Un seigneur que l’on savait sévère mais sage
Dirigeait son royaume avec impartialité,
Traitant les riches comme les pauvres de même façon,
Car à ses yeux, fortune ne faisait point vertu.
Sur un seul sujet seulement ne cédait,
Punissant de mort quiconque oserait,
Sur le sol de son empire,
Danser pour à ses besoins subvenir.
Mais voici qu’un jour, dans sa cité
Une danseuse d’un royaume lointain, hélas mal informée,
Entreprit, pour gagner sa pitance, de danser
Et les badauds, autour d’elle, s’étaient attroupés.
Cependant, sous les fenêtres du seigneur se trouvait,
Et attiré par la mélodie, ce dernier s’était penché.
Voyant le spectacle, ordonna d’arrêter,
Cette effrontée qui contre sa loi s’était dressée.
Or, ce juste seigneur avait une enfant,
Qui, rongée par un mal inconnu depuis longtemps,
S’était éprise de cette étrangère,
Et discrètement, auprès de son père,
Avait mandé sa liberté.
Ce dernier, tandis que l’on lui présentait la malheureuse danseuse,
Examinait la requête de sa fille, soucieux.
Devait-il appliquer sa propre loi ou bien,
Comme il l’avait fait parfois, y renoncer au risque d’attirer sur lui les foudres des siens ?
« Danseuse, lui dit-il alors, choisis bien.
Car voici une proposition, dont le choix est tien.
Rachète ta faute, et auprès de mon enfant à jamais demeure,
Ou paye ton offense, et à ta vie renonce demain, à la première heure. »
La danseuse, enchaînée, pétrifiée,
N’eut point à réfléchir.
L’appel d’une vie à peine commencée s’était fait plus fort que son obstination,
Et s’étant agenouillée, elle s’était faite une raison.
« Majesté, si ma vie ainsi peut être épargnée,
Alors au service de votre fille je veux bien entrer.
Je renoncerai à ma liberté, à danser,
Triste sera ma vie, mais au moins serai-je protégée. »
Ainsi devint-elle dame de compagnie de la jeune princesse,
Ne souffrant ni de la faim, ni de la soif, mais d’une grande tristesse.
Danser lui manquait, mais toujours avec bonté elle se pliait,
Et chaque demande de sa jeune maîtresse exauçait.
Un jour néanmoins, étrange demande lui fut faite :
« Vous qui des arts d’agréments êtes experte,
Voudriez-vous me faire la grâce de m’en enseigner les arcanes ? »
La danseuse alors, bien que circonspecte,
Acquiesça, et son enseignement commença.
Elle lui apprit le chant, le solfège, le luth et une polka,
Et son quotidien, secrètement, ses couleurs retrouva.
La princesse, chaque jour s’améliorait,
Chaque jour mandait, mandait, mandait,
Si bien que la danseuse confiance reprenait,
Et dans son esprit, dansait, dansait, dansait.
Mais le bonheur est fruit fragile que l’on écrase facilement,
Et vint un temps où la maladie maligne,
Avait mené jusqu’aux portes du monde des morts la jeune princesse,
Plongeant le souverain dans un profond désespoir,
Et nul médecin ne parvenait à éloigner d’elle ces maux qui la dévoraient.
La danseuse alors, animée par cette fidélité que l’homme solitaire ignore,
Désireuse de sauver cette amie qu’elle estimait davantage que de l’or,
S’était enfuie dans les montagnes, se transportant au sommet,
Et là, à pleins poumons, sa prière avait psalmodié,
Jusqu’aux oreilles de la déesse de la miséricorde Kajsa ses supplications s’étaient glissées,
Jusqu’au cœur du dieu de la création Set s’étaient faufilées.
Touchés par sa vertu, son honnêteté, sa bonté,
Tous deux, sous les traits de vieillards s’étaient à elle présentés.
« Il pousse en ces lieux des herbes que nos Pères et Mères autrefois ont bénies,
Des herbes qui croissent, croissent loin des yeux impies.
Mais toi, fille de l’Homme, dont l’âme est honnête,
Sers-toi, sers-toi. Avec cela, ton amie guérira. »
Sans se faire prier, voici qu’elle s’était agenouillée,
Cueillant les herbes miraculeuses à pleine poignée,
A toutes jambes, au palais était retournée,
Et dans un bol, avec du vin les avait broyées.
La mixture prête, auprès de la princesse elle était montée,
Présentant à ses lèvres le bol, l’incitant à boire,
Et ainsi l’avait sauvée, comme le lui avait-on promis.
Le seigneur, fort reconnaissant,
D’à nouveau pouvoir embrasser son enfant,
A la danseuse offrit récompense :
« Tout ce que tu voudras,
Toi qui m’avais offensé autrefois,
A présent, demande, que je te reconnaisse,
Que ton savoir soit loué, ta fidélité chantée. »
Elle n’eut pas à longtemps réfléchir, l’honnête artiste,
Que déjà, elle mandait pour elle et ses pairs
Que la danse en ce royaume ne soit plus interdite,
Que l’on puisse danser pour les fêtes, les rites,
Que l’on puisse, sans crainte, en vivre,
Que l’on puisse, avec plaisir, le ravir.
« Point de commerce du corps, seulement des sourires,
De là où je viens, ainsi avons-nous décidé de vivre. »
Alors le seigneur, reconsidérant ses lois,
La demande de la danseuse finalement accepta,
Et ainsi, pour le plaisir de tous prononça,
Que les tambours pouvaient tonner, les luths vibrer,
Qu’à présent, dans les rues, l’on verrait danser.
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