CRAC

Tu rentres et je m'éveille,

chasse le sommeil et t'accueille, joyeuse.

Tu poses ton attirail, cette vieille mallette éraillée, sur le lit,

et comme chaque nuit, en sors ton travail : ta plume et tes copies.

Enfin, tu t'approches et t'assieds près de moi,

ton beau minois éclairé d'un sourire fatigué.

Oh mon aimé, mon brasier, mon feu grégeois,

aujourd'hui encore, j'accompagne ta veillée,

à tes côtés, débridée comme aux saturnales d'autrefois.

Tu te mets à l'œuvre et l'ennui, bientôt, me gagne… Je bâille.

Mutine, je me mets à danser, te souffle un baiser,

guettant dans tes prunelles,

la même lueur de désir qui me consume.

Hélas, mon professeur est d'un sérieux que rien ne peut distraire,

laissant sa muse désabusée se fondre d'amertume.

J'avais pourtant soigné ma chevelure incendiaire,

et déposé au creux de mon cou un doux parfum sylvestre,

de pin, de cannelle, de vin du solstice et autres épices de Yule.

Oh mon briquet, mon gâteau, mon mestre,

saurais-je un jour faire tourner ta belle tête de mule,

lécher tes cheveux d'ange et t'enlever en traineau ?

Je te dirai ma flamme, et toi quelques poèmes,

puis nous partirions loin, au pays des flambeaux.

Mais déjà tu reposes ton stylo,

et tandis que minuit sonne au cloché,

je comprends qu'à nouveau, j'ai échoué.

Tes mains, lentement, s'approchent de mes cheveux,

accrochent une mèche ou deux.

Puis tes doigts sur mon cou se referment, m'enserrent et m'étouffent,

et pouf ! Me voici partie en fumée.

Oh mon amour, mon assassin, mon photophore,

je te dis à demain.

Car je reviendrai t'éclairer,

t'allumer, te chauffer, t'ensorceler encore et encore.

Jusqu'à ce que de moi, il ne reste plus rien

qu'une une petite flaque de cire,

et quelques fils tressés.