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tome 1, Chapitre 17 « La tailleuse d'étoiles » tome 1, Chapitre 17

Avec hésitation, elle le ramassa, l’examina avec attention. L’iris était d’une couleur rassurante, presque nostalgique. Il ressemblait à celle de Stjörauga, pleine de nuances de nuit, pleines de peines oubliées. Précautionneusement, elle le glissa dans la petite bourse à son cou, l’enfermant ainsi contre son cœur.

Autour d’elle, les ombres blanches filaient sur son passage. Luminescentes, elles lui montraient la voie, illuminaient son chemin. La silhouette se faisait plus proche à mesure qu’elle avançait, plus nette. Elle distinguait une chevelure blanche sans fin sur un crâne penché sur son ouvrage, des doigts squelettiques qui agitaient des lames tranchantes. À ses pieds, de la poussière scintillante.

— Ainsi te voilà, Esther, l’enfant des étoiles…

La créature s’était retournée. Son visage hors du temps était brisé en plusieurs endroits, abîmé par des plaies béantes. Sa poitrine était scarifiée, atrophiée ; n’y restait qu’un seul sein défait de son compagnon.

— Je suis la tailleuse d’étoile, sourit-elle de sa bouche décousue. Tu as vu mes grandes sœurs, la tisseuse et la fileuse, je suis la dernière de la fratrie, celle qui, une fois les étoiles filées et tissées, les découpe pour les coller dans le ciel. Et toi, tu as pour moi quelque chose…

Alors qu’Esther n’avait eu l’occasion d’ouvrir la bouche, la créature tendit sa main, agrippa la bourse. Un rictus terrible s’était dessiné sur ses lèvres.

— Tu as une dernière pierre… Donne-la moi, ma petite. En échange…

Elle avait présenté à Esther l’une de ses longues lames, l’avait plaquée contre sa gorge palpitante.

— Je te laisse la vie sauve. Ensuite, tu pourras rencontrer notre mère, la dame de la nuit.

Esther la dévisagea sans trembler, sans amertume, sans animosité. Docilement, elle délia les liens de sa bourse et en extirpa la dernière pierre. La tailleuse s’en saisit sauvagement, riant à gorge déployée, ivre de sa réussite. Et fendant sa poitrine, ouvrant son pectoral, elle l’y enfonça sans se soucier du sang doré qui coulait de sa plaie. Elle qui n’avait pu être femme enfin le devenait, et la tailleuse se sentait émerveillée, euphorique. Cette simple féminité retrouvée semblait la faire renaître.

— Ton père a eu du courage, lui qui a sacrifié une partie de lui pour toi, un don de notre dame pour toi.

Esther avait acquiescé machinalement, enorgueillie d’entendre cette créature animale flatter les œuvres de son père. Cette dernière, ayant posé ses lames, avait pris Esther par la main pour la guider vers la lumière glacée de la Lune qui s’engouffrait par une cavité dans la grotte. De là, elle la voyait.

La Lune, ronde, brillante, la fixait en souriant.


Texte publié par Yukino Yuri, 29 septembre 2020 à 23h34
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