Les vagues étaient venues rencontrer le rivage, embrassant fougueusement le sable encore humide de précédents baisers, faisant rouler quelques cauris d'un blanc nacré sur leur passage pour se retirer presque aussitôt, silencieusement, glissant sur la rive et laissant sur la côte l'ombre aqueuse de leurs fugitifs ébats. Puis une nouvelle tentative, une nouvelle étreinte désespérée. L'océan essayait de s'étendre davantage sur la terre, s'évertuait à prolonger leur éphémère union comme deux amants passionnés hésitant à quitter la couche, retardant jusqu'à la dernière seconde la séparation ; se dérobait finalement et s'en retournait raisonnablement au loin. Jusqu'au prochain essai. Jusqu'à leur prochaine valse, leur prochaine étreinte.
Un aller puis un retour, un aller et un autre retour, l'hypnotisant ballet de la mer se retirant, parfois avec la douceur d'une caresse, parfois la violence d'un coup ; duquel les iris ambrés ne pouvaient se détacher sans éprouver un douloureux sentiment de perte, fixant l'horizon avec cette affection nouvelle dont ils ignoraient autrefois l'existence. L'horizon, le seuil où ciel et mer se rencontraient, mêlaient leurs deux couleurs dans un mélange subtil qui variait à chaque heure, à chaque caprice du temps ; Käjya lui avait toujours dédié une particulière piété, presque religieuse.
Muée par cette imagination enfantine qui vous délaisse petit à petit pour se laisser mourir sous l'ombre de la raison, elle avait conservé vive en elle la croyance que là-bas, tout là-bas, l'au-delà laissait entrevoir son portail, et que les plus téméraires pourraient y rencontrer ceux que la Mort leur avait dérobés. Cette conviction, sève de rêves d'enfants enfiévrés autrefois, revêtait à présent un caractère sacré, vestige d'un passé imprégné du chant sans cesse changeant du vent, de l'odeur saline qu'il transporte, du fracas des vagues se brisant sur la grève. Témoin d'un antan hanté par sa présence, son odeur élégante, le brasier ardent de sa tresse à nœuds, sa voix un peu cassée, son rire qui comme un vol d'oiseaux éclatait et défiait le ciel, sa chaleur, sa douceur, son sourire. Hanté par elle. Hilde.
Käjya hasarda ses pieds nus dans le sable tiède quand son esprit lui fit mention de cette amie disparue, s'y frayant un passage jusqu'à les faire disparaître, oublier leur existence, oublier les grains glissant sur sa peau.
Oublier que sur cette plage, là où auparavant elles avaient été deux, il n'y avait plus qu'elle face à l'immensité du monde.
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