Myrtha
Silence dans l’habitacle, alors qu’on roule depuis un moment sans faire la moindre pause. Pour la trentième fois, je m’agite sur mon siège pour tenter de trouver une position confortable. C’est peine perdue. Du coup, je vais toucher aux boutons de la radio dans l’espoir d’écouter un peu de musique. Des grésillements me répondent, alors qu’un soupir m’échappe. Je vais bientôt me mettre à chanter toute seule, s’il ne se passe, à ce point, rien.
– Vire tes doigts ! Y a pas de radio dans le coin, grogne Cef.
Je lui tire la langue avant de fixer les vastes étendues sableuses ponctuées de buisson épineux. Devant nous, se dessine juste une route en ligne droite sans aucune voiture. Pour peu, on pourrait croire que nous sommes seuls au monde. Dans le lointain, des montagnes nous toisent, narquoises. On fait notre possible pour les approcher, mais elles paraissaient s’éloigner à chaque tour de roue de notre véhicule.
– On fait une pause ? Je commence à avoir mal aux jambes.
Du coin de l’œil, je surveille Cef. Il conduit depuis déjà un moment, et je n’aime pas trop ça. Avec un paysage monotone au possible, je l’imagine sans peine piquer du nez. D’ailleurs, ça fait longtemps qu’il a arrêté de me parler. Pas que ce soit le mec le plus casant du monde, mais quand même…
– T’as qu’à étendre tes jambes sur le tableau de bord !
Qu’il est chiant quand il s’y met.
La seule voiture qu’on a pu louer avec une climatisation est une mini-citadine. Pas le genre de véhicule à utiliser quand on a de la route, normalement. Cela dit, c’était tellement marrant de voir Cef faire la gueule. J’adore quand sa mâchoire se crispe ainsi. J’ai envie de déposer une foule de baisers sur son visage pour l’apaiser. Sauf que pour ça non plus, il n’a pas le temps. Tant pis, après avoir reculé à fond mon siège, je tends ma jambe pour la poser sur le plastique. Un craquement d’os résonne dans la voiture.
Cela a le mérite d’attirer l’attention du grand brun qui fait la gueule à mon côté. Avec une lenteur voulue, j’entreprends d’y mettre la deuxième. Il me jette des petits coups d’œil appréciateur. Ça va peut-être le réveiller.
– Tu aurais pu virer tes chaussures, histoire de ne pas dégueulasser la bagnole !
– Et pourquoi pas ma culotte tant qu’on y est ?
Il secoue la tête.
– C’est ça et utilise-la pour faire la poussière, on gagnera du temps.
Est-ce qu’il me met au défi ? Sans lui prêter la moindre attention, je remonte la mini-jupe noire que j’ai achetée la veille
.
– Qu’est-ce que tu fais encore comme connerie ? me souffle Cef.
Je ne lui réponds pas, trop occupée à retirer mon sous-vêtement. C’est lui qui l’a voulu. Délicatement, je la fais glisser sur mes cuisses. La dentelle est au niveau de mes genoux lorsque je commence à me tortiller pour réussir à m’en débarrasser sans qu’elle se prenne dans les talons de mes bottines. En cet instant, je prends conscience du regard du conducteur sur moi.
– Chéri, ce n’est pas moi qu’il faut regarder, mais la route.
Ma langue passe sur mes lèvres alors que j’arbore un air moqueur. Sa main ferme se pose sur ma cuisse. Je crois avoir toute son attention. Ses doigts remontent sur ma peau nue vers mon bassin.
– Cef ! Regarde devant toi, ça serait bête d’avoir un accident !
– On est seul et en ligne droite, déclare-t-il après avoir jeté un petit coup d’œil en avant, afin de corriger la trajectoire de la voiture.
Sa paume chaude fait s’enflammer mon corps, mais je ne veux rien lui dire. Gentiment, je le repousse.
– Désolée, je suis occupée…
– Je vois ça. Je devrais te prendre en photo comme ça.
– Comme ça, tu penseras à moi pendant les longues soirées d’hiver…
À nouveau, il bataille pour tenter de poser sa main sur mon corps. Je rigole de notre chahut. Un peu moins, lorsque je me rends compte que le véhicule fait des zigzags. Il est temps d’être responsable.
– Arrête la voiture sur le bas-côté avant qu’on ait un accident !
Il n’a pas l’air décidé, et se remet à fixer la route. Avec une petite voix, je reprends.
– Cef, gare-toi cinq minutes. Ça te fera du bien de faire une pause.
Aucune réponse ne me parvient. Je réprime une forte envie de le secouer. Il faut que je contre-attaque. Mes doigts se posent sur sa cuisse que je prends plaisir à caresser malgré le jean sombre qui la recouvre. Son visage tente de rester impassible, mais je sais qu’il aime ça. C’est à mon tour de le titiller sauf que lui ne fait rien pour retirer ma main, même lorsqu’elle s’aventure dans des endroits sensibles.
– Cef ? Tu veux bien t’arrêter pour moi.
Nos regards se croisent. J’y lis du désir. J’avoue que moi aussi, notre petit jeu ne m’a pas laissée indifférente. Sentir ses caresses et ses baisers a le pouvoir de me rendre folle.
Brusquement, il freine un grand coup avant de rejoindre le bas-côté. Avec un geste vif, il tire le frein à main puis coupe le contact. En moins d’une minute, ses lèvres sont sur les miennes. Agir sans prévenir, c’est une habitude chez lui. Ses mains caressent mes boucles rousses alors que je me retrouve dans une position assez improbable. Les jambes sur le tableau de bord, à moitié tourner vers lui. Le pire : j’ai toujours ma culotte au niveau des genoux, qui hésitent à descendre dans un sens ou dans l’autre. Cela dit, j’ai l’attention de mon mec.
J’enroule mes bras autour de son cou. Qu’est-ce qu’on est mal installé dans cette voiture ! Je ne me vois pas faire grand-chose avec lui, même si j’en meurs d’envie. Sa langue qui joue avec la mienne ne fait qu’augmenter mon désir pour le barbu qui habite mon cœur. Si seulement, on avait un endroit tranquille pour se retrouver l’un l’autre.
Un petit cri s’échappe de ma bouche lorsque ses dents mordillent la chair de mon cou. Il sait ce que j’aime et en abuse. Je tourne la tête pour tenter de fuir son emprise. Mes yeux se posent sur le paysage qui nous fait face.
– Tu veux passer derrière ? me murmura-t-il à l’oreille.
– Ça serait mieux dans un vrai lit.
En plus, on pourrait se reposer. Mais je n’ajoute pas cette remarque.
– Je n’ai pas ça en stock.
Un sourire éclaire mon visage.
– Regarde devant !
– C’est bon, je ne conduis plus. On ne risque rien.
J’éclate de rire avant de le pousser à regarder. Nous sommes garés devant un panneau sur lequel est indiquée la présence d’un motel à une dizaine de kilomètres.
– C’est le destin, Cef.
Ses iris d’un bleu glacé se posent sur moi. Pour n’importe qui d’autre, il aurait un côté effrayant. Moi, je me contente de caresser sa joue.
– J’ai envie de m’endormir dans tes bras…
Après un temps qui paraît une éternité, il fit par répondre.
– D’accord, mais si c’est trop merdique, on se casse et tu dormiras derrière !
Il n’y a plus qu’à croiser les doigts pour que le lieu soit à la hauteur des espérances de Cef.
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