Myrtha
Alors que je récupère les affaires en vitesse, j’écoute Cef parler. Un sourire se dessine sur mon visage pendant qu’il explique à Fabio ce qu’il attend de lui. Je reconnais bien là, l’homme que j’aime. Malgré son énervement, il passe outre pour faire les recommandations d’usage. Le pire, c’est qu’il est doué. Une pensée furtive se glisse dans mon esprit : ça serait un bon père. Je la chasse en vitesse.
Les enfants, ce n’est pas mon truc. Je revois encore les sourires de certaines amies face à des bébés moches. Moi, ça me laissait de marbre. Plus j’en étais loin, mieux je me sentais. J’avais moins de chance de me faire baver ou vomir dessus. Par chance, la maîtresse cachée de Cef, c’est son travail. Ce qui n’est pas des plus compatibles avec une vie de famille. Je suis la seule qui soit autorisée à le suivre dans ses déplacements. Une chose qui me convient parfaitement.
Je n’en ai pas pour longtemps pour fermer la valise. Mais alors que je suis à genoux pour le faire, je heurte un petit objet. Surprise, je le cherche autour de moi. Ma main se pose dessus après quelques tâtonnements. Je le récupère. Ne serait-ce pas là, les clés de la voiture ? J’avoue que je prends plaisir à m’imaginer taquiner Cef sur ce point. Quand tout sera terminé ici, je pourrais en jouer. À cette idée, je m’en régale d’avance. Nul doute que cela va l’énerver. J’adore ça.
D’ailleurs, je vais m’empresser de lui mettre sous le nez. Dommage qu’on manque d’éclairage. J’aurais voulu voir son expression. Il me reste mon imagination.
Une fois arrivée dans l’embrasure de la porte, je déclare d’une voix triomphante :
– J’ai tout récupéré. Même les clés de la voiture qui traînait dans un coin.
Du bout des doigts, je les agite devant lui. Sa réaction ne se fait pas attendre, il s’en empare d’un geste brusque.
J’aurais tant voulu voir sa mâchoire contractée par l’énervement. Rien que d’y penser, j’ai envie de me jeter sur lui pour l’embrasser. Comme ce n’est pas le moment, je reste sage tout en me faisant la promesse de me rattraper plus tard.
– Tu sais aller au parking ?
Après réflexion, je hoche la tête.
– Je pense que oui.
– Je te suis, déclara Cef.
– Moi aussi, ajoute l’adolescent.
Il n’a pas envie de rester seul dans le coin. Une chose que je peux comprendre.
Le voyage est plus simple. Il suffit d’avancer sur l’allée goudronnée. Nous sommes toujours dans la nuit et seule la clarté de la lune, nous apporte un peu de visibilité. Fabio a abandonné la lumière de son portable. J’en déduis que la batterie de celui-ci doit commencer à donner des signes de faiblesse. On se débrouillera sans.
Aucun son ne se fait entendre. À croire qu’on est tout seuls dans le coin. Si ça tombe, le vieux pervers a fait une crise cardiaque et s’est cassé la gueule sur le disjoncteur. Je pourrais ajouter des détails pour faire plus sordide, mais je ne suis pas journaliste people. En plus, ça n’expliquerait pas pourquoi une unique ampoule fonctionne.
Je me concentre pour emmener à bon port mon prince charmant et l’ado qui nous suit. Nous nous arrêtons devant un petit portillon. Je l’avais remarqué alors que nous nous rendions dans notre chambre. Il ne faut pas croire, ce n’est pas parce que je dévorais Cef du regard que je ne jetais pas des petits coups d’œil autour de moi.
– Dans la logique, ça doit mener au parking…
Mon amoureux pose la main sur le portail avant de le déverrouiller. Un grincement résonne dans la nuit lorsqu’il la pousse. Nous nous retrouvons les pieds dans le sable. Je suis contente de ne pas avoir mis mes sandales. J’aurais eu les orteils pleins de poussière.
Un peu plus loin, j’aperçois des formes sombres que j’identifie comme des véhicules. Notre premier objectif est en vue.
– Pourquoi on ne se sauve pas avec une voiture ? demande Fabio.
Je connais mon Cef, je sais qu’il ne lâchera pas tant qu’il n’aura pas le fin mot de cette affaire.
– Si tu veux, tu pourrais partir, une fois que tu aurais récupéré tes affaires et ton ami…
Il ne faut que quelques instants à l’adolescent pour répondre.
– Déjà, il nous faudrait de l’eau. On en manque dans la voiture. Ensuite, il faudrait que Liam accepte…
J’ai l’impression qu’il en a gros sur le cœur, même s’il ne dit rien.
– Tu es son ange gardien…
Je ne sais pas pourquoi je prononce ces mots, mais ils ont l’air de faire mouche.
– On peut dire ça…
Notre périple continue. Chaque pas nous rapproche des véhicules. Leurs silhouettes se définissent petit à petit. La petite citadine est toujours à l’endroit où nous l’avons laissé. Lorsque Cef la déverrouille, elle émet un bip sonore et ses phrases se mettent à clignoter. Aussitôt, il ouvre le coffre pour y faire disparaître la valise. Il faudra se contenter des armes que nous avons sur nous.
– Vous croyez que les voitures peuvent démarrer ?
Derrière nous, Fabio fixe un véhicule que j’imagine être celui du père de son ami.
– Je veux dire : quelqu’un aurait pu voler des pièces de moteur…
– Comme la batterie ?
Je suis surprise par le calme de Cef face à l’adolescent. À croire qu’il l’apprécie au final.
– Par exemple…
Sans un mot, mon amoureux se met au volant. Après un tour de clé, le moteur ronronne. Il l’arrête.
– Je pense que cela répond à ta question.
Fabio hoche la tête.
– Je ne comprends pas, lâche-t-il soudain. Qu’est-ce qu’il se passe dans ce coin ? Je ne me sens pas bien.
J’espère qu’il ne va pas vomir.
– Retourne à ta chambre avec ton ami. Quand tout sera terminé, je viendrais te prévenir.
Il relève la tête. Si je pouvais discerner plus clairement ses traits, j’imaginerais ses yeux soulignés de cernes bleutés.
– Je vais faire ça…
Au moins, il est raisonnable.
Nous en profitons pour nous remettre en route. Chaque pas fait voler un petit nuage de poussière autour de nos chevilles. Parfois, nos chaussures s’enfoncent plus que désiré dans le sol meuble. Il faut prendre garde pour éviter de se tordre les pieds. Plus que les autres, je redouble d’attention. Hors de question d’être la fille idiote qui se blesse et pleurniche. Ça n’a rien de sexy. En plus, j’imagine bien Cef se moquer de moi.
– Est-ce que vous pourrez m’expliquer ce qui s’est passé ? questionne Fabio.
– N’en fais pas pour ça…
Une réponse qui ne veut rien dire. Mais je connais Cef, il ne souhaite pas faire de promesse qu’il ne pourra pas tenir.
Après être passés par le portillon qui aurait besoin d’avoir les gongs graissés, nous nous dirigeons vers le bout du motel. À nouveau, je guide les deux hommes comme s’il s’agissait d’une promenade de santé.
– Comment sais-tu le chemin à prendre ? souffle l’adolescent.
J’ai l’impression que le silence nocturne le met mal à l’aise.
– J’ai une excellente mémoire.
Je n’en dis pas plus, sur mes capacités à dessiner des plans de tête ou retenir les numéros de compte en banque en les ayant entre aperçus.
– C’est super. Ça doit t’aider pour les cours.
Ma nuque se tend.
– Sans doute. Dommage que je n’ai pas mis les pieds en classe depuis un moment !
– Désolé.
Je n’ajoute rien. Il y a des choses dont je n’aime pas parler.
Au loin, une lueur nous attire comme si nous n’étions que de vulgaires insectes. Celle de l’unique lampadaire en fonction dans ce motel. Malheureusement pour nous, il n’y a plus personne en dessous.
– Merde, laisse échapper Cef.
Je n’en pense pas moins.
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