Avait une fille que l’on disait d’une beauté surpassant les mots,
D’une intelligence admirable, d’une vertu sans pareille.
A la déesse de la bonne fortune Tanja,
Dès sa venue au monde avait été consacrée,
Et cela ajouté à ses qualités,
Faisait d’elle une créature fort convoitée.
Vint ainsi l’âge de la marier,
Et ses parents alors la présentèrent à d’honnêtes prétendants.
Mais tous s’horrifiaient, car hélas la jeune fille
De la vue était privée,
Et cette cécité, malheureux sort que l’on lui avait jeté,
N’était point convenable pour les soupirants fortunés.
Tous s’en retournaient alors,
Laissaient le seigneur accablé.
« Comment ferai-je, ma fille, pour vous faire épouser ? »,
Maugréait-il tandis que la liste des galants s’amenuisait.
Seuls cinq jeunes hommes demeuraient,
Cinq prétendants qui à la damoiselle furent introduits,
Et à laquelle l’on manda expressément de choisir son mari.
Mais cette dernière, ne pouvant hélas point se décider sans les voir,
Se trouva fort embarrassée, et n’osant les soumettre à un inélégant interrogatoire,
Préféra leur proposer une épreuve pour les départager.
« Apportez-moi, je vous prie, des yeux pouvant voir,
A celui qui y parvient, ma main lui est acquise. »
Après quelques jours, chacun s’en revint,
Portant fièrement les yeux demandés.
Le premier lui avait apporté des yeux de verre d’une couleur superbe,
Des yeux de poupée lisses et froids.
Des yeux certes,
Mais des yeux qui ne pouvaient point voir.
Ainsi, la jeune fille l’avait remercié
Et le prétendant s’en était allé.
Le second était allé récupérer sur les plus hautes montagnes du pays
Des pierres précieuses, qu’il disait brillantes et délicates,
Cependant que la damoiselle les saisissait,
Les pierres entaillèrent ses doigts
Et elle se blessa.
C’était là des pierres superbes certes,
Mais des pierres qui ne pouvaient voir.
Aussi la jeune fille l’avait remercié,
Et le galant s’en était allé.
Le troisième avait fièrement ramené du sud,
Des perles d’azur faites par de nobles artisans,
Qui cependant, en dépit de leur beauté,
Etaient bien trop petites pour lui aller.
C’était certes de fort jolies perles,
Mais des perles qui ne pouvaient voir.
Aussi la jeune fille l’avait remercié,
Et le soupirant s’en était allé.
Le quatrième, bien penaud,
Expliquant que n’ayant guère trouvé d’yeux,
Il s’était permis de revenir avec un bouquet d’azalées odorantes.
La jeune fille, bien touchée,
Néanmoins l’avait remercié
Et le charmant s’était retiré.
Vint enfin le dernier,
Qui devant elle, les mains vides s’était présenté.
A la demande du seigneur, avait expliqué :
« Je n’ai rien trouvé qui aurait pu convenir. »
La jeune fille allait également le renvoyer,
Lorsque le prétendant s’était approché,
Avait saisi ses mains dans les siennes,
« Je ne puis vous proposer que mes yeux pour voir,
Alors si cela vous convient,
Je serai honoré de devenir vôtre. »
La damoiselle un instant était restée silencieuse,
Tentant de ses yeux aveugles de percevoir cet homme plein de bonne volonté,
Puis ayant repris ses esprits s’était levée,
Et se tournant vers ses parents avait annoncé :
« Voici l’homme que j’ai choisi. »
Et le mariage, pour la joie de tous, fut annoncé.
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