Suis-je intelligent ? Un certain nombre de personnes le croit ne tout cas. On m’attribue souvent le rôle du penseur taciturne. Ce n’est pas parce que les conneries ne franchissent pas vos lèvres, qu’elles sont absentes de votre crâne.
Mes connaissances jouent également en ma faveur. Marlo m’observe d’un air admiratif entrain de sauver ma fournée. S’il savait la vérité. J’allais l’abattre de la cabane, quand je l’ai reconnu juste à temps.
Voilà où se situe mon problème, voilà pourquoi je suis si peu doué avec les gens. Le moindre imprévu, suffit à me faire perdre mes moyens. Avec la mécanique au moins je conserve le contrôle.
Mon visiteur est donc tout simplement Marlo en compagnie d’une nouvelle à m’annoncer. La nouvelle en question attend. J’ai négligé ma petite cuisine à épier le visiteur, et dois rattraper le coup.
Je pars chercher le bidon d’eau destiné à envelopper le serpentin. Il ne peut pas demeurer à l’intérieur à cause de la température élevée. Sa froideur est essentielle.
La vapeur est déjà dans le serpentin. Il faut vite verser l’eau sans trop brusquer. Le dosage est délicat. Mon expérience joue en ma faveur. Mon soupir de soulagement informe Marlo de ma réussite.
Entre lui qui regarde, et moi qui travaille, la répartition des rôles ne semble pas très équitable. Effectivement c’est le cas, mais dans l’autre sens.
Une fois ma tâche achevée je me dirige vers lui. Il ne faut pas se fier aux apparences parait-il. La sienne en révèle tellement à condition de savoir s’y prendre.
Un large chapeau protégeant du soleil et de la pluie, un pantalon en toile, des chaussures montantes, il est l’archétype du campagnard. C’est justement ce qui le différencie des autres bottleggers des environs.
Eux ils sont plutôt beaux costumes, et grosses cylindrées du moins les meilleurs. Il en résulte rivalités, hijackings, extorsions des autorités, et j’en passe.
Marlo se comporte comme un petit artisan minutieux. Je suis son unique fabriquant auquel il fournit des matières premières de qualité. Alors forcément il en va de même pour notre produit. Marlo le livre discrètement dans des restaurants et hôtels de luxe éloignés. Ils sont en mesure d’apprécier et de payer un alcool de ce niveau.
Ainsi on engrange les profits sans se faire remarquer. Quant au risque de trahison, nous ne disposons que d’une seule recrue. Jim est un ancien hobo. Ces gars, qui arpentent les chemins et vivent au jour le jour. Débrouillard et coriace, c’est le second idéal pour Marlo. Il le relaye au volant, et se charge des quelques imprévus.
Marlo enlève son chapeau et hésite un peu. Il cherche ses mots. Nous travaillons ensemble depuis quelques années déjà. Marlo a toujours été régulier avec moi. Et c’est encore le cas. Puisqu’il met les formes avant de m’annoncer une nouvelle importante.
Marlo est ce qu’il se rapproche le plus d’un ami dans mon existence. Par conséquent j’essaye de lui faciliter la tâche.
« Qu’est-ce qui t’amènes ? »
J’aurais pu trouver mieux.
« C’est chez toi. »
Marlo marque une autre pause afin que j’encaisse cette introduction. Mon chez moi ne vaut rien à mes yeux. Cette petite maison isolée est juste l’endroit où je mange et dors pendant la journée. Malgré tout je n’ai pas à simuler de l’émotion. Parce qu’il y a :
« Jenny ? »
« Elle se trouve chez le docteur Lawson. » Répond-t-il péniblement. « Heureusement que ton gamin est parvenu à l’avertir à temps. »
Ce détail me réjouit. J’ai toujours craint qu’Alan me ressemble au niveau du caractère et devienne quelqu’un détaché par rapport aux autres. Or il vient de prouver le contraire. Il ne disposait d’aucun véhicule, ni du téléphone. Il a fait donc la distance à pied. A son âge c’est une sacrée performance. Et tout cela à cause de la détresse de sa mère.
Évidemment cette joie demeure éphémère.
« Qu’est-il arrivé à Jenny ? »
J’ai peur. Cette femme est la seule personne à laquelle je tienne vraiment. Jenny est une fille de rien, c’est-à-dire une bâtarde ou une orpheline. Les versions divergent sur ce point. Dans le coin ne pas avoir de famille, signifie ne pas exister.
Moi qui a tant de mal à différencier les gens, je n’ai pas ce genre de préjugé. Je ne l’ai donc jamais maltraité ou insulté. Jenny a prit ce comportement comme de la gentillesse. Elle s’est même intéressée à moi, mes lectures, mes habitudes...
Elle est ainsi devenue ma seule véritable relation humaine. Et on veut me l’enlever. L’avoir quasiment retirée du monde ne suffisait pas !
Marlo pose sa main sur mon épaule. Je n’aime pas çà. Comme c’est un geste de compassion, je prend sur moi.
« Elle a fait une fausse-couche. Elle est affaiblie, mais hors de danger. »
Toutes ces informations me submergent. Mes jambes tremblent. Je ne sais plus quoi faire, n’y même penser.
Marlo se situe exactement à l’opposé. Il me fait un peu penser à ce personnage de roman, John Carter. Il est malgré lui téléporté sur la planète Mars. Dans cet endroit hostile remplit de créatures étranges et d’une technologie aux antipodes de la nôtre, il parvient à s’adapter.
A sa manière Marlo est pareil. Il trouve toujours la marche à suivre.
« Je te dépose chez Lawson. »
N’est-ce pas logique d’aller au chevet de sa femme dans pareille situation ?
« J’ai besoin d’être seul. »
Marlo n’exige aucune explication. Apparemment cette réaction est cohérente.
« Je t’attend. » Se contente-t-il de dire avant de refermer la porte derrière lui.
Le simple retour de la solitude me régénère un peu. Un peu d’alcool est déjà dans le récipient. Je le transvase dans une bouteille et l’observe à la lumière de la lampe. Cette cuvée semble prometteuse. On y décèle aucun déchet.
Être de nouveau dans mon petit univers me détend. Je repose la bouteille, et commence enfin à analyser le situation.
Elle est loin d’être simple. Cette fois-ci je ne peux pas me reposer sur Marlo. Ce seront mes décisions, mes actions, ma réussite ou mon échec.
Alors je m’équipe et rejoins mon collègue. D’une certaine façon je vais devoir lui mentir. Or n’ayant rien d’intéressant à cacher je n’ai jamais su le faire. Même si je travaille dans l’illégalité grâce à l’organisation de Marlo, je n’ai pas été confronté aux autorités jusqu’à présent.
Je m’efforce de me comporter normalement ou plutôt comme d’habitude. Visiblement cette tactique fonctionne. Puisque Marlo ouvre tranquillement la marche.
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