Oscar
L’ambiance est tendue dans la chambre. Mon chauffeur s’est assis sur le lit. Les yeux dans le vague, il ne dit pas un mot. Est-ce que c’est moi qui l’est chamboulé à ce point ? Je n’attendais pas à le mettre dans cet état. Est-ce qu’il cache volontairement sa sexualité ou alors il ne sait pas ?
Son pied tapote sur le sol. Ce bruit me tape sur le système, en plus de me faire comprendre la situation d’anxiété dans lequel il se trouve. Le mieux serait que je l’abandonne quelques minutes pour qu’il puisse réfléchir tranquillement. Sauf que pour cela, je dois chercher une raison valable. Depuis quelques minutes déjà, je me creuse la tête pour avoir un motif afin de me lever.
Je finis par me mettre debout.
– Qu’est-ce que tu fais ? me demande Danovan.
Il paraît avoir retrouvé l’usage de la parole.
– J’ai faim, je vais aller me chercher à manger. Tu veux quelque chose ?
En vérité, je ne sais même pas où trouver de la nourriture, mais je tente de faire illusion.
– Je…
Mon interlocuteur est hésitant. Le malaise se poursuit.
– Il y a un distributeur de sandwich dans le coin.
Danovan me tend un billet. Même si je n’aime pas cette idée, je me vois dans l’obligation de l’accepter. Déprendre de la générosité des autres ne m’enchante pas, mais je n’ai guère le choix dans ma situation. En plus, il vaut mieux que je fasse bonne impression à mon futur patron.
– Je prends quoi ?
– N’importe quoi tant qu’il n’y a pas de poisson.
Riche de cette information, je quitte la chambre. Dehors, il fait noir. Cela me permet de me rendre compte des ampoules grillées dans le coin. Est-ce que le but serait de nous confiner dans nos quartiers pour éviter que l’on fasse des bêtises ? Ce trait d’esprit me fait sourire.
En passant devant l’une des chambres, je perçois le bruit d’une conversation. Nous ne sommes pas seuls dans ce lieu. En un sens, cela me réconforte.
Cependant, cela ne m’indique pas où trouver un repas. J’observe les petits baraquements, qui regroupent deux chambres. Entre chacun, j’ai l’impression de découvrir des chemins que j’hésite à emprunter. Un tueur pourrait m’y guetter que je ne m’en rends pas compte. Avec cet état d’esprit, j’ai plus envie de fuir en courant qu’autre chose.
En toute logique, le distributeur doit se trouver dans un endroit accessible. Du coup, je retourne vers l’entrée du motel. C’est là que je mettrais la mienne si je devais choisir.
Un sourire se dessine sur mon visage lorsque je découvre la machine. Par chance, une lumière l’éclaire, ce qui me permet de visualiser les produits proposés. Après y avoir jeté un coup d’œil, j’hésite entre une sorte de hot-dog et un sandwich gratiné. Le nombre de conservateur et d’addictif doit crever le plafond, mais pour une soirée, nous survivrons.
Un cri résonne au loin. Je me retourne, mais je ne distingue rien. Est-ce un jeu ? Peut-être quelqu’un qui s’amuse à effrayer à un proche ? L’idée du tueur me revient en tête. Il est temps de grandir. Je ne peux pas avoir peur de tout et de rien. Pourtant ma main ne peut s’empêcher de fouiller dans ma poche à la recherche de mon couteau. Un indispensable qui ne me quitte plus. Quand on passe un moment dans la rue, il vaut mieux savoir dissuader les potentiels agresseurs.
Après un coup d’œil autour de moi, je reporte mon attention sur le distributeur. J’y glisse le billet avant de taper le numéro pour récupérer ma nourriture. Sauf qu’avec ma chance folle, le sandwich reste coincé dans la machine. Énervé, je frappe dessus dans l’espoir que ce geste le fasse descendre, mais c’est peine perdue.
Plusieurs tentatives incrusteuses me convainquent que je ne réussirais pas seul à récupérer mon bien. Tant pis, je m’en vais trouver le gérant de cette structure. Peu importe s’il ne m’a jamais vu, hors de question de perdre mon repas. Enfin plutôt celui de Danovan… J’ai en tête l’idée d’une mère qui se démène pour rapporter de la nourriture à ses petits.
J’avance pour me retrouver dans le noir total. J’espère qu’il n’y aura aucun obstacle sur ma route, sinon c’est certain que je foncerai dedans. L’image de plot en béton ou de barrière métallique me traverse l’esprit. Pour les éviter, je tends les mains devant moi.
Il faudrait vraiment remettre des ampoules ou alors installer des lampes. C’est une idée intéressante pour ne pas perdre ou tuer des clients.
J’avise un bâtiment qui ressemble à celui par lequel nous sommes arrivés. Lorsque je pousse la porte, j’ai le bonheur de la voir s’ouvrir. Une chance !
Sans trop de problèmes, j’atterris devant un comptoir dans ce qui semble être le hall d’accueil. Personne n’y est présent. Je soupire.
Oscar ta quête commence ici, trouve le maître des lieux et tu pourras récupérer ton sandwich. Qu’est-ce qu’il ne faut pas faire pour manger ?
Je suis un couloir qui se prolonge à l’intérieur du bâtiment. Il n’y a aucune porte. Au moins, je n’ai pas beaucoup de choix. La lumière s’éteint. Bien sûr, il fallait que ce soit des interrupteurs avec des minuteurs. Rien d’étrange vu le lieu, mais cela ne fait qu’attiser mon énervement.
Après avoir appuyé dessus, je continue mon périple. Est-ce qu’il existe quelqu’un de vivant entre ces murs ? Peut-être que le patron est rentré chez lui et a oublié de verrouiller la porte ? Cela ne me paraît pas très plausible.
Je fais pivoter un battant pour me retrouver dans une grande salle. À mieux y regarder, je crois que c’est une cafétéria inutilisée. Est-ce par manque de client ? Ou alors les clients fuient quand ils voient la nourriture du distributeur ?
Des bruits de pas résonnent à proximité. Je quitte en vitesse la cantine pour intercepter le visiteur.
– Excusez-moi !
Bien évidemment, la lumière s’éteint à ce moment-là. Je jure puis me tourne vers une autre porte. Il y a sûrement un interrupteur à l’intérieur. Au moment où je l’ouvre, je sens mon corps poussé vers l’avant avec force. Impuissant, je tombe vers le sol. Mes bras se positionnent d’instinct afin de me protéger au mieux. Le choc est pourtant douloureux. Je m’appuie sur un coude alors que la porte se ferme m’abandonnant dans le noir complet.
Mon souffle se coupe. En trombe, je me redresse. Pourtant, il est déjà trop tard, un bruit désagréable à mes oreilles se fait entendre : celui d’une clé qui tourne dans la serrure. Aussitôt, je fonce vers ce que je pense être le battant. Je m’y écrase avec force. De ma gorge sort un cri qui me paraît plus que déformer. Les battements de mon cœur s’accélèrent. En cet instant, j’ai peur.
Ma main se referme sur mon couteau. Est-ce que cela sera suffisant pour lutter ? Je ne sais même pas contre qui. Et si nous étions tombés sur des fous ?
Je pense à Danovan. Que va-t-il lui arriver ? J’aimerais pouvoir sortir pour le prévenir, mais je suis coincé. Mon impuissance m’horripile. Je dois combattre !
Avec difficulté, je tente de rassembler mon courage pour ne pas pleurer comme un enfant. Pourquoi il faut toujours que ce genre de choses m’arrive à moi ? J’en ai marre. Terriblement marre…
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