Son toucher était assuré, ses doigts extraordinairement prompts à obéir. Tout son corps se mouvait avec une agilité déconcertante, divine, précise au-delà des mots, au-delà des pensées. Lavali se sentait comme étrangère dans sa propre enveloppe charnelle, exécutant ses pas sans qu'aucune hésitation ne vienne les entraver, honorant son devoir la mort dans l'âme. Légère, égarée dans les méandres de ses souvenirs, grisée par ce bonheur passé qui l'avait rassasiée jadis et lui permettait aujourd'hui d'offrir sa plus belle performance à celle qui lui avait enseigné ce qu'était l'amour.
La mandoline laissait éclater sa voix, soutenue par le cortège instrumental qui composait le chœur de cérémonie, ses notes s'envolant jusqu'au plus haut de la voûte, défiant les cierges se consumant, retentissant comme pour marquer les murs, le sol, le monde tout entier de la pudique confession que professait sa propriétaire. La vie, enfin, semblait animer chaque parcelle de son corps. Elle chantait de tout son cœur, sous les caresses passionnées du plectre, la plus belle litanie de son existence. Elle chantait aussi puissamment que possible pour mieux porter aux oreilles de sa destinataire la lettre d'adieu dont l’on l'avait chargée, sans conscience de sa frénésie, de son essoufflement.
Et lorsque par trop hâtive, la mélodie décida de s'achever, clôturant la cérémonie des vœux et inaugurant celle de l'union, l'instrument se vit rendre son dernier souffle.
Fidèles à la coutume, les deux époux s'étaient liés par trois gorgées d'alcool bues dans trois coupes différentes, avaient échangé leurs vœux afin que leur mariage soit le plus favorable à leur lignée comme à leur convenance, puis avaient religieusement entendu la proclamation officielle de leur alliance. Les familles alors entamaient le ballet organisé des salutations de mise, décor mouvant sur lequel les époux se découpaient, stoïques, prêts à ouvrir la procession qui les mènerait vers leur nuit de noces.
Le palanquin fleuri attendait au portail du temple, cerné par la foule pressée de célébrer les nouveaux époux.
Lavali, demeurée sur le seuil de la cure, adressa un dernier regard à Parvati, considérant la lourde tresse qui ballottait dans son dos comme un ultime palladium de leur tendre attachement.
La basterne disparut au coin de la rue sous les acclamations de l'assemblée. Alors Lavali, consumée jusqu'à la moelle par le désespoir, sombrant dans la folie que le chagrin attise, se sentit mourir jusqu'à la dernière parcelle de son âme.
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