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tome 1, Chapitre 1 tome 1, Chapitre 1

Ses parents lui avaient laissé la place près du hublot. Ils n'auraient peut-être pas dû.

Par la petite vitre, il observa le sol s'éloignait au fur et à mesure que l'avion prenait de l'altitude. Ce bout de terre n'était à présent plus qu'un point flou au milieu de l'eau. C'était sa terre natale qu'ils quittaient. Son quotidien, ses souvenirs, ses amis, son lycée...

- Papa ? L'avion était dans le ciel depuis à peine une vingtaine de minutes, et son père était déjà plongé dans une revue prise à l'aéroport.

Il leva les yeux vers son fils.

- Que t'arrive-t-il mon fils ? Tu t'ennuies déjà ?

Le garçon regarda une nouvelle fois par le hublot.

- Est-ce que nous reviendrons chez nous ?

- Nous allons chez nous Zeik.

- Je parle de notre vrai chez nous. Celui que l'on vient de quitter, ici, au Japon.

Son père tourna une page de sa revue, plus intéressé par cette dernière que par ce que lui disait son fils.

- Peut-être un jour, oui, finit-il par dire.

Une lumière s'alluma dans les yeux de l'adolescent de quinze ans.

- En vacances, quelques jours, si nous en avons l'occasions.

Cette lumière qui venait de s'allumer s'éteignit en un instant.

Une goutte de pluie vint zébrer le hublot, suivit d'une autre. Un véritable déluge s'abattit sur eux, masquant l'horizon.

- Notre vie est là-bas maintenant Zeik. Cela fait des mois que nous nous y préparons.

Le garçon fit la moue. Sa vie au Japon, comme toutes les vies, n'était pas absolument parfaite, mais il l'aimait. Il lui avait fallu quinze ans pour se forger, créer son identité. Ses amis, ses passions, ses activités, ses repères, tout.

Ses parents l'obligeaient de changer. Ils devaient tout reprendre au départ.

Nouveau pays, nouvelle vie. Pourquoi son père avait demandé cette mutation ? En France ? Pourquoi si loin ? La seule explication qu'il avait eu c'était que son père prenait un poste plus important. Il gagnerait plus. L'argent. C'était la vraie raison. L'argent seule. Le bonheur et les envies de leur fils n'étaient qu'un besoin secondaire.

- Je n'étais pas prêt. Je... je ne suis pas près. J'aurais juste voulu...

Son père ne l'écoutait déjà plus. Il s'était replongé dans sa revue, tombant sur une page de mots croisés. Son stylo était déjà sorti, prêt à l'emploi. Zeik jeta un regard à sa mère. Un cache sur les yeux, des bouchons dans les oreilles, elle dormait depuis plusieurs minutes. Il lâcha un soupir. Ce n'est pas avec sa mère qu'il aurait une conversation. Sans d'autre option, il se tourna vers le hublot. La pluie, un ciel sombre. Il n'y avait plus rien à voir de ce côté là non plus.

- Je n'étais pas prêt, murmura-t-il encore une fois.

***

Zeik sentit quelque chose lui caresser la joue, de manière douce. Il battit des paupières, essayant de chasser les brumes du sommeil.

- Réveille-toi, chéri.

Il ouvrit enfin pleinement les yeux. Quand s'était-il endormit déjà ? Dans l'avion il n'avait pu fermer les yeux, pas une seule fois durant les longues heures du voyage. De nouveau au sol, l'aéroport, il s'était effondré dans la voiture. La fin de ce voyage, il l'avait passé en rêvant à ce qu'il avait quitté.

- On est arrivé Zeik !

Sa mère, assise sur le siège du passager à l'avant, regardait son fils en souriant.

- Ou ça ?

Elle eut un petit rire, à la fois doux et amusé.

- Chez nous !

Zeik se redressa, regarda par la fenêtre de la voiture.

Une grande maison aux murs blancs, un toit neuf, recouvert de tuiles rouge pâle, le tout entouré d'un jardin. Arbres, fleures, arbustes et haies bien taillées. L'endroit était élégant est riche. Une maison à l'image de ce que gagnait son père. Une maison française, si différente de celle qu'ils avaient au Japon. La couleur, l'apparence, le style, tout était différent.

L'adolescent se renfonça dans son siège. Il avait envie de se rendormir, se dire que tout ça n'était qu'un rêve, qu'il se réveillerait, bien chez lui. Un rêve peu agréable.

- Allez chéri, ton père est déjà à l'intérieur.

Sa mère était sortie de la voiture. Face à son fils qui ne bougeait pas, elle ouvrit elle-même sa portière.

- Ta chambre va te plaire, j'en suis sûr.

Bien malgré lui, il se leva pour sortir de la voiture.

- Ma chambre n'est pas ici. Elle est au Japon et elle me plaisait.

- Allez, tu t’habitueras !

Zeik jeta son sac sur son dos et suivit sa mère. La maison était déjà meublée.

Bien sûr !

Ses parents avaient tout prévu, dans les moindres détails. Du moderne et tout de bien français dans cette maison. Il passait de pièce en pièce. Le salon, avec ses canapés de cuir beige et sa cheminé en pierres apparentes. La cuisine, équipée, de manière presque excessive, des robots dernier cri, et d'ustensiles en tous genres. Il passa un doigt sur le comptoir. Pas un grain de poussière en vue. Il eut un sourire amusé. Ils n'avaient pas passé une journée ici, que les placards étaient déjà pleins, une corbeille de fruit régnait même au milieu de la table. Tout était parfaitement prêt pour eux.

C'était comme s'ils avaient toujours habités là.

- Zeik ?

Il sursauta.

- Ta chambre est à l'étage. Deuxième porte sur la gauche.

Sa mère lui montrait les escaliers.

Une dizaine de marches plus loin, il était sur le palier du premier étage. Deuxième porte sur la gauche, comme indiquée par sa mère. Zeik poussa ladite porte, sans grande conviction.

Les volets avaient été ouverts, tout comme la fenêtre. Un air frais venait chasser l'odeur de renfermer. Sur le palier de la porte, le garçon écouta. C'était silencieux. Le bruit des voitures n’était qu'un son lointain. Différent des bruits en pleines villes qu'il connaissait. Sa valise était déjà là aussi. Posée sur un nouveau lit, non loin de nouvelles étagères vides, et à quelques pas d'un nouveau bureau.

L'un des murs n'était qu'une immense armoire, cachait derrière des portes coulissantes. Les autres étaient vides et blancs. C'était si impersonnel.

- Ta chambre te plaît ?

Zeik sursauta une nouvelle fois, et se retourna. Son père était là, essoufflé d'avoir couru de tous les côtés.

- Je viens tout juste de la voir. Je n'y suis pas encore habitué. Pas du tout même...

- Tu t'y feras, tu verras. Tu vas aimer cette nouvelle vie !

Face au sourire de son père Zeik se contenta d'hausser les épaules. Il rentra dans la chambre, regarda son armoire vide et si grande. Son père s'éloigna, revint à la porte.

- Au fait, on est samedi. Dans deux jours, retours à la vie étudiante ! J'ai commandé tes livres, ils sont surement dans ton bureau.

- Super...

L'adolescent jeta un regard au bureau en question.

En général, les cours ne le dérangeaient pas. Il avait aimé ses années de collège, son premier mois au lycée, aussi difficile soit-il. Avec ses amis. Là...

- Tu sais papa, les cours par correspondances, c'est tout aussi bien !

- Bien pour ta vie sociale aussi ?

- Ma vie sociale... j'en avais une tu sais. Elle me convenait parfaitement.

Son père posa un regard fatigué sur lui.

- Ne reviens pas sur le sujet. Ce voyage est prévu depuis longtemps !

- Tu aurais pu être muté dans la ville voisine si tu le voulais. Toi tu as carrément choisi un pays à l'autre bout du monde.

- Zeik...

- La France, c'est à l'opposé du Japon ! Enfin, je suis sûr qu'en cherchant un peu plus, tu pouvais faire plus loin encore.

- Zeik ! Ce poste est prometteur, mieux que celui que j'avais et déterminant pour ma carrière.

Son père soupira en se frottant les yeux.

- Tu te referas des amis et toute une vie sociale, ici. Tu t'habitueras et tu aimeras cette nouvelle vie.

Il ne répondit pas. Dans la bouche de son père, cela sonnait comme un ordre.

- Dans deux jours, le lycée. Repose-toi d'ici là.

Il partit enfin, laissant son fils seul dans un nouvel univers.

- M'habituer, tu parles...

Il posa son sac à dos à côté de lui et se laissa tomber sur le lit. Au moins, ce dernier avait le mérite d'être confortable.

- Une nouvelle vie sociale...

Il ferma les yeux et imagina la chose. Il n'y parvint même pas.

A tâtons, il chercha son sac, le hissa à côté de lui. Rouvrant les yeux, il y prit le seul objet qu'il contenait. Un ballon de basket. Zeik le souleva au-dessus de sa tête. Il avait été signé par tous ceux de l'équipe qu'il avait quitté.

Un cadeau pour son départ.

Des pas raisonnèrent dans le couloir, souples et plutôt discrets.

- Maman ?

Elle s'arrêta à la porte d'entrée, un carton dans les mains.

- Oui mon chéri ?

- Il y a du basket dans mon nouveau lycée ?

- Ton père t'a trouvé un établissement qui possède une équipe active.

- Une bonne équipe ?

- Je n'en sais rien. Tu verras bien.

Elle fit un sourire. Sa mère était toujours souriante.

- Bon, je te laisse. Il y encore mille choses à faire ici.

Zeik continuait de fixer son ballon. Il le fit tourner entre ses mains, le lança, le rattrapa. Il renouvela l'action plusieurs fois, sans s'en lasser.

- Du basket... C'est au moins un point positif.

Il fit un sourire plutôt bête. La perspective de pouvoir continuer à jouer chassait un peu le fait que tout changeait dans sa vie.


Texte publié par K-Ao, 23 janvier 2021 à 11h55
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