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tome 1, Chapitre 5 « Le mariage » tome 1, Chapitre 5

L'orchestre au dehors avait cessé de s'égosiller, sacrifiant sa voix pour les cris de joie, les vœux de bonheur envoyés jusqu'au ciel. La mandoline également s'était tue, la gorge serrée par le chagrin qu'un toucher aussi vulnérable lui suggérait en dépit de l'air allègre qu'elle venait de jouer.

Un lourd soupir, tremblant d'appréhension, appesanti par la douleur, avait traversé les lèvres de Lavali tandis qu'elle détaillait d'un œil morne les pâtisseries traditionnelles que l'on lui avait fait parvenir dès l'aube : les gâteaux de semoule et de safran, rouges comme les apparats des fiancés, la rendaient tout à fait indisposée, presque nauséeuse malgré son habituel penchant pour les sucreries. Il lui semblait qu'une seule bouchée de ses confiseries, gages de la reconnaissance des futurs époux envers la prêtresse qui allait les unir, serait comme absorber un poison.

Elle n'en fit rien de fait, délaissant les plats joliment agencés pour mieux se concentrer sur l'inconnue au visage fardé qui la dévisageait depuis son miroir, ses iris luisants la condamnant férocement pour cette faiblesse à la coupe de laquelle elle s'enivrait sans retenue. Elle soutint ce regard accusateur dignement, exilant son amertume aux confins de son être, l'entravant avec autant de barrières que possible, la cloîtrant dans un tombeau que la pudeur, la morale, l’orgueil scellaient fermement.

D'un geste vif, elle ajusta sa coiffe brodée sur sa chevelure, accentua sa poigne sur son instrument comme pour s'assurer de sa présence. Ce dernier laissa entendre un imperceptible murmure en guise de réponse avant de se sentir quitter le sein de sa propriétaire, se voir franchir le seuil de l'appartement des femmes, traverser les longs corridors, attirer les regards envieux des apprenties s'épuisant de corvées domestiques.

Et enfin, la mandoline distingua les colonnades de la salle de cérémonie, toutes vêtues de guirlandes de fleurs pour l'occasion ; ses décors fins, ses ornements d'or, sa voûte splendide dont les courbes étaient épousées par des candélabres majestueux, son air saturé par le parfum agréable des fleurs, étourdissant de l'encens, sucré des plats apportés en offrandes. Ainsi au cœur de ce décor fastueux l'attendaient les fiancés, tâches écarlates sur une toile éclatante.

Parvati, à la droite du fils aîné de sa future maison, gracieuse dans sa toilette empesée et ornementée de nombreuses amulettes scintillantes, demeurait dissimulée sous une lourde voilette rouge qui dérobait son visage au regard du monde, marquait le fossé qui désormais séparait les deux amies. Mais ses yeux attentifs, regardant loin devant elle, ne parvenait à se défaire de la silhouette gracile qui s'inclinait à ses pieds, de la prêtresse auprès de laquelle elle avait grandi, évolué jusqu'à ce jour faste. Qu'elle avait aimé bien plus que son cœur ne s'en serait cru capable.

Sa gorge se serra douloureusement tandis que les premières notes de l’œuvre d'ouverture retentissaient dans le silence, le tintement des ornements et le froissement de la gaze ambrée les accompagnants modestement. Lavali s'était mise à danser. Et sa danse, maîtrisée au mouvement prêt, offrait Parvati en pâture aux crocs acérés du chagrin.

Il lui semblait que dans cette immense pièce, devant d'innombrables invités au cœur asséché, une étoile se réduisait en poussière.


Texte publié par Yukino Yuri, 25 septembre 2020 à 19h10
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