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Moéna 2000 (22 ans)

Plus que quelques minutes avant la fermeture du magasin. Heureusement, aucun client n’est là pour nous retarder. Je finis de ranger dans un carton la vieille collection. Agathe, une petite blonde aux larges yeux arrondis, s’approche de moi. Nous avons à peu près le même âge, et je dois avouer qu’elle m’est d’un grand soutien ; c’est la première fois que j’exerce un emploi de vendeuse.

– Qu’est-ce que tu fais samedi soir ?

Pas besoin de réfléchir longtemps pour savoir que pour moi, c’est un jour comme un autre. Plus encore parce que je travaille le matin. Cliff va être obligé de garder Valia. Sincèrement, j’espère que ça ne sera pas trop dur pour lui. Déjà ce soir, il a pris sur lui pour aller la chercher à l’école.

– Rien sûrement…

– Super ! Un ami de ma connaissance fête son anniversaire et tu es invitée !

Je cligne des yeux, surprise.

– Moi ?

L’initiative me prend au dépourvu.

– Oui, toi ! Après tout, on est amies, ça n’a rien d’exceptionnel.

C’est une belle proposition, je le reconnais.

– Il faut que j’en parle à ma famille avant de prendre une décision.

– J’espère qu’ils voudront bien. Ils ont à ce point besoin de toi ? plaisante-t-elle.

– Je suis indispensable, que veux-tu ?

Une blague pour cacher ma situation. En règle générale, j’évite de dire que je suis maman d’une petite fille. De même, je ne dis pas que je suis couple sauf si on me pose la question. Après avoir essayé des critiques sur mes choix, je préfère m’abstenir.

– Va donc verrouiller la porte, fille indispensable !

Elle me tend la clé et je m’en empare en riant. Après nous être assuré que personne ne viendra nous déranger, Agathe s’occupe de la caisse alors que je range en réserve les cartons. Mon espoir est de partir le plus vite possible. Ce soir, je n’ai pas envie de discuter. Juste de rentrer voir comment vont mes deux amours.

Par chance, aucune de nous n’est désireuse de rester dans le coin. La journée de travail a été chargée. Enfin, moins pour moi qui ne suis venue que l’après-midi. Ça m’a laissé le temps d’emmener Valiana à l’école pour la récupérer le midi et la faire manger. J’espère vraiment qu’elle n’aurait pas fait sa mauvaise tête avec Cliff. Il tente de faire des efforts pour être un bon père malgré ses traumatismes.

Ma main attrape mon sac que je passe en bandoulière. À son côté se trouve un casque de moto qui m’appartient et termine sous mon bras. Selon nos horaires de travail, nous nous partageons le deux roues. Chose un peu ridicule, j’ai le permis moto, mais pas celui pour les voitures. En même temps, je ne suis pas sûre d’avoir envie de conduire le camping-car. Du coup, pour le moment, nous mettons de côté. Lorsque nous aurons assez, je me lancerai.

– Tu as tout, la brune ?

– Oui. Et toi, tu n’as pas oublié tes clés, la blonde ?

Des surnoms idiots que nous nous donnons lorsque nous sommes ensemble.

– J’ai tout.

Nous abandonnons la boutique après avoir éteint la lumière.

– Dernière chance, déclare Agathe avant d’actionner le mécanisme qui abaisse le rideau de fer.

Il se met en mouvement dans un bruit horrible qui me fait grincer des dents. Chaque soir et chaque matin, c’est la même chose. Nous quittons le supermarché dans lequel la boutique est installée. Dans la galerie marchande tout ferme, preuve qu’il est temps de rentrer chez nous.

– Tu as ta moto ?

Je hoche la tête, en lui montrant mon casque.

– Sinon je t’aurais ramené en voiture.

– C’est gentil, mais ça ira.

Nous passons les portes coulissantes et l’air frais du dehors nous accueille en nous caressant le visage. Il fait encore bon, même si les jours se raccourcissent.

– Tes parents n’ont pas peur de te voir en moto comme ça ?

– Ne t’en fais pas pour moi.

Là aussi, je ne dis pas que j’ai perdu ma mère quand j’étais jeune. Quant à mon père… Je n’ai jamais eu d’intérêt à ses yeux. La seule famille qui compte pour moi, c’est mon compagnon et ma petite fille. Après un dernier geste de la main, je passe mon casque. Il ne me reste plus qu’à déverrouiller l’antivol puis je suis prête pour cinq minutes de trajets jusqu’au camping où nous nous sommes établis.

Un sourire gagne mon visage à l’idée de retrouver le deux personnes qui comptent les plus pour moi. Cliff et Valiana…