En nos contrées garnies de forêts,
Là où le vent du nord souffle en tempête,
Et les sapins se dressent droits,
Un homme que l’on appréciait
Pour sa générosité et sa bonne foi.
Vivant de la chasse, chaque jour,
A l’aube, s’enfonçait dans les bois sombres,
Ne tuait que ce dont il avait besoin,
Ainsi, la Nature et lui vivaient en harmonie.
Un matin, ayant dévié de son habituel chemin,
S’enfonçant au cœur des bois endormis,
Voici qu’il entendit, pur et mélodieux,
Un chant que le clapotis d’un ruisseau accompagnait.
S’étant approché, jetant un regard,
Il vit une femme qui, les pieds plongés dans l’eau,
Tissait joyeusement, et sa navette allait et venait.
L’homme alors avait voulu l’approcher,
Mais apeurée, elle s’était enfuie à toutes jambes,
Ne laissant dans son sillage, dernier témoin de sa présence,
Que sa navette de fil bleu.
L’homme, ayant ramassé ce trésor,
En sa demeure se retira,
Se représentait cette beauté divine qui lui était apparue,
Espérait à nouveau une rencontre imprévue.
Une nuit, en songe la belle jeune femme lui apparut.
Elle était la déesse des cieux, Freja,
La déesse qui tissait les étoiles du ciel,
Et le voile sombre de la nuit,
Et promettait de devenir sienne si d’aventure,
Il lui tissait une parure qui lui permettrait de ne point être vue,
Dans ce village qui lui était inconnu.
Au réveil alors, l’homme était allé mander conseil,
Aux femmes que l’on savait savantes et habiles,
Etudiant auprès d’elles l’art du tissage,
Essuyant jour après jour les affronts de ses pairs,
« Le voilà fou, qui se damne pour un métier de donzelle ! », disait-on à toutes oreilles,
L’homme cependant s’entêtait, et tout le jour tissait.
Les années passèrent, tristes et sombres,
L’homme avait vieilli, perdu de sa vaillance.
Le visage de la jeune femme néanmoins toujours lui revenait,
Lui redonnait force et espoir, tandis qu’il s’avançait,
La parure achevée dans ses bras, vers le ruisseau où il l’avait rencontrée.
Et elle était là, l’attendant comme si tout cela avait été leur destinée.
Sans oser s’avancer, il lui avait présenté la toilette que de ses mains il avait créé,
Et d’une voix mal assurée, avait déclaré :
« Voici, Min Däm, ce que vous m’aviez demandé. Pendant des années, je me suis évertué à tisser, si bien que mon dos en est courbé et mes mains épuisées. En souvenir de vous, je me suis obstiné. Est-elle à votre goût? Vous plaît-elle ? »
La femme avait souri, s’était avancée jusqu’à lui,
Et saisissant la parure, s’en était revêtue.
« Me voici à vous », avait-elle alors répondu.
Ainsi, ayant abandonné sa nature divine,
Freja, comme elle l’avait promis,
Demeura auprès de lui, jusqu’à la fin de sa vie.
Et toute son existence, même après la mort de son mari,
Continuait à initier à l’art du tissage tous ceux qui lui en faisaient demande.
Et ses enseignements, à travers les âges,
De la bouche de nos mères aux oreilles de nos pères,
De la bouche de nos pères aux oreilles de nos frères,
Jusqu’à nous se sont transmis.
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