NDE : Je sais que j'ai encore pris trop de temps pour publier ce chapitre, mais le travail a été rude ces dernières semaines (d'où une fatigue générale) et je n'ai pas un accès stable au web en weekend. Je ne peux pas promettre que ce ne sera plus le cas - ma vraie vie a tendance à m'empêcher d'avoir des activités d'écriture ces temps-ci, surtout depuis la reprise du présentiel). Je vais faire de mon mieux donc advienne que pourra...
Les yeux de Célestin s’écarquillent d’étonnement, autant, sans doute, en raison du lieu insolite de la trouvaille, que de l’audace dont j’ai fait preuve en regardant à l’intérieur. Il repose la photo sur la table basse et se frotte le front comme si tout cela mettait à mal sa raison.
— Voilà qui est surprenant, marmonne-t-il avant de m’adresser un sourire tendu.
Très vite, son visage retrouve tout son sérieux.
— Comme vous devez vous en douter, il s’agissait d’une des photos qu’Imbach avait fait prendre pour alimenter son dossier sur les ruines du marais. Hahn était le sergent… Il servait de photographe à Imbach.
Il pousse un petit soupir :
— Il n’était pas un mauvais gars, ce sergent. Il se disait heureux de prendre des photos plutôt que tuer des gens… Il avait aménagé un laboratoire de développement à la cave…
Cette fois, je ne m’offusque plus de sa compassion pour un ennemi. Sans doute parce que tout se fond à mes yeux dans une même horreur.
— Elle fait partie d’un ensemble, n’est-ce pas ?
— Oui, en effet.
— Et vous savez où sont les autres ?
— Je vous ai dit qu’Imbach logeait ici, si je me souviens bien ?
— Elles sont toujours chez vous ?
Célestin opine :
— Après la disparition d’Imbach et de son escorte, toutes ses affaires sont restées dans la maison. Mon beau-frère est venu me les demander. Il ne voulait pas que l’on risque de les retrouver au Palluet, ce qui pouvait soulever pas mal de questions. À son insu, j’ai conservé tout le travail intellectuel d’Imbach. Je le trouve passionnant. Il possédait un véritable talent pour les hypothèses complexes et inattendues. J’ai commencé à mettre en ordre ses papiers. J’aurais aimé donner une conclusion à son étude, mais je n’en ai pas la compétence. Et puis… rien ne peut effacer les motivations sordides de ses expéditions dans le marais… ni les circonstances obscures de sa disparition.
Je comprends ses préventions ; malgré tout, c’est là qu’il nous faut chercher des réponses, et il le sait autant que moi.
— Pensez-vous que quelqu’un l’a prise chez vous ?
— C’est probable… Même si peu de gens savent que je les ai conservées. Je ne vois pas comment quelqu’un a pu la récupérer à mon insu…
Cette éventualité semble le troubler profondément. Un instant, je me dis qu’il aurait pu le faire lui-même, avant de me souvenir qu’avec un seul bras, il lui aurait été difficile d’ouvrir le cercueil et disposer du corps d’Armance… à moins de bénéficier d’une complicité. Mais quel aurait été son but ?
— Est-ce que nous pouvons vérifier ?
Une lueur d’enthousiasme réapparaît dans le regard du vétéran ; de toute évidence, ce mystère le passionne ; sa réaction dissipe mes inquiétudes.
— Bien sûr ! Il se trouve dans le grenier. Prenez votre photo et venez avec moi, je vais avoir besoin d’aide !
Célestin se lève avec l’énergie d’un jeune homme ; je trottine sur ses talons, tandis qu’il se dirige vers un hall où donne un escalier en colimaçon. Les marches craquent allègrement sous ses pieds. Nous passons un étage pour parvenir sous les combles. Le vétéran pousse la porte et m’invite à la suivre dans une vaste salle mansardée, où un majestueux entrelacs de poutres demeure visible.
Je pensais trouver un fatras endormi sous une épaisse couche de poussière, mais l’endroit est aussi propre que son salon, bien qu’un peu austère. Une simple ampoule au bout d’un fil constitue tout l’éclairage. Au centre se dressent une table et une chaise. Un plumier et une pile de cahiers montrent que la pièce est loin d’être abandonnée. Sur des étagères, divers caisses et cartons s’alignent sagement.
— Pouvez-vous me passer la boîte bleue, juste ici ?
Après un moment d’hésitation, je repère enfin l’objet demandé ; il se révèle plus lourd que je m’y attendais. Je le dépose sur le bureau improvisé. Célestin l’ouvre pour dévoiler une série d’enveloppes saumon bien remplies. Chacune porte une date. Il ne lui faut pas longtemps pour retrouver celle qui correspond au mois de février 1944. Il en tire un paquet de photographies qu’il me tend aussitôt. Mes mains tremblent fébrilement tandis que je vérifie la suite des numéros : 1/12, 2/12…
… 7/12, 8/12… 10/12.
Aucun doute possible : la photo provient bien de cette collection. Malgré tout, un dernier doute me traverse :
— Êtes-vous certain qu’elle ne manquait pas déjà avant la disparition d’Imbach ?
Mon hôte fronce les sourcils :
— Pour tout vous avouer, je n’en sais rien. Voilà des années que j’ai commencé à classer et inventorier tout cela, mais c’est une tâche longue et minutieuse. Il me reste encore fort à faire.
Curieuse, je retourne les photos pour en examiner le sujet. Les dix premières sont des clichés de la chapelle, pris à partir de distances et d’angles variés. Même en noir et blanc, il émane de ce bâtiment une présence insolite, une âme vénérable et vaguement menaçante. On dirait une bête endormie pétrifiée par le temps, qui ne demande qu’à s’éveiller d’un sommeil empli de cauchemar.
Les deux dernières photos, par contre, se révèlent très différentes : elles montrent une statue grossière, qui doit se trouver à l’intérieur de la chapelle. Posée sur un socle à peine taillé, elle représente une femme dans une longue robe, dont les cheveux dénoués se tortillent comme des couleuvres. Le tissu de ses vêtements s’orne d’un motif qui rappelle des écailles. Au lieu de brandir une lance, comme la statue dans l’église de Sainte-Madeleine, elle agrippe des deux mains le cou d’un serpent monstrueux dont la tête se dresse à la hauteur de la sienne. Les anneaux sinueux de l’animal enserre la partie inférieure de son corps.
La netteté des clichés, le clair-obscur qui en fait apparaître avec d’autant plus de rudesse le moindre détail rend ces images d’autant plus perturbantes. Rien qu’à la regarder, j’ai l’impression d’être aspirée dans des profondeurs glauques où la vase m’englue de toute part. Réprimant un frisson, je les range dans l’enveloppe, que je réintègre dans la boîte avant de remettre le tout en place.
J’en suis à présente convaincue. Je dois me rendre dans le marais.
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