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Clifford 1985 (24 ans)

Quand Francis rentre, je suis encore dans la cuisine. Je termine de couper mes poireaux. La poêle est chaude et j’allais les mettre à revenir dedans. Les pas de mon père adoptif s’avancent vers moi. J’attends, pour le cas où je devrais l’aider à quelque chose. Hors de question de faire brûler le repas.

– Encore à faire la cuisine ? T’es une vraie petite épouse, toi !

– T’es contente de les bouffer mes plats pourtant !

Il ricane.

– Tu prends la mouche pour tout.

Je ne réponds pas. Cela ne présente aucun intérêt.

Francis s’accoude au plan de travail. Il en profite pour jeter un coup d’œil sur ce qui cuit.

– Je t’ai trouvé un boulot…

Évidemment, il ne me parle pas de réparer une voiture.

– Je ne suis là que depuis un jour. T’en a déjà marre de voir ma tronche ?

– Pour avoir des contrats intéressants, il faut être connu et pour ça, pas de secret, il faut travailler.

Intérieurement, je soupire. Puisque je vais accepter, je devrais tout de suite arrêter de faire la tête, mais je n’y parviens pas.

– À moins que… Je comprends, t’es déçu à cause de la voisine !

Je lève les yeux au ciel. Mais qu’est-ce qu’il me chante ?

– Ce n’est pas trop loin. Tu la reverras vite !

J’avoue que je pense plus aux courses dans le frigo qu’à qui que ce soit. Si je pars trop longtemps, les légumes risquent de moisir dans leur bac.

– C’est pour quand ?

– Demain, ça te va ?

D’un haussement d’épaules, je lui fais comprendre que cela m’importe peu. Après tout, ce soir ou demain, ça ne change rien pour moi. Le résultat est toujours le même.

– Comme tu veux…

Mes poireaux atterrissent dans la poêle pour commencer leur cuisson.

– Omelette et salade pour ce midi.

Francis s’éloigne. Il a dit ce qu’il avait à dire.

– Je te laisse le dossier. Tu pourras le consulter cet après-midi.

Je pourrais. En aurais-je envie ? Là est toute la question. Ma préférence irait au livre de cuisine fraîchement acheté ou au polar qui me tient en haleine depuis trois jours. Mais soit, je regarderai qui sera la prochaine personne à mourir.

Alors que je casse des œufs dans un saladier, je me demande ce que je fais là. La réponse est plus simple qu’il n’y paraît. Il faut bien être quelque part.

Du coup, je chasse toutes les pensées parasites et me concentre sur l’instant présent. Les mauvaises choses arriveront bien assez tôt. Demain ou après-demain par exemple.