Pourquoi vous inscrire ?
«
»
Lecture

L’oisillon fixait le garçon de ses yeux vitreux.

— Tu n’as rien à faire là, toi, n’est-ce pas ?

Nullement amadoué, il hérissa son duvet vert sombre, se fondant davantage dans l’herbe humide. Il claqua du bec en signe d’avertissement, méfiant.

— Moi non plus, soupira le garçon.

Il s’approcha lentement et vint s’asseoir au bas du mur, à une distance respectueuse de la créature. Ne décelant aucun signe d’hostilité, celle-ci pencha la tête, intriguée.

— On dirait qu’on est un peu perdus… J’aurai de gros ennuis si on me trouve. Toi, en revanche, tu ferais mieux de rentrer.

Il posa sa main sur le sol et la rapprocha doucement du volatile. Après un mouvement de recul, ce dernier fixa la main. Il avança une patte, puis l’autre. L’instant d’après, il était couché sur la paume du garçon, frottant sa tête duveteuse contre son pouce.

Les animaux adoraient Newt Scamander. Cela tombait bien, puisqu’il les aimait aussi. Il passait des nuits entières à lire les ouvrages des plus grands magizoologistes. Il rêvait de passer ses jours entouré de créatures merveilleuses, de parcourir le monde à leur recherche, et non de poireauter sur un banc en attendant que le cours d’histoire de la magie ne passe. Il avait un don, une connexion avec eux. Ils avaient ce quelque chose de fascinant, cette authenticité qu’il peinait à retrouver dans le monde des humains. Son monde.

— Que fait un petit Augurey loin de son nid ?

Il se releva le plus délicatement possible pour ne pas troubler l’oiseau et leva la tête. Tout en haut, sur le toit de la tour, de la végétation ressortait. C’était le seul endroit possible. Il écarquilla les yeux en mesurant la hauteur.

— T’es un sacré veinard !

Il avait dû planer, amortissant sa chute. D’après sa taille, il était presqu’en âge de voler.

— La prochaine fois sera la bonne ! Mais pour l’heure, comment vais-je te ramener là-haut ?

Bien sûr, il aurait pu demander de l’aide à l’un des professeurs. Cependant, il n’était pas très emballé à l’idée de se faire prendre à rôder autour du château pendant les heures de cours, encore. La plupart des gens ne comprenaient pas sa passion pour les animaux fantastiques et ne mesureraient certainement pas l’importance capitale, pour cet oiseau, de regagner son nid au plus vite. Les augureys étaient très craintifs et ne quittaient leur nid qu’en de rares occasions, à moins d’être domestiqués. Le petit n’étant pas en âge de quitter le foyer, il ne pourrait survivre seul dans la nature. Il y avait bien la tentation de le cacher quelque part et de s’en occuper lui-même, mais mieux valait le ramener auprès de sa famille. C’était son milieu naturel, et Newt s’était déjà attiré bien trop d’ennuis avec ce genre d’adoption.

— Ce sera mieux pour nous deux, murmura-t-il à l’oisillon, qui commençait à s’assoupir, bercé par le mouvement de ses pas et sa chaleur corporelle.

Il en profita pour le glisser soigneusement dans une poche intérieure de sa robe de sorcier et se dirigea vers la classe d’histoire de la magie, où les quatrième année comme lui étaient censés se trouver à cette heure.

*

— Psst !

La jeune fille aux cheveux noirs se retourna, comme prévu. Il lui fit signe de le rejoindre et elle se faufila à sa suite dans un dédale de couloirs, pour atterrir dans une petite pièce reculée, jonchée de paille et de bocaux divers, mais surtout connue d’eux seuls.

— Alors, Scamander, on sèche encore les cours ?

Leta s’assit nonchalamment sur un rebord de fenêtre et son regard brillant de curiosité se posa sur Newt, qui baissa timidement les yeux.

— Alors ? Qu’as-tu trouvé cette fois ?

Sans hésiter, il plongea la main dans sa poche et en sortit le petit être au plumage verdâtre, qui n’avait pas fini sa sieste. Il ne s’ouvrait jamais ainsi à personne, sauf à Leta Lestrange. Malgré son appartenance à la maison Serpentard, elle partageait le même intérêt que lui pour les créatures étranges… et pour les problèmes. Il se sentait bien, à ses côtés, ce qui n’était pas le cas de nombre d’humains.

— Ah… fit-elle, déçue. Il y a plus extraordinaire, mais…

— Il est tombé du nid, expliqua-t-il. J’ai besoin de ton aide. Tu… Tu veux bien me prêter ton balai ?

Elle leva un sourcil.

— Qu’as-tu fait du tien ?

— Je… je l’ai cassé. La dernière fois… avec l’hippogriffe…

Elle sourit, énigmatique, plongeant son regard dans les beaux yeux bruns de son ami, qui les baissa de nouveau.

— Très bien, mais tu as intérêt à me le ramener en un seul morceau !

Il approuva vivement de la tête.

— Merci ! Je te revaudrai ça !

— J’espère bien… fit-elle dans un clin d’œil.

Elle se dirigea vers la porte, puis ajouta :

— Fais attention, Newt : le Professeur Dumbledore te cherche.

*

Le ciel était dégagé en cette belle matinée de printemps. Newt prit donc garde de ne passer devant aucune fenêtre. Le balai de Leta était vif et réactif à ses moindres mouvements : il n’était pas habitué à une telle qualité. Il atteignit le toit en un rien de temps. Une fois sur place, il se posa en équilibre sur la corniche et scruta la végétation. L’humidité et les dépôts accumulés au fil des ans avaient procuré un terrain propice à d’épais buissons épineux, ainsi qu’aux augureys. Personne ne viendrait les embêter dans un endroit pareil !

Enfin, il aperçut la forme caractéristique d’une larme entre les branches, plus haut sur le cône que formait le toit. Il coinça le balais dans la corniche et, s’appuyant sur le mur d’ardoises, grimpa prudemment vers son objectif, un pas après l’autre. Le balai était plus sûr, mais sa vitesse et son manque de maitrise de l’engin risquaient d’effrayer les oiseaux. Si les parents abandonnaient le nid, les petits seraient perdus. Il suffisait d’un faux pas, d’une mauvaise prise, et il tomberait dans le vide, mais il préférait penser à la présence chaleureuse dans sa poche, qui retrouverait bientôt les siens.

Il s’arrêta à une cinquantaine de centimètres du buisson. La pente était trop raide pour continuer.

— Voilà, mon ami, tu es chez toi…

L’oisillon lui offrit un regard étonné lorsqu’il le sortit de sa poche. S’appuyant sur sa main gauche, assurant la position de ses pieds, il tendit la main droite vers le nid. L’oiseau sautilla un peu dans sa main, puis prit de l’élan pour atteindre la branche la plus proche. La larme de brindilles l’avala, laissant dans le cœur de Newt ce mélange de joie et de mélancolie qu’il ressentait à chaque fois.

Soudain, une multitude de têtes vert sombre émergèrent du buisson. Il fut surpris, mais guère effrayé. Ces oiseaux, si timides, lui faisaient un grand honneur en se montrant ainsi.

— De rien, leur dit-il, soyez prudents à l’avenir.

Les becs s’ouvrirent à l’unisson, comme les augureys entonnaient leur chant. Newt écouta d’abord, émerveillé, cette douce mélodie empreinte de tristesse, puis il prit peur. N’importe quel sorcier peu instruit se serait trouvé tétanisé par un tel chant annonciateur, selon les rumeurs, de mort. Pas Newt. Lui, savait que le chant des augureys annonçait simplement la pluie. Rien de très funeste, sauf lorsqu’on se trouvait en équilibre précaire sur un toit d’ardoises glissantes à une distance considérable du sol.

— Merci et… au revoir ! leur lança-t-il tandis que le ciel se chargeait effectivement de nuages.

Il repartit en sens inverse, plus rapidement. Il devait éviter la pluie sans pour autant abandonner toute prudence. Il n’était plus très loin du balai lorsque les premières gouttes vinrent lui chatouiller le visage. Il accéléra encore. Son pied glissa et il tomba en arrière. Il agrippa la corniche, puisant dans toutes les forces de ses bras et se retrouva suspendu au-dessus du vide. Frêle, il savait qu’il ne tiendrait pas longtemps. Dans un ultime effort, il détacha une main et s’empara de sa baguette.

— Ac-cio ! articula-t-il en pointant sa baguette vers le balai.

Ce dernier s’anima et vint se placer dans sa main. Il se laissa tomber dessus avec soulagement et plongea retrouver la terre ferme. « Heureusement qu’ils m’ont prévenu pour la pluie ! » pensa-t-il en s’allongeant par terre, épuisé.

— Monsieur Scamander !

Il sursauta. Emporté par la menace d’une mort imminente, il en avait oublié l’école. Il se releva en hâte, lissant sa robe en vain, sale, trempée et déchirée comme elle l’était.

— Professeur Dumbledore, je…

— Une autre de vos escapades, je présume ?

Newt baissa la tête. Il n’avait pas honte de ce qu’il avait fait, mais il n’aimait pas les punitions qui suivaient toujours ses mésaventures.

— Un augurey était tombé de son nid, Professeur, alors je…

— Alors… tu as risqué ta vie pour le ramener ? sourit Dumbledore. Pourquoi n’as-tu pas demandé de l’aide, plutôt ?

Il ne répondit pas. Le regard toujours baissé, il ne vit pas celui, compatissant, de son professeur de métamorphose.

— Allons-nous abriter. Tu m’expliqueras tout ça après un passage à l’infirmerie… Je fermerai peut-être les yeux sur ce petit sauvetage. En revanche, pour les cours que tu as manqués, tu devras en assumer les conséquences. Tu as certains talents, Newt, tâche de ne pas les gâcher.

— Oui, professeur…

Mais Newt n’écoutait plus que d’une oreille distraite. Tout allait bien : l’oiseau était sain et sauf.


Texte publié par LizD, 31 décembre 2020 à 11h44
© tous droits réservés.
«
»
Lecture
LeConteur.fr Qui sommes-nous ? Nous contacter Statistiques
Découvrir
Romans & nouvelles
Fanfictions & oneshot
Poèmes
Foire aux questions
Présentation & Mentions légales
Conditions Générales d'Utilisation
Partenaires
Nous contacter
Espace professionnels
Un bug à signaler ?
2836 histoires publiées
1285 membres inscrits
Notre membre le plus récent est Fred37
LeConteur.fr 2013-2024 © Tous droits réservés