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Posée sur ses épaules, elle sentait la cape vibrer, l’envelopper comme pour la rassurer, malgré le chagrin qui l’accablait. Derrière elle, les trois sœurs s’effaçaient et la nuit devenait claire, cependant que la lumière se condensait.

Au début, ce n’était que de frêles et éthérées silhouettes ; un souffle aurait suffi à les briser, puis ce furent des ombres lumineuses, dont les contours encore flous donnaient à voir un couple, dominé par une lune immense ; la figure ravagée par les cratères et les mers. Pourtant, elle ne ressentait nulle froideur, nulle colère ; ce n’était plus l’astre solitaire et glacé qui l’avait rejetée.

— Avance, ma fille.

Mais elle s’y refusait, anéantit par le chagrin.

— Esther, Esther. Regarde le ciel. Esther, murmura une voix autour d’elle.

Ce n’était ni la voix de son père ni celle de celui que les ombres appelaient l’Ombre Étoile, mais celle d’un être qui vivait entre deux temps, entre deux mondes ; un être dont sa main avait poussé la vie à son terme.

— Regarde le ciel, Esther, répéta-t-elle.

Le ton était presque devenu celui d’un ordre, tant il était devenu insistant. Alors Esther tourna ses yeux vers le ciel. « Regarde là-haut, le grand chariot. L’étoile la plus brillante, c’est l’étoile du Nord » lui racontait son père. Dans les ténèbres, deux yeux brillaient, soulignant les traits d’une silhouette, faite de rêves et de chimères. Les larmes embuaient sa vision, mais c’était des larmes de joie et son cœur, dans sa poitrine, se gonfla, tandis que la cape s’illuminait.

Face à elle, les deux ombres neige n’étaient plus. À la place, il y avait une dame, une dame dont les cheveux filés en une longue tresse descendaient jusque toucher terre, l’attendait. À sa gauche, un homme, la figure dissimulée sous un capuchon de laine, avait passé son bras dans le sien.

— Avance ma fille que je t’accueille en mon sein, chuchota la dame.

Mais Esther n’avançait plus, elle sentait le sol se dérober sous ses jambes, cependant qu’elle venait de reconnaître le visage de l’homme. Ce n’était plus la figure terrible et ravagée qu’elle avait découverte la première fois, masquée par un assemblage de cuir et de métal. C’était un visage apaisé, toujours mutilé, mais serein ; quelqu’un avait substitué une pièce d’albâtre à la place et enchâssé au fond de son orbite une étoile.

— Avancez Esther.

La fileuse, la tisseuse et la tailleuse se tenaient là, aux côtés de leur mère.

— Vous serez la conteuse, celle qui racontera aux hommes les histoires de toutes les étoiles du ciel.

Et Esther, resserrant dans sa paume la bourse qui avait contenu les pierres, s’avança. Ouvrant ses bras à la Dame de la nuit, humblement, un dernier sourire aux lèvres, quittant son état d’être humain, elle se consacra à la destinée.