Moéna 2000 (22 ans)
De retour à la maison, je me rends compte que l’ambiance est plutôt bonne. Cliff a survécu. Vu l’air joyeux de Valiana, je dirais qu’il s’en est même bien tiré. Bizarrement, je n’en ai jamais douté. La seule personne qui manque de confiance, c’est lui. Quand notre fille sera couchée, je lui poserais des questions pour en savoir plus.
Pour le moment, le plus important, c’est de dîner. Il est tard, et mon bébé doit encore prendre sa douche. Une bonne odeur de sauce tomate s’échappe de la sauteuse. Je reconnais cette recette, c’est la première qu’il m’est faite. C’était la première fois qu’un homme cuisinait pour moi.
Peu après, nous sommes installés tous les trois à table. J’aide Valiana à enrouler les spaghetti autour de sa fourchette. En la voyant faire, je prévois déjà qu’elle va finir barbouillée de sauce tomate. Raison pour laquelle j’ai abandonné l’idée de lui laisser porter des t-shirts blancs.
– Alors, ma grande, tu t’es bien amusée ?
– Oui, mais Titouan, il ne voulait pas que je rentre dans la cabane. Il dit que j’avais pas le droit. Mais moi, j’ai dit « si » parce que j’étais un dragon ! Même… Même… Même que j’ai le droit !
J’écoute le discours décousu avec un sourire. Une main se pose sur la mienne, plus grande et plus rêche. La chaleur de ce geste simple me rend heureuse.
– On a été à la boulangerie avec papa !
– Achetez des pains au chocholat, souffle Cliff. Il y en a deux pour toi, d’ailleurs.
Saisissant l’allusion, Valiana fait les gros yeux à son père. Sa petite mine énervée est touchante. Ils se ressemblent tellement tous les deux.
– Y en a un pour le petit déjeuner de Valia, demain.
– Demain, je vais à l’école avec papa ! déclare ma fille d’un air heureuse.
Une ombre passe sur le visage de Cliff. Je crois que psychologiquement, il n’est pas prêt.
– Ce n’est pas possible. Demain, je fais huit heures jusque midi et après quinze heures trente jusque dit-huit heures trente. Du coup, tu iras avec maman.
La petite fait la moue, mais accepte.
– Je ne travaille pas demain, mais je fais toute la matinée, samedi.
Cliff acquiesce. J’espère que ça ne lui fait pas trop peur.
– Est-ce que, un jour, papa pourra m’emmener à l’école ?
– C’est en fonction du travail, Valia. Je verrais si je peux.
Voilà que notre fille boude en fixant son assiette de pâtes.
– Tu ne pourras jamais le faire, soupire-t-elle.
– Mais si… Même si je dois attendre que tu sois au lycée pour le faire, je le ferai.
Cette réponse paraît lui convenir.
– Promis, papa ?
– Oui, Valia, promis. Un jour, je t’emmènerai à l’école.
À ces mots, elle s’agite sur le siège. Notre conversation continue jusqu’à la fin du repas. Lorsque la petite finit sa compote pomme-fraise, je l’entraîne dans la salle de bain. Elle doit se coucher au plus vite pour être en forme pour le lendemain.
Après lui avoir passé son pyjama avec des chiots et l’avoir surveillé pendant qu’elle lavait ses dents, je l’envoie au lit. Sans rechigner, elle part au fond du camping-car.
– Papa ! Viens ! On va lire le livre de bibliothèque !
Tout sourire, Valiana se glisse sous les couvertures.
– Maman, je veux que ce soit papa qui me lise le livre !
La fin d’après-midi avec Cliff doit vraiment lui avoir plus.
– Beau gosse, viens nous faire la lecture, nous t’attendons.
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