal à l'aise.

- Vous ne m'avez pas attendu ?

- J'étais pressé de montrer notre magnifique lycée à Zeik.

Mike leva enfin les yeux vers lui.

- Alors comment le trouves-tu ?

- Grand, très grand. Mon collège était plus petit et mon lycée d'un mois aussi.

- Bienvenue dans le lycée le plus américain de France !

Zeik haussa un sourcil, sans comprendre.

- Le plus américain ?

- Tu as déjà regardé des films ou des séries américaines qui se passent dans un lycée ?

- Pas vraiment.

- Il va falloir que tu t'y mettes. Ici, ils en ont peut-être un peu trop regardé.

Sa remarque ne fit rire que Sâme. Zeik était trop perdu pour comprendre et trouver cela amusant.

- Cela ne me dit toujours pas pourquoi ce lycée est... « Amerika ».

- Ce petit accent japonais est si mignon !

- Sâme ! Tu recommences !

- Oui, désolé. Quoi qu'il en soit, ici, tout le monde qualifie le lycée d'américain car... comment expliquer.

- Dans ses méthodes, ses manières, sa gestion, son apparence. Tout ressemble au système américain ici.

- Je vois. Enfin non, je ne vois pas, mais je comprends... je pense.

- Regarde des séries américaines, vraiment ! Ça t'aidera.

La sonnerie retentit, coupant court à leur conversation.

- Déjà la fin de la pause. Je dois y aller, j'ai sport.

Un dernier baiser, et Mike les quitta.

- Dépêche-toi Zeik. On a anglais, avec la nouvelle prof. Il paraît qu'elle est arrivée aujourd'hui. Depuis la rentrée, on n'a pas eu un seul cours d'anglais. Pénurie de professeur apparemment. Je n'ai pas prononcé un mot d'anglais depuis l'année dernière. Je ne sais pas si je vais être capable de dire quoi que ce soit aujourd'hui.

Sâme rigola. Elle parlait vite, et beaucoup. Elle ne s'arrêtait plus. C'était gentil de sa part, mais trop pour le garçon. Toutefois, dans son discours, un élément avait relevé sa curiosité.

- Attend, tu as dit qu'un nouveau professeur était arrivé aujourd'hui ?

- Oui pourquoi ?

- Pour rien.

Sâme jeta un coup d'œil à son portable. Les minutes défilaient vraiment vite.

- Mince, on va vraiment être en retard. Notre cours est à l'autre bout du lycée.

En courant, ils traversèrent le lycée, Zeik suivant de prêt la jeune fille pour ne pas se perdre. Couloirs et escaliers, ils arrivèrent à destination, avec plus de cinq minutes de retard.

- Première journée, troisième heures de cours et déjà en retard ?

Sans même regarder, Zeik reconnu la voix. Face à ce professeur, son japonais ressortit.

- C'est une blague maman ?

- Pas ici, jeune homme. Allez à vos places tous les deux.

Ils s'installèrent à la table de libre.

- Je reprends. Comme je vous disais, je suis madame Kaîda. Je viens du Japon où j'y étais professeur de langues. Ici, je serais simplement votre professeur d'anglais...

Zeik s'affala sur la table et se cacha dans ses bras.

- La chance de ma vie, vraiment...