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Clifford 1995 (34 ans)

J’avais oublié ce point. Mo tient sa promesse. Elle veut prendre rendez-vous pour se faire avorter. Son courage est admirable. À présent, c’est à mon tour d’en faire preuve. Après une grande inspiration, je prends la parole.

– Garde-le.

Elle me fixe sans comprendre.

– Pardon ?

– Garde le bébé. On va se débrouiller avec.

J’ai eu le temps d’y penser. Toutes mes réflexions m’ont amené à l’idée qu’il ne me fallait pas abandonner. Qu’avec elle à mon côté, je pourrais m’en sortir et avancer. Que même si cela me sera difficile d’avoir un enfant, ainsi que de lui donner de l’amour, cela ne veut pas dire que je serais comme ma mère.

– Cliff ?

Je baisse la tête.

– Il faudra que tu m’aides. J’ai peur de ne pas réussir.

Avec un sourire, Mo se blottit contre moi. Des larmes coulent sur ses joues. Elle enfouit son visage dans mon t-shirt. Mes bras se resserrent autour de ses épaules, protecteur.

– Mon ange, ça va aller…

– Tu es le meilleur des hommes. J’ai tellement de chance de t’avoir.

Sur le coup, j’ai l’impression qu’elle se moque de moi, mais non, elle est sincère. Toutes les paroles qui sont sorties de sa bouche, elle y croit vraiment.

– Je serais là. On va y arriver ensemble. Tous les trois, on formera une belle famille, et nous serons heureux, reprend-elle.

En voyant son visage réjoui, je comprends combien cette idée lui tient à cœur. Elle en a sûrement le désir après la perte de ses proches. Avec tendresse, je caresse ses cheveux. Mo qui fait toujours preuve de bonne humeur et d’enthousiasme malgré tout ce qu’elle a supporté. Personne, mieux que moi ne sait combien elle a besoin de soutien.

– Avec toi à mes côtés, je n’ai pas peur.

Combien de temps restons-nous entrelacés ? Je me délecte de la présence de son corps, me gorge de son odeur, me repais de sa chaleur. Cette femme, je l’aime tant. Malgré tout, j’ai failli la faire souffrir. Elle relève le menton vers moi. Ses yeux bleus me fixent avec douceur.

– Je vais quand même prendre rendez-vous à l’hôpital.

Un frisson glacé me remonte le long de la colonne vertébrale. Un mauvais pressentiment m’habite.

– Tu n’en veux plus ?

Mo secoue la tête.

– Pour le suivi. Cliff, il faut bien qu’on s’assure que le bébé est en bonne santé.

Le soulagement m’envahit. Maintenant que je me suis fait à cette idée, je crois que je commence à m’attacher à cet enfant. Sans un mot, mon ange prend ma main pour la poser sur son ventre. Ce simple geste me fait frissonner. Cela rend les choses plus concrètes : nous allons avoir un bébé ensemble. Je vais faire ce que j’ai toujours cru qu’il me serait impossible de faire : je vais devenir père. Même si cela me terrifie, j’avoue qu’une partie de moi est heureuse. Je dois le faire pour Savina, pour Tonio et pour Mo.