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Un bruit métallique résonna dans toute la bibliothèque. La poignée de la porte venait de tomber et roulait à présent à l’autre bout de la pièce. Elle percuta une étagère, sur laquelle le poids des livres avait été malencontreusement mal réparti. Elle vacilla et chuta, déversant son contenu scolaire sur le sol, percuta l’étagère d’en face, qui percuta la suivante dans sa chute… et ainsi de suite jusqu’à ce que la cinquième étagère ne s’écrase devant la porte, bloquant l’accès.

Les élèves soupirèrent à l’unisson. Il n’y avait à présent plus aucun doute sur l’identité de celui qui essayait d’entrer.

Zack et Mélissa se lancèrent un regard amusé avant de hausser les épaules. Ils quittèrent leur table confortablement sécurisée pour pousser l’étagère sur le côté et aider leur ami, qui continuait à donner vainement des coups de porte, pensant qu’elle finirait par s’ouvrir. Ce qu’elle fit.

— Désolé, fit Milo avant même de constater les dégâts.

— Bah… ça aurait pu être pire, dédramatisa Mélissa.

— Ça a déjà été pire… corrigea Zack.

Ce genre de choses arrivait souvent — pour ne pas dire tout le temps — avec Milo Murphy. Murphy, comme dans « La loi de Murphy ». Tout ce qui pouvait mal tourner, tournait mal… autour de lui. Une malédiction qui se transmettait de père en fils dans la famille.

Malgré tout, le jeune Milo ne se départait jamais de son sourire niaisement optimiste, qu’il arborait particulièrement large ce jour-là.

— J’ai une super nouvelle à vous annoncer ! lança-t-il à la cantonade.

— Shhhht ! firent en cœur les autres collégiens qui, imperturbables, essayaient d’étudier.

— Allons déjeuner, proposa Mélissa, tu nous expliqueras tout ça à la cantine…

— C’est ça ! Allez semer la zizanie ailleurs !

La voix de Bradley accompagna leur sortie fracassante (dans tous les sens du terme, puisque la porte se décrocha à son tour avec fracas). Le jeune garçon ne manquait jamais une occasion de dénoncer les travers de Milo, qui s’arrangeait toujours pour attirer l’attention. Il se gratta la tête de son bras-plante (souvenir d’une aventure de Milo, évidemment) et replongea dans ses devoirs, savourant le calme retrouvé.

*

— J’ai un rendez-vous !

La dame de la cantine servait une deuxième assiette à Milo — la première ayant fini au plafond, puis à terre, suite à un malheureux concours de circonstances impliquant un plateau volant, choses qui arrivent plus souvent qu’on ne le pense.

— Ah ? Avec qui ? Encore un médecin ? Ou le courtier en assurances de tes parents ? railla Mélissa.

Elle ponctua sa blague d’un « Boum ! » tout en plaçant ses mains devant son visage, secouant sa tignasse rousse : sa signature.

— Non, ça c’était la semaine dernière, corrigea Milo.

— Ne me dis pas que c’est un rendez-vous amoureux ? demanda Zack alors qu’ils cherchaient une table libre.

La cantine du collège était bondée, comme toujours. Pourtant, ils n’eurent pas à chercher longtemps : les tables se vidaient soudainement à leur approche.

— Peut-être… enfin, je ne sais pas… vous pensez que c’en est un ? rougit-il.

— Ça dépend… théorisa Mélissa. Ça s’est arrangé comment ?

— Ben… Amanda parlait de ce nouveau film qu’elle voulait absolument voir et j’ai juste dit qu’on pourrait y aller ensemble…

— Attends… Amanda ? La Amanda Lopez ? La maniaque de l’organisation ?

Zack et Mélissa ne purent retenir un fou rire.

— Je donnerais n’importe quoi pour voir ça ! articula Mélissa entre deux salves de rire.

— Justement ! rebondit Milo. Je me demandais si vous accepteriez de m’aider. Vous voyez, j’aimerais que tout se passe…

Il interrompit soudain sa phrase pour fouiller dans son sac à dos. Il en sortit un parapluie qu’il déploya juste à temps avant qu’un plateau-repas ne vienne s’écraser dessus. Il ne le rangea pas tout de suite, cependant, et attendit que la salve d’eau qui suivait le plateau ne se tarisse. Il suffit à Mélissa de lever légèrement la tête pour avoir le fin mot de l’histoire : un tuyau de canalisation était percé. Il avait été percuté par le plateau-repas qui, lui-même, avait été lâché par un élève imprudent qui, s’étant approché trop près de Milo, avait glissé sur sa première assiette. L’élève en question se remettait de sa chute, tandis que Milo rangeait enfin son parapluie.

— … bien, finit-il.

— Tu veux notre aide ? Pourtant, vous vous en sortez plutôt bien, toi et ton sac-à-dos, non ? tenta Zack.

— J’ai l’habitude de réagir face aux catastrophes, mais je ne peux pas les empêcher… Cette fois, j’aimerais que ce soit parfait ! Enfin… autant que possible. Alors ?

— C’est trop mignon ! s’attendrit Mélissa. Tu peux compter sur moi, bien sûr. Zack ?

Son ton s’était durci devant l’air inquiet de son ami à la peau brune.

— Je sais pas trop… La dernière fois qu’on a voulu t’aider, on a fini dans une autre dimension, sans parler de la quasi-destruction de ta maison…

— Oh oui ! surenchérit Milo. La meilleure partie de jeu de table de ma vie ! La seule que j’ai jamais finie, en vérité…

— Justement ! Ça va être dément ! Le premier rendez-vous de Milo : imagine tout ce qu’il peut se passer !

— Euh… je pensais qu’il fallait justement éviter « tout ce qu’il peut se passer », fit remarquer Zack.

— Peu importe ! trancha Mélissa. Milo nous demande de l’aide et, en tant qu’amis, on ne peut pas le laisser tomber ! Boum !

Zack soupira.

— D’accord… mais je veux trois casques, et deux gilets de protection.

— Pourquoi pas trois ? demanda Milo, qui prenait des notes.

— Parce que… j’aurais trop chaud avec trois gilets.

Ils se fixèrent un instant sans trouver comment lui expliquer qu’une couche en plus n’y changerait rien.

— Merci ! s’exclama Milo, levant les bras d’enthousiasme. Je vous revaudrai ça, les amis !

À l’autre bout de la salle, un élève alluma la fontaine à eau. Les canalisations se remplirent à nouveau, inondant notre euphorique ami.

— Ne jamais ranger son parapluie sous un tuyau percé, commenta Zack.

— Je retiendrai la leçon… Bon, je ferais mieux d’aller me changer avant la reprise des cours : j’ai ce qu’il faut dans mon casier. On se voit tout à l’heure !

— S’il est encore entier d’ici là… railla Mélissa tandis que Milo se prenait la porte de la cantine en pleine figure.

— Hé ! Tu penses à ce que je pense ? poursuivit-elle à l’attention de Zack.

— Comment Milo a pu obtenir un rendez-vous amoureux avant nous ? Ça j’en n’ai aucune idée…

— OK… Premièrement, ce n’est pas à ça que je pensais. Deuxièmement, j’ai eu des tas de rendez-vous…

— Attends… quoi ?

— Tu ne sais pas tout de moi, fit mystérieusement la jeune fille. Et boum !

Il y eut un silence gênant.

— Et du coup… tu pensais à quoi ?

— Oh, à rien. C’était juste un procédé narratif pour introduire ce dialogue inutile… Boum !

*

— Milo ?! Tu es prêt ? Je te rappelle que tu as rendez-vous à dix-huit heures et qu’il est déjà quinze heures trente !

Mélissa s’adossa au mur de la maison des Murphy. Ce n’était pas la première fois qu’elle attendait son ami sur le perron.

— Tu sais, le cinéma n’est qu’à un quart d’heure de marche… remarqua un Zack transpirant sous ses trois casques et deux gilets de protection.

Il venait de vérifier le trajet sur son téléphone pour la septième fois depuis qu’ils attendaient. Cela faisait au moins cinq bonnes minutes.

— On ne sait jamais… et s’il y a bien un jour où il faut éviter d’être en retard, c’est celui-ci !

Elle prit une pose de ninja, ou d’agent secret, selon le point de vue.

— C’est la première étape de notre mission top secrète ! Appelons-la : « opération ciné » ! Boum !

Zack soupira.

— C’est pas une mission… juste une petite sortie de rien du tout !

Mélissa approcha son visage tout près du sien et prit un air sévère.

— Ce n’est jamais « juste une petite sortie de rien du tout » avec Milo. Ne baissez pas votre garde, soldat !

Soudain, la porte de la maison s’ouvrit en grand. Un pot de géraniums suspendu au mur se décrocha sous le choc. Zack se protégea le visage juste à temps, avant que le pot ne s’écrase… sur son pied.

— Aïe ! J’aurais aussi dû demander des chaussures de protection…

— Désolé ! s’exclama Milo qui trainait derrière lui deux énormes sac-à-dos, en plus de celui qu’il portait habituellement.

— C’est nos gadgets de super-espions ? s’enthousiasma Mélissa, soulevant le premier sac avec peine.

— On pourra transporter plus de choses à trois, expliqua Milo.

— Mmmmmmh trois sacs pour diviser par trois la probabilité d’échec de la mission… pas bête ! approuva Zack.

Il passa à son tour les lanières autour de ses épaules, mais fut surpris par le poids et tomba à la renverse.

— Qu’est-ce que t’as mis là-dedans ?

— Oh, un peu de tout : trois parachutes, un sac de farine, un matelas gonflable, une poêle à frire, dix mètres de cordes et trois grappins, deux bombonnes d’oxygènes, trois ceintures de sécurité, un cric, trois gilets de sauvetage, deux parapluies, une canne à pêche et… d’autres choses utiles, répondit Milo en l’aidant à se remettre sur pied. Il faut se préparer à toute éventualité !

— Bon… assez bavardé ! Mettons-nous en route avant que la loi de Murphy ne nous rattrape ! lança Mélissa.

À peine eurent-ils atteint la barrière qu’un aboiement les firent sursauter. Le chien — Le chien ex machina Murphy, de son nom complet — les suivait en trottinant, son propre petit sac accroché sur son dos.

— Le chien ! le réprimanda Milo. Reste à la maison : tu n’es pas censé aller au cinéma !

Le chien rebroussa chemin, la tête baissée, d’un air triste.

Ils s’engagèrent enfin dans la rue et Mélissa inspecta Milo du regard.

— Wow ! Tu t’es mis sur ton trente-et-un, à ce que je vois.

Les joues pâles du garçon tournèrent au rouge pivoine.

— Oui, enfin… J’ai pensé que je pouvais peut-être changer, pour une fois…

Il avait troqué son pull rouge rayé contre une belle chemise blanche.

— Bon… y a plus qu’à espérer qu’elle reste propre jusque-là, soupira Mélissa.

— Ce serait déjà bien qu’on arrive en un seul morceau, marmonna Zack.

Il se traina péniblement à leur suite, alourdi par ses nombreuses couches.

*

À quelques kilomètres de là se dressait l’un des plus célèbres centres d’intérêt de Danville : « Le monde du lard », un parc d’attraction à la thématique plutôt calorique. Cependant, la foule grouillante et les cris des enfants étaient absents ce jour-là. Suite à plusieurs incidents liés à la présence d’un certain Milo Murphy dans le parc, le directeur avait décidé de faire vérifier les installations. Un groupe d’hommes à casque jaune descendus d’un camion fraichement écrasé dans un arbre passa sous le haut portique, d’où les observait la mascotte du parc : un pot de viande d’où dépassait la tête d’un garçonnet joufflu, Lardey Boy.

Parmi eux, Martin Murphy souriait à l’idée de cette belle journée de travail qui l’attendait. En tant qu’inspecteur de la sécurité, on faisait appel à lui dès qu’il s’agissait de vérifier le bon fonctionnement des machines, et de leurs systèmes de secours en cas d’incident. M. Murphy était le meilleur dans sa profession. Quoi de mieux qu’un peu de loi de Murphy pour identifier les failles d’une installation ?

— Si vous voulez bien me suivre, annonça le sous-directeur en charge des travaux, nous commencerons par notre plus ancienne attraction : la grande roue du bacon !

*

— C’est étrange… déclara Mélissa. On a fait trois-quarts du chemin et… toujours rien !

— Peut-être… que la loi de Murphy nous laisse un peu de répit… haleta Zack qui suivait en suant, quelques mètres en arrière.

— Ton optimisme t’honore, Zack, mais ça me semble peu probable, rétorqua Milo.

— Restons sur nos gardes ! lança Mélissa d’un air déterminé.

*

— Alors ? Qu’est-ce que vous en pensez ?

Le sous-directeur s’impatientait. Tandis que les ouvriers inspectaient la machinerie de l’attraction, M. Murphy restait planté aussi près que possible de la grande roue.

— Oh, nous serons bientôt fixés, ne vous en faites pas.

À propos de fixer, ils se regardèrent un moment dans le blanc des yeux, puis détournèrent le regard quand le malaise devint insoutenable. Finalement, M. Murphy s’appuya sur une barre en acier couleur bacon retenant la roue, pour paraitre plus détendu.

Celle-ci ne céda pas, à la grande stupéfaction de l’audience. En revanche, un oiseau se posa sur le levier de l’attraction d’à côté : un manège dont les voiturettes en forme d’œufs-au-plat tournaient en rond dans une poêle à frire. Sous le poids du volatile, qui avait grignoté toutes les cochonneries que les visiteurs jetaient par terre, elle se mit en marche et prit de plus en plus de vitesse.

— Normalement, on n’est pas censé la faire tourner aussi vite, commenta le sous-directeur, dont le front s’humidifiait de sueur.

Une voiturette jaune d’œuf se décrocha sous l’effet de la force centrifuge. Les ouvriers, la tête levée, observèrent son vol plané d’un air désabusé. L’œuf atteignit les jointures-lard de la grande roue, qui cédèrent. La roue se décrocha et se mit à faire ce que font les roues, c’est-à-dire rouler. Elle dévala le sol du parc qui, comme par hasard, était légèrement incliné.

— On devrait peut-être faire quelque chose, non ? demanda Brenda Stone, une nouvelle ouvrière.

— Les clôtures du parc devraient l’arrêter, assura le sous-directeur, de plus en plus inquiet.

Cependant, la roue se dirigeait vers la toute nouvelle attraction : des montagnes russes en forme de saucisses de Francfort, toujours en construction. Les rails-saucisses d’une pente à moitié finie lui servirent de tremplin et elle décolla, passant par-dessus les barrières.

— Elle… se dirige vers la ville ? demanda Brenda, comme personne ne réagissait.

— Oh oui, confirma Murphy.

— Et… on ne doit toujours pas faire quelque chose ?

— Probablement… répondit le sous-directeur.

Mais il ne bougea pas d’un pouce, paralysé par la faible probabilité de ce qu’il venait de se passer.

*

— Ça y est ! J’aperçois le cinéma ! lança Milo, fou de joie.

— Tu as donc deux heures d’avance… Tu penses que c’est assez ? ricana Zack.

— Ne crie pas victoire trop vite… le prévint Mélissa.

Comme elle parlait, le sol se mit à trembler sous leurs pieds.

— Euh… les gars…

Mélissa s’était retournée. Sa voix tremblait au rythme de la terre, ce qui n’avait vraiment rien de rassurant. Zack s’arrêta de marcher, épuisé.

— Je ne veux pas regarder… Qu’est-ce que c’est encore ?

— Tiens… mais c’est la grande roue du monde du lard ! s’étonna Milo.

Elle dévalait la rue à toute vitesse, les nids-de-poule lui faisant opérer des zig-zags dangereux d’un trottoir à l’autre.

— Courrez ! cria Melissa.

Le groupe fonça, fuyant l’attraction en furie.

— On va essayer de prendre le prochain tournant ! proposa Milo. Mais… où est Zack ?

Ce dernier peinait à les suivre sous ses nombreuses couches.

— Lâche tout ça ! lui lança Mélissa.

— Mais… et la sécurité ? haleta le garçon.

— Là c’est elle qui va te tuer ! Allez dépêche-toi !

La roue approchait, alors il obtempéra. Débarrassé de tous ses fardeaux, il se sentit prêt à s’envoler. Sa course s’accéléra et il dépassa même ses amis.

Au premier carrefour, Milo s’écria :

— Tout le monde à droite, vite !

Ils débouchèrent avec soulagement dans la rue perpendiculaire. Hors d’haleine, ils prirent le temps de reprendre leur souffle. Zack s’étendit de tout son long sur le trottoir. Quant à la roue, elle les suivait de près. Effectuant un énième zig-zag, elle monta, en face de leur rue, les marches du pavillon du musée d’histoire naturelle. Elle s’arrêta un instant, mais le répit ne dura que quelques secondes. Prise dans son élan, elle reprit sa course en direction de nos trois amis.

— Je crois qu’on n’est pas encore sortis d’affaire, les garçons…

— Ah mais je sens déjà plus mes jambes ! se désola Zack.

— Allez, c’est reparti ! les encouragea Milo. On prendra au prochain carrefour !

Le prochain carrefour était quelques centaines de mètres plus loin. Ils l’accueillirent avec des cris de joie, qui retombèrent bien vite. La rue de droite était bouchée par un camion qui avait pris un mauvais virage.

— À gauche ! réagit Milo.

Mais, à gauche, des travaux étaient en cours et un énorme trou empêchait quiconque de s’y engager.

— Bon ben… on prendra le prochain tournant !

Milo semblait garder toute son énergie tandis que Zack et Mélissa étaient à bout de force. Des années à lutter contre la Loi de Murphy constituaient un excellent entrainement.

Mais la prochaine rue transversale était impraticable car une cargaison d’essence avait déversé sur le sol son contenu inflammable, qui s’était enflammé. À la suivante, ils découvrirent avec stupeur un troupeau de lamas qui les empêchait de passer.

À mesure qu’ils avançaient et s’épuisaient, la roue gagnait du terrain.

— Milo… je ne tiendrai plus très longtemps… geignit Zack.

— Tu n’as pas quelque chose qui pourrait nous aider dans un des sacs ? espéra Mélissa.

— Si ! Mais… c’était dans le sac de Zack et… il l’a jeté pour courir plus vite.

— Super… Ça va être de ma faute maintenant…

Milo regardait de tous les côtés, cherchant une issue. Cette dernière surgit du seul endroit auquel il ne faisait pas attention. Le sol se déroba soudain sous ses pieds et il disparut dans le sol.

— Milo ! s’écrièrent ses amis d’une seule voix.

— Je n’ai rien ! Venez vite !

La roue arrivant, ils ne se firent pas prier et descendirent l’échelle des égouts, passant sur Scott le sous-terrien qui venait d’ouvrir la plaque. Il la referma presque aussitôt en voyant ce qui arrivait après eux.

— Ouf ! C’était moins une… Merci Scott !

Milo s’extirpait joyeusement du liquide nauséabond.

— De rien, amis de la surface ! répondit l’étrange homme qui vivait dans les souterrains de la ville.

Zack et Mélissa descendirent le reste de l’échelle en reprenant leur souffle, à nouveau.

— Milo… ta chemise ! se désola Mélissa.

Après une lessive à l’eau des égouts, elle n’avait vraiment plus rien de blanc. Il s’observa un instant, puis haussa les épaules.

— Je n’espérais pas vraiment la garder propre. J’en ai deux de rechange dans ton sac, Mélissa.

Il sortit une lampe-torche de son propre sac-à-dos.

— Venez, on va rejoindre le cinéma par ici : c’est plus sûr.

— Bien sûr, les égouts c’est plus sûr… ironisa Zack.

Cependant, Milo avait raison. Ces tunnels n’avaient plus de secret pour lui : tous les obstacles et éventuelles catastrophes furent donc aisément évités, comme par exemple ce raton-laveur attaquant depuis le plafond. Ils arrivèrent sans encombre devant le cinéma. Dehors, les choses avaient repris leur cours, indifférentes aux dégâts causés par la grande roue.

Mélissa consulta son téléphone.

— Bon… il te reste vingt minutes. Connaissant Amanda, elle sera là en avance. Tu ferais mieux d’aller te changer, Milo.

— J’attendrais un peu, si j’étais toi… prévint Zack.

Il désigna le bâtiment du doigt. Une canalisation était sur le point de sauter. L’eau jaillit et atterrit sur le parapluie de Milo, qu’il était particulièrement reconnaissant de ne pas avoir oublié aujourd’hui.

— Tiens… ils ont refait la peinture de la pancarte, vous avez vu ? remarqua Mélissa en levant les yeux.

L’eau ayant fini de couler, Milo rangea son parapluie. Bien mal lui en prit, à nouveau. La canalisation, en sautant, avait créé une légère onde de choc sur les échafaudages entourant le bâtiment, faisant vaciller un pot de peinture fraiche. Posé un peu trop au bord, il pencha sur le côté et tomba juste au-dessus de nos trois amis.

— Attention !

Zack attrapa le parapluie et l’ouvrit juste à temps.

— Ne jamais ranger son parapluie trop tôt, rappela-t-il, se sentant carrément trop classe d’avoir sauvé la situation.

— Merci, Zack. Il faut vraiment que je retienne cette leçon. Mais… je vais quand même aller me changer.

Mélissa lui donna son sac et il fila aux toilettes du cinéma.

Ils soupirèrent en même temps.

— Est-ce qu’on va pouvoir se reposer maintenant ?

Malgré son ton suppliant, Mélissa n’hésita pas à briser tous ses espoirs, mais uniquement pour lui éviter une cruelle déception, évidemment.

— Non, je suppose qu’il faut attendre jusqu’à ce qu’ils entrent dans la salle… Après, on pourra filer en douce.

— Qui part en douce ?

Ils sursautèrent au son de cette voix.

— Amanda ! Tu es en avance, évidemment… la salua Mélissa.

— Où est Milo ? demanda-t-elle, inquiète.

— Il arrive, il est aux toilettes, l’informa Zack.

— Ah… alors je vois qu’il vous a invités aussi…

Elle semblait déçue.

— Oh, ça ne me dérange pas ! se reprit-elle. C’est juste… enfin, quand il m’a invitée je pensais…

— On est juste là pour s’assurer que tout aille bien, la coupa Mélissa. Vous serez seuls dans la salle obscure…

Elle accompagna ses insinuations d’un clin d’œil. Amanda s’empourpra.

— Très bien. Dans ce cas, je vais… l’attendre à l’intérieur.

Elle s’éclipsa, évitant ainsi leurs deux paires d’yeux malicieux.

— Seule dans une salle obscure avec Milo… et elle n’a pas envie de fuir ? s’étonna Zack.

Ils entrèrent pour observer Milo rejoindre — ou plutôt glisser sur un bloc de savon jusqu’à rejoindre — Amanda dans la file devant le guichet.

— Tu n’as pas eu trop de problèmes pour venir ? demanda-t-elle poliment.

— Oh… trois fois rien. Comme dit toujours mon père : « La grande roue tourne, mais elle nous amène toujours à destination ».

Elle éclata d’un rire nerveux, autant par politesse que par malaise. Enfin, ce fut leur tour d’acheter des billets.

— Oh non ! Mon portefeuille ! s’exclama Milo. J’ai dû le perdre pendant notre course…

— Milo…

— Je sais, Amanda… Je suis désolé, je…

— Wouf !

— Le chien ! J’essaie de m’excuser, là…

Il réalisa ce qu’il se passait une seconde plus tard.

— Le chien ! Qu’est-ce que tu fais là ? Tu n’es pas censé être au cinéma ! Que tiens-tu dans la gueule ?

— Milo…

Il extirpa l’objet dégoulinant de bave des mâchoires de l’animal.

— Mon portefeuille ! Merci, Le chien. Mais tu dois quand même rentrer à la maison…

Le chien repartit en trottinant, satisfait d’avoir accompli sa mission.

— Milo…

Il s’adressa au guichetier.

— Je vous prendrai deux billets, s’il-vous-plait.

— Oh… je suis vraiment navré, Monsieur, mais tout le monde en a profité pour passer devant vous et… il n’y a plus aucune place de disponible.

— Plus aucune place ?!

Son moral retomba à zéro.

— Milo ! s’écria Amanda. J’essaie de te dire depuis tout à l’heure que j’ai déjà réservé nos billets en ligne !

Elle montra l’écran de son téléphone au guichetier, qui les laissa entrer.

— On ne t’appelle pas la reine de l’organisation pour rien !

— Merci, rougit-elle.

Ils achetèrent du pop-corn et entrèrent dans la salle sous le regard soulagé de Zack et Mélissa.

— Tu crois qu’ils vont s’en sortir ? s’inquiéta Zack.

— Mais oui ! En plus ils sont trop mignons… Allez, on se tire : mission accomplie ! Boum !

En effet, dans la salle, tout semblait se dérouler à merveille tandis que le générique du film s’affichait sur l’écran géant. Milo se détendait enfin et profitait, dans un mélange de joie et d’anxiété, de son tout premier rendez-vous.

Mais le plus grand des dangers est celui qu’on ne voit pas arriver. Juste au-dessous de leurs sièges, Jeff le technicien rencontrait quelques problèmes avec le système de chauffage des salles.

— Hey, John ! La machine est en surchauffe… On devrait tout couper pour la réparer, non ?

— Hein ? Oh non, elle fait ça tout le temps… Je suis sûr que ça ira jusqu’à la fin du film…

Bien sûr, John ignorait que Milo Murphy se trouvait dans la salle.

Quelques minutes après le début du film, la machine explosa. Les deux sièges juste au-dessus décollèrent avec leurs occupants et traversèrent le plafond. Amanda hurla, avant de se rendre compte qu’elle portait désormais un casque et une ceinture de sécurité l’attachant fermement à son siège.

— Qu’est-ce que… ?

— Prends ce parachute !

Milo lui mit dans les mains un sac, qu’elle s’empressa d’attacher dans son dos.

— Déploie-le à mon signal !

Les sièges montèrent haut dans le ciel du soir. Ils ralentirent dans leur ascension, s’immobilisèrent un court instant devant la pleine lune, puis la gravité fit son œuvre et ils retombèrent.

— Maintenant ! cria Milo, en pleine chute libre.

Les parachutes se déployèrent et les sièges ramenèrent doucement leurs occupants sur le toit du cinéma.

— Ça va ? demanda Milo. Tu as froid ?

Amanda était secouée de tremblements. Milo la recouvrit d’une épaisse couverture qu’il venait également de sortir de son sac.

— Je suis désolé, Amanda. J’aurais aimé que tout soit parfait, pour toi… mais, je crois que ce ne sera jamais possible, avec moi…

Il baissa la tête, penaud.

— Je comprendrais si tu voulais t’en aller… et si tu ne voulais plus sortir avec moi à l’avenir.

À sa plus grande surprise, Amanda se rapprocha de lui, partageant sa couverture.

— Tu sais, tu m’apprends beaucoup de choses, Milo. Tu es toujours si optimiste, alors que je panique au moindre imprévu ! Et tu es si attentionné…

Malgré le froid, il devint rouge tomate.

— C’est vrai ?

Elle acquiesça et indiqua l’écran de cinéma, qu’ils pouvaient voir à travers l’énorme trou creusé par leurs sièges.

— En plus, nous avons les meilleures places : sous les étoiles !

C’est vrai, la nuit était magnifique ce soir-là. Mais, lorsqu’Amanda posa la tête sur son épaule, le ciel était loin d’être le centre d’attention principal de Milo Murphy.


Texte publié par LizD, 1er octobre 2020 à 10h17
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