Myrtha
Aux côtés de Cef, je m’approche pour en savoir plus sur le type qui vient de sortir de l’ombre du bâtiment. Il porte un blouson de cuir du genre de ceux des bikers. J’ignore l’adolescent qui l’a précédé puisque je le mets dans le même sac que le premier : pas une menace. Ou alors, ça serait les meilleurs comédiens de l’univers.
En retrait, j’écoute l’homme de ma vie tenter de percer à jour les intentions de l’homme au visage sombre. J’imagine que lui non plus n’est pas rassuré. L’ambiance est oppressante. Nous avons déjà pris la décision de ne pas regagner nos chambres de nuits, pour plus de prudence.
Alors que je tente d’écouter ce qui se dit, un geste rapide attire mon œil. Je fais abstraction jusqu’à ce que l’adolescent se mette à crier. Dix secondes, et il me tape déjà sur les nerfs. Il me paraît encore plus idiot que l’autre. Comme j’en ai marre de l’entendre, j’agis. Sans un mot, j’arrache la bouteille d’eau des mains de Fabio. Un petit claquement m’apprend que je l’ai ouvert. J’en profite pour faire tomber du liquide sur les doigts du garçon.
– Voilà, ça partira mieux comme ça.
Il se fige. Au moins, il ne me mouillera pas. Avec son mouchoir, il se débarrasse des résidus de sang sur sa paume. À nouveau, je tente d’écouter ce que dit Cef, mais c’est sans compter l’autre adolescent qui prend la parole.
– C’est vraiment gentil de ta part. C’est quoi ton prénom ? Moi, je m’appelle Liam et mon ami, c’est Fabio.
Du bout des lèvres, je lui réponds.
– Myrtha.
– C’est très joli.
Ce type me fatigue. Si seulement, il pouvait se taire. J’ai autre chose à faire que d’entendre des banalités. En plus, ce n’est pas comme si j’avais pour ambition d’être son amie. Au moins, il n’a pas l’air méchant.
– Tu voyages avec ton père ?
Cette remarque me fait crisser des dents. Je prends une grande respiration pour éviter de hurler. À son côté, Fabio paraît agité.
– C’est mon petit-ami !
Mon ton est sec. Il faut dire d’essuyer sans arrêt les mêmes remarques, commence à me taper sur le système.
Ajoutons à cela, l’ambiance anxiogène du moment, et le fait que je n’ai pas envie de jouer les nounous.
Liam fronce les sourcils.
– Ah bon ? Il a plus l’âge d’être ton père que ton petit-ami pourtant !
Les yeux de Fabio s’écarquillent. Son coude se plante dans les côtes de son pote.
– J’aime les vrais hommes, pas les petits garçons.
Sur ces mots, je les abandonne pour observer les environs sans pour autant trop m’éloigner. Le vent souffle, soulevant la poussière au sol. Les flammes s’agitent dans le seau. Ne pas savoir ce qui se passe dans le coin me porte sur les nerfs.
– Je voyage en compagnie d’un jeune homme : Oscar. Il est sorti pour aller chercher des sandwichs et n’est jamais revenu.
Je repense au sang sur le distributeur. Serait-ce celui de ce garçon ?
– La seule et unique personne que l’on est rencontré, c’est lui !
D’un geste de la tête, Cef désigne Fabio.
Le silence se fait. Du coin de l’œil, j’observe le motard tout en faisant semblant de m’occuper du feu. Est-ce qu’il est armé ? Il dit être un client, mais est-ce réellement le cas ?
– Très bien. Je vais aller le chercher. Est-ce que vous me donnerez un coup de main ?
Les yeux pâles de mon petit-ami croisent les miens. Lui aussi, il préfère se méfier.
– Pas avant de savoir ce qu’il se passe ici !
L’odeur du bois qui brûle vient jusqu’à mes narines. En d’autres circonstances, cela aurait pu être agréable. Il ne manquerait plus que les guimauves à faire fondre. De toute façon, je n’aime pas ça. C’est mou et ça m’a pas de goût.
Je ne peux m’empêcher de jeter un regard rapide vers Cef. Il est si beau… Ses bras musclés croisés sur son torse, ses yeux pâles, même la mèche blanche dans ses cheveux, j’adore tout de lui. Je pourrais passer mon temps à l’admirer. Sauf que ce n’est pas le moment. Réfléchir à la situation serait plus intelligent.
Ici, nous ne sommes que des clients d’après les dires des autres. N’est-ce pas étrange ? Ni la femme de ménage ni le pervers de l’accueil ne sont présents. Si c’était un problème technique, ils devraient tenter de voir ce qu’il en est. À moins que tout se déroule dans le bâtiment.
Ensuite, il y a le cri. Un cri féminin ! Or, je n’ai croisé que des hommes dans le coin. Est-ce que ça serait la fameuse femme de ménage ? Et le sang sur le distributeur serait le sien ?
Mon regard est attiré par le grillage. En le longeant, est-ce qu’on retourne au parking ? Combien de voitures y étaient garées lorsque nous nous sommes arrêtés ? Si j’avais fait attention, je pourrais relier chaque personne à leur moyen de transport. Enfin s’ils ne sont pas arrivés après nous…
Je m’en vais glaner des informations. Cela veut dire aller parler aux ados. J’en soupire intérieurement, mais le plus important, c’est de comprendre ce qui se trame dans ce motel pourri. Je coupe court à une discussion sur la contamination de l’eau dans la bouteille en plastique. Fabio hésite à la boire et son ami l’encourage à ne pas le faire.
– Dites-moi, vous êtes venu avec quelle voiture ?
Les deux se tournent vers moi.
– Celle du père de Liam.
C’est vraiment Neuneu et Plat de nouille, ces deux-là.
– Je parle de la marque…
Ils échangent un regard.
– Je ne sais pas. Il faudrait que je regarde sur les papiers. Sinon, elle est grise.
Je patiente, mais Liam n’esquisse aucun geste pour le faire. Comme il sent que je l’observe, il reprend la parole.
– Les papiers sont restés dans la voiture, et il fait nuit.
Un air penaud sur le visage, il attend mon verdict. Sans doute a-t-il espoir que je ne l’envoie pas les chercher.
Ce n’est pas avec eux que je vais apprendre quelque chose d’intéressant. Je préfère m’éloigner avant de m’énerver.
Alors que je marche pour me vider la tête, je repère une silhouette qui s’approche. Mes yeux se plissent. À mieux y regarder, je suis face à quelqu’un de frêle, sans doute une femme. Serait-ce la fameuse femme de ménage ? Si c’est le cas, j’ai hâte de lui poser des questions. Bien sûr, il me faudra prendre garde pour déterminer ce qui est vrai ou non.
La personne se fige. J’ai l’impression qu’elle hésite. Comme je suis celle qui est la moins effrayante dans ce groupe, je vais à sa rencontre. Après, cela ne veut pas dire que je suis la plus inoffensive.
Plus j’avance, mieux je la vois, même si je m’éloigne de l’ampoule et du feu. Une belle femme à la peau d’ébène qui doit avoir la quarantaine. Étrangement, elle me paraît fragile, comme perdue dans la nuit. Ses yeux scrutent l’obscurité d’un air anxieux. Est-elle une cliente, elle aussi ? Le genre qui voyage seule, en fuyant des ennuis ?
Sans lui laisser le temps de disparaître, je me plante devant elle. Cela pourrait être un piège, mais je ne perçois pas de tension de l’air. Juste de l’hésitation. Pourtant, c’est elle qui parle la première.
– Qu’est-ce que… Est-ce que Bernie est là ?
Ce nom m’est inconnu.
– Désolée, j’ignore de qui il s’agit.
Sa main tremble. Est-ce qu’elle sait quelque chose, mais ne veut pas le dire ?
– Cacilie… Je cherche ma fille.
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