La plage, que le village de Sollnästeå dominait de ses toits de chaume et de ses cheminées fumantes, était devenue à partir de cela leur lieu de rencontre quotidien quand, échappant à leur foyer, leurs aînés, au plus indiscret regard, elles se dérobaient au reste du monde. N'acceptant pour autres camarades de jeu que le sable, l'océan, le soleil au zénith ou rougeoyant par-delà l'horizon et les étoiles. L'univers alors, sous les myriades timides ou les rayons ardents de l'astre solaire, devenait leur.
Elles étaient seules au monde, leurs doigts liés dans une tendre étreinte comme unique ancrage dans la réalité.
Puis dès lors que leurs jeux s’essoufflaient et touchaient à leur fin, que les ronflements de la mer épuisée reprenaient leurs droits sur les gloussements juvéniles qui les avaient réduits au silence ; quand soudain l'étoile diurne disparaissait dans les draps de sa couche d'eau salée et que la pénombre recouvrait de sa toilette sombre les falaises et la côte, leur rituel demeurait inchangé et se déroulait pareillement à chaque fois, rite religieusement observé et dont elles seules connaissaient les codes, conclusion symbolique de leur rencontre clandestine.
Elles choisissaient et conservaient précautionneusement un coquillage que les flots avaient abandonné sur le rivage et qui, par sa forme, sa couleur ou un quelconque trait qui l'eut démarqué d'un autre, avait plu. Elles quittaient le berceau de roche et de sable au cœur duquel leurs rêveries avaient planté leurs racines et empruntaient en courant le sentier boisé épousant les reliefs du littoral, fuyant joyeusement la dentelle nocturne qui dissimulait la sylve alentour. Si le jour encore perçait au travers de la tenture tissée par les dryades, la coquille glabre renvoyait le reflet du feuillage dru, offrant à chaque saison un spectacle nouveau, un kaléidoscope généreux de tons plaisants au printemps -les fleurs des halesias se couplaient à celles des magnolias étoilés-, verdoyants au cœur de l'été, flamboyants au plus fort de l'automne -la forêt alors avait des airs de Hilde, lui dérobait son charme-, grisâtres quand le vent septentrional arrachait aux branches leurs derniers atours, les condamnant à leur nudité squelettique.
Et alors qu'elles remontaient le versant, grimpaient les escaliers de bois enfoncés profondément dans la terre âgée -et que les embruns avaient usé et morcelé de leurs dents-, coinçaient leurs jupons dans les ronces s'étalant sur les marches fissurées, elles atteignaient enfin leur tour d'ivoire, leur refuge entre ciel et terre.
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