Clifford 2000 (39 ans)
Et voilà, Mo est parti. Je vais devoir me débrouiller seul. En plus, la gamine fait la tête. Il faut avouer qu’elle n’a jamais été séparée de sa mère le soir jusque-là. Je dois trouver un truc à dire pour détendre l’atmosphère.
– Tu veux quoi comme hamburger ?
– Un hamburger.
On croirait m’entendre.
– Un hamburger en pâte à modeler ?
À nouveau, elle fait la tête.
– Mais ! Un hamburger de la boutique !
– Y a peut-être une boutique qui fait des hamburgers en pâte à modeler…
– Un hamburger qui se mange ! Un en nourriture !
Je ne la charrie pas plus longtemps, mais j’avoue que voir ses sourcils se froncer d’un air si sérieux me fait sourire.
– Tu sais où est la boutique ?
Elle hoche la tête. Son doigt indique droit devant nous. Je me mets en route.
– Tu voudras regarder la carte pour choisir ?
– Je veux celui où il y a le fromage bleu !
J’avais oublié que les deux femmes de ma vie avaient cette passion pour un fromage jugé fort. J’avoue que ça m’amuse lorsqu’elles passent une commande. Surtout quand les serveurs prennent conscience qui c’est la petite qui a choisi ce hamburger.
– Il faut aller tout droit papa. Après, tu tournes là !
Elle agita sa main vers la droite. En la voyant faire, je ne peux que sourire. Au moins, elle sait se repérer. Est-ce que c’est normal pour son âge ? Je n’en ai aucune idée.
– Papa ?
– Oui ?
– On pourra manger une glace ?
Les questions problématiques commencent. Il faut que je prenne l’affaire en main et que j’évite de faire des erreurs.
– Qu’est-ce qu’à dit maman ?
La gamine pince les lèvres.
– Elle n’est pas là, maman.
À croire qu’elle ne perd jamais le nord.
– Tu crois que ça serait gentil de ne pas respecter ta parole ?
Valia baisse les yeux vers le sol. J’attends sa réponse.
– Non, finit-elle par déclarer.
– Tu crois que maman aurait envie d’aller chercher une glace avec toi, si tu agissais derrière son dos ?
À nouveau, le silence résonne.
– Non, murmure la gamine.
J’espère qu’elle a compris les choses sans que cela soit trop complexe.
– On ira chercher une glace avec maman ? propose-t-elle.
– Oui.
– Tu viendras aussi, papa ?
Là, c’est à mon tour d’hésiter. Sauf que je ne me sens pas de décevoir la gamine. Voir ses grands yeux tristes me ferait vraiment trop mal au cœur.
– Pour te faire plaisir.
Aussitôt son visage s’éclaire.
– Tu prendras quoi comme glace papa ? Chocolat ?
– Et toi ?
– Chocolat ou noix de coco… J’aime bien la noix de coco.
Pas sûr qu’on en trouve, mais je ne veux pas briser son enthousiasme.
– Papa ! C’est le magasin de frites !
À nouveau, elle s’agite dans mes bras. Les frites lui font de l’effet. J’espère juste qu’elle sera calme au moment du coucher. Si elle saute au plafond comme ça, je ne suis pas rendu.
Je pousse la porte et une forte odeur de friture me bondit à la figure. C’en est presque repoussant. Seulement ça a l’air de faire plaisir à la gamine. Du coup, je reste. Je la pose sur le sol en prenant sa main dans la mienne.
– Tu ne te sauves pas. Tu restes près de moi. Si tu ne tiens pas ma main, tu tiens ma ceinture.
Elle hoche la tête pour me montrer qu’elle a compris. Ses doigts tripotent les lettres en relief sur le comptoir. À croire qu’il faut toujours qu’elle touche à tout. Est-ce que je devrais la reprendre dans mes bras ? Le temps que je salue le vendeur, Valia tire sur mon t-shirt.
– Papa ! Je peux voir la carte ?
– Je croyais que tu savais déjà ce que tu voulais ?
Sa mine boudeuse me convint de porter. Aussitôt, elle regarde le menu et plus exactement les photos de hamburger. Son index s’arrête sur celui du mois.
– C’est quoi celui-ci, papa ?
– Tu n’aimerais pas. Il pique.
– Il pique comment ?
Mais putain, qu’est-ce que j’en sais moi ?
– Y du piment dedans.
– Où ?
La gamine approche son nez de la photo.
– À l’intérieur !
Son regard se tourne vers moi, admiratif.
– Comment tu sais, papa ?
– C’est marqué sur le menu.
Une vague de déception est visible sur son visage. Cela ne dure que quelque seconde avant qu’elle ne se ressaisisse.
– Tu veux quel hamburger, Valia ? Dépêche-toi, il y a des gens qui rentrent.
Derrière moi, j’entends la porte qui s’ouvre pour laisser passer un groupe de jeunes. Des voix fortes et des rires gras, il n’en faut pas plus pour m’énerver.
– Celui qui pique !
Aïe ! Je ne la sens pas cette affaire. Que dirait Mo ?
– Non. Je ne suis pas sûr que tu aimes ça.
– Mais je n’ai pas goûté…
C’est ça, le problème, ma grande…
Bon, il faut que je trouve une solution sans la braquer et sans perdre de temps.
– Choisi en un autre, Valia !
– Mais je voulais goûter celui qui pique, ronchonne-t-elle.
– Tu sais ce qu’on va faire ? Je vais prendre celui qui pique, et toi, un autre qui te plaît. Je te ferais goûter celui qui pique et si tu aimes, tu le mangeras.
Un large sourire se dessine sur son visage. Ses petits bras viennent se glisser autour de mon cou, alors que sa bouche dépose un baiser sur ma joue.
– Je t’aime très fort, papa.
Sans savoir pourquoi cette déclaration fait battre mon cœur plus rapidement. Profitant du calme de Valia, je passe commande. Évidemment, il faut que le type derrière le comptoir me pose de nouveaux dilemmes en me proposant un menu enfant. Cela réveille la gamine. À croire qu’elle a toujours l’oreille qui traîne. La promesse d’un jouet lui fait envie.
– Il y a un menu enfant fille et un garçon.
Mais il n’a pas fini de me causer des problèmes avec ses questions de merde. Sûr que Valia va vouloir le jouet.
– C’est quoi la différence entre les deux ?
– Le jouet.
Est-ce qu’il va me dire ce que c’est que j’arrive à prendre une décision ? Apparemment non, puisqu’il me regarde en clignant des yeux.
– Fille ? finit-il par déclarer.
Techniquement, c’est bien une fille que je tiens dans mes bras. Seulement, je préférais connaître le jouet à l’avance.
– C’est quoi comme jouet ?
L’employé hausse les épaules avant de partir en direction de la cuisine. Je sens que derrière moi, le groupe s’impatiente. L’appel des frites est sûrement le plus fort qui soit chez les ados.
– Papa, j’ai le droit d’avoir le jouet, me demande Valia.
– Tu as été sage ?
– Oui ! Très !
Je prends l’air sévère en espérant qu’elle serait dupe. Faire ma tête de tueur, ça marche bien sur les inconnus. Sur ma fille, je ne suis pas sûr que ce soit efficace. Elle me voit tous les jours. Du coup, un type avec une cicatrice sur la tronche ça l’impressionne pas. Encore plus parce que je suis son père.
– Ah bon ? Pourtant, je crois me souvenir que quelqu’un ne voulait pas respecter les ordres de maman…
Son regard se fait fuyant. Elle rapproche sa bouche de mon oreille.
– Tu ne lui diras pas ?
J’ai presque envie de rire. Pour tout le monde, je suis effrayant. Sauf pour ma gamine qui craint plus sa mère.
L’employé revient.
– Alors pour les filles, c’est une poupée à coiffer et pour les garçons, c’est une voiture.
Même si j’anticipe la réponse, je pose tout de même la question à Valia.
– Tu veux la poupée ou la voiture ?
– La voiture pour mon garage !
D’un signe de la tête, je fais comprendre à l’employé que c’est bon.
– Garçon ?
– Voiture.
Je préfère éviter les interrogations qui ne manqueraient pas de venir à la bouche de Valia. Parce que je l’entends déjà me dire qu’elle est une fille, mais qu’elle veut une voiture.
En vitesse, nous terminons la commande. Je suis obligée de la poser au sol pour chercher mon porte-feuille. Elle est sage durant les deux premières minutes. Ensuite, la gamine décide d’aller regarder les glaces dans la vitrine. Comme elle n’est pas trop loin et que je peux garder un œil sur elle, je ne dis rien. J’ai le temps de payer avant de la rejoindre. L’employé m’indique le frigo pour choisir une boisson.
– Tu viens, Valia, on va s’asseoir.
Je décide de manger sur place. De toute façon, on sentira la frite qu’on reste ou qu’on parte. En plus, comme ça, on n’aura pas de vaisselle à faire et je n’aurais pas à me trimballer avec la gamine plus le sac de bouf dans la rue.
– Papa, y a de la glace à la noix de coco ?
Elle m’indique un bac.
– Non, c’est de la vanille, mon petit ange.
Derrière moi, j’entends les ados rirent. Je me retourne pour les foudroyer du regard. Ils font moins les fiers. J’ai peut-être vieilli, mais je me sens toujours de les calmer en cas de problèmes. Enfin, ça me ferait chier d’avoir à le faire devant ma gamine. Ils ont de la chance.
– Y a pas de noix de coco, Valia.
– Ah ?
Elle paraît déçue, mais ne ronchonne pas.
– Peut-être qu’il y en aura quand on viendra avec maman ?
J’en doute fort, mais je ne veux pas la blesser. Ma main cherche la sienne pour l’entraîner vers une table au fond du restaurant. Docilement, elle me suit. Je m’installe en face d’elle. Évidemment, la gamine ne tient pas en place. En moins d’une minute, elle a déjà les doigts sur la salière.
– C’est quoi papa ?
– Du sel.
Elle regarde le tube en plastique avant de le reposer pour se saisir de son jumeau.
– Et ça, c’est quoi, papa ?
Je soupire. Heureusement qu’on n’est pas dans une boutique d’épice.
– Du poivre.
Son nez s’approche de la poivrière. Quelques secondes plus tard, elle éternue.
– Ça pique les narines…
Je récupère le contenant dans sa main.
– C’est normal. Le poivre fait éternuer.
Voilà qu’elle prend une serviette et me la donne.
– Pour toi, papa.
Est-ce qu’il existe un moyen pour qu’elle garde ses mains tranquillement sur la table ?
– Papa ?
– Oui.
La situation me pèse.
– Elle mange quoi, maman, ce soir ?
– Je ne sais pas. Mais elle nous le dira, demain.
La petite s’agite.
– Mais c’est loin, demain ! Je voulais savoir, tout de suite.
Que répondre à cela ?
– Je ne sais pas Valia.
Le silence se fait. J’avoue que je suis comme un con et j’ignore quoi raconter à la gamine. Est-ce que je devrais parler d’école ? Ou de ce qu’elle aime ? Qu’est-ce qu’elle aime au juste à part les dinosaures et les voitures ?
– Papa ? On ne se lave pas les mains avant de manger ?
L’espace d’un instant, je reste interdit. J’ai vraiment besoin de réviser. Je réprime l’envie de regarder dans les notes de Mo pour vérifier si elle m’a parlé de ce geste. Seulement pour ne pas perdre la face, je préfère renoncer.
– Viens, on y va.
La gamine saute de sa chaise sur le sol pour m’accompagner jusqu’aux toilettes. Devant les portes, j’ai un mouvement d’arrêt. Où est-ce que je dois aller ? Homme ou femme ? Je n’ai pas le temps de réfléchir que la petite m’entraîne vers la partie dame. Il n’y a plus qu’à espérer que personne ne me prendra pour un gros pervers.
Heureusement, nous sommes seuls lorsque nous entrons. Comme le lavabo est trop haut, je dois soulever Valia pour qu’elle se lave les mains. Une fois cela fait, elle les sèche consciencieusement devant le séchoir.
– Et toi, papa, tu ne laves pas tes mains ?
Elle n’a pas tort. Je ferais mieux de le faire ici, plutôt que de retourner dans les toilettes des hommes. Au moins, je peux la garder à l’œil. Peu après, je savonne mes paumes alors que Valia s’agite.
– Ça sent bon le propre…, déclare-t-elle brusquement.
Cette remarque me fait mourir de rire. Je ne m’y attendais pas.
– Mais c’est vrai, papa ! boude-t-elle.
Je secoue la tête avant de sécher mes mains en vitesse. Nous sommes prêts pour manger. D’ailleurs, la chance nous sourit. A peine a-t-on le temps de s’installer qu’un hamburger accompagné de frites vient se poser devant nous. L’attention de Valia est tout de suite retenue par un sachet blanc en papier : celui qui contient son jouet. Elle en sort une formule un rouge vif. Un petit cri de joie résonne lorsqu’elle la découvre.
– Tu as vu, papa ? C’est ta voiture !
Pas le genre que j’ai déjà conduit. J’aurais pu, mais je n’avais pas forcément envie de me faire remarquer.
Valia, toute prise à son jeu, se met à faire rouler l’engin sur la table. Des bruits de moteur s’échappent de sa bouche. Je la fixe quelques instants avant de tenter à nouveau :
– Tu veux quel hamburger ?
Évidemment, je n’ai pas son attention. La gamine est trop occupée à s’amuser.
– Tu veux manger quoi ?
– Hein ?
Je prends une grande respiration pour ne pas m’énerver. En temps normal, j’aurais laissé Mo gérer. Mais là, je n’ai pas le choix, je suis seul.
– Tu veux manger le hamburger qui pique ou au fromage bleu ?
Elle me regarde avant de sourire.
– Celui qui pique !
Je crains le pire, cependant je me garde de tout commentaire. Ma main approche l’assiette d’elle.
– C’est l’heure de manger.
La gamine s’assied sur sa chaise et s’empare du hamburger. C’est presque marrant de la voir faire. Le plat paraît géant entre ses petits doigts. Elle en prend une bouchée avant qu’une grimace s’installe sur son visage.
– Ça pique trop, pleurniche-t-elle.
– Je t’avais prévenu !
J’inverse les assiettes.
– Ça brûle…
– Mange l’autre hamburger !
Elle secoue la tête.
– Papa, à boire, s’il te plaît.
Euh… ce n’est pas comme si j’avais des boissons à disposition.
– T’as pas pris le soda ? Dans le frigo ?
Putain, mais c’est qu’elle a raison. Encore un problème, je n’aime pas lui tourner le dos même si c’est que pour une minute.
– Et y a pas les sauces pour les frites…
Parce qu’en plus, il faut des sauces pour les frites ? Plus ça va, pire c’est.
– Tu veux boire quoi ? Et tu veux quoi comme sauce pour tes frites ?
– La sauce avec les oignons.
J’imagine que ça ne va pas être simple cette affaire.
– Avec un soda citron !
Ça existe dans ce resto ? Je sens l’énervement me gagner.
– Bon, je vais chercher ça. Toi, tu attends et tu ne fais pas de bêtises.
La gamine me fixe sans comprendre.
– Ça pique, papa.
De grosses larmes lui montent aux yeux. Est-ce qu’elle surjoue ? Dans le doute, je me dirige jusqu’au frigo pour y prendre deux sodas. En y regardant avec attention, je trouve une boisson au citron. La marque m’est inconnue, mais c’est la seule qui corresponde aux critères de ma fille. Un coup d’œil dans sa direction m’apprend qu’elle est toujours au même endroit. J’en profite pour me rendre vers le comptoir, histoire de récupérer un petit pot de sauce.
La vie est parfois étrange. Je n’en voulais pas de cette gamine. Maintenant, je suis là, à me retourner toutes les cinq minutes pour vérifier qu’il ne lui est rien arrivé. Même si j’ai un mal fou à m’en occuper, je suis attaché à elle. Il faut avouer qu’elle est attendrissante. D’un geste de la main, elle me fait coucou, je ne peux m’empêcher de sourire.
Arrive mon tour, je demande la sauce aux oignons tant attendue. Heureusement pour moi, elle porte ce nom, je n’ai donc pas à patienter avant que la personne comprenne ce que je souhaite.
Avec mon chargement, je retourne à table. La gamine m’accueille avec joie. J’ouvre son soda et elle boit à même la bouteille. L’idée qu’elle renverse tout par terre m’effleure brusquement, mais il est déjà trop tard alors je la laisse faire.
– Le citron a un goût avec le piquant, se désole-t-elle.
J’ai bien envie de lui répondre que tout à un goût, seulement ce n’est sûrement pas ce qu’elle attend de moi.
– Mange un peu, ça va passer.
Hésitante, elle croque quand même dans son hamburger. Une fois certain que tout va bien, je mords dedans à mon tour. En sentant la saveur du piment sur ma langue, je ne peux m’empêcher de sourire, pas étonnant que Valia n’est pas aimé. Le plat est assez relevé. Personnellement, ça ne me dérange pas.
Soudain, je prends conscience que la gamine vient d’attraper la poivrière pour en verser sur ses frites.
– Qu’est-ce que tu fais ?
– Je mets du sel.
J’étouffe un soupir.
– C’est du poivre, Valia !
Elle regarde le tube en plastique dans sa main.
– Mais je voulais du sel.
– Il fallait me demander avant. C’est ça de vouloir jouer les grandes.
Tête baissée, j’ai l’impression qu’elle boude. La voir comme ça me fait mal au cœur. Je finis par échanger nos assiettes. Ensuite, je prends le sel et en repends doucement sur ses frites.
– Tu fais attention, maintenant !
Elle hoche la tête avant d’engloutir une frite en se tartinant de sauce au passage. Je sais ce que je ferais lorsque nous serons rentrés. Ça sera douche en direct. Normalement, j’arriverais à gérer. Je l’ai déjà fait. Bon bien sûr, il y avait toujours Mo qui était présente, mais il n’y a pas de raison d’échouer.
– Papa, tu ne manges pas ? Tu n’as pas faim ?
Cette réflexion me tire un sourire. Dire que je suis tellement occupé à la surveiller que je ne touche même pas au repas.
– Papa, c’était quoi ton hamburger préféré quand tu étais petit ?
Je me fige. Ma main se resserre sur mon repas.
– Je n’ai jamais été petit. J’ai toujours été grand.
Évidemment, Valia ne me croit pas. Je préfère dire n’importe quoi pour noyer le poisson, plutôt qu’avouer la vérité. C’est une petite fille, elle n’a pas besoin de savoir ça. Il n’y a que Mo qui en connaisse des bribes. Comme tout le monde, elle s’est demandé le pourquoi du comment de la cicatrice qui orne ma joue. Après, elle a eu la joie de découvrir les autres. Pourtant ça ne lui a pas fait peur. Mo est une femme exceptionnelle.
– Papa ?
Je me rends compte que je suis plongé dans mes pensées depuis un moment. Assez de temps pour inquiéter la gamine.
– Pourquoi tu parles plus, papa ? murmura-t-elle.
– Ce n’est rien, je réfléchissais à quelque chose.
L’argument est faible, mais face à une enfant de quatre ans, il tient. Pour prouver ma bonne foi, je prends un morceau du hamburger. En vérité, il me colle en bouche et tombe comme une brique dans mon estomac.
Le problème avec les souvenirs de mon enfance, c’est qu’ils ont la fâcheuse manie de resurgir lorsque l’on ne s’y attend pas et malgré le fait qu’on ne veuille pas d’eux.
– Tu veux que je te prête ma voiture, papa ?
Cette remarque m’arrache un sourire.
– Ça ira, ne t’en fais pas.
– Mais je n’aime pas quand tu es triste, papa. Tu bouges plus et tu ne parles plus non plus.
Elle a tout résumé. Enfin, si l’on excepte le fait que je prends un livre dans mes mains. Je fixe les mots sans les lire. Ainsi, j’ai l’air occupé.
Nous terminons notre repas calmement, après que j’ai posé une question sur l’école à ma fille. Elle a décidé de me raconter ce qu’elle faisait comme activité. J’avoue que je l’écoute d’une oreille. De toute façon, elle n’a pas besoin de mon approbation pour parler.
Sur le chemin du retour, je la fixe alors qu’elle garde sa voiture à la main. Le sourire aux lèvres, elle progresse à mon côté. C’est bien. Valia est une petite fille heureuse. J’espère réussir à lui apporter plus qu’on ne m’a jamais donné. Ça serait déjà un minimum.
– Papa ? On va manger la glace demain, avec maman ?
En tout cas, elle ne perd pas de vu son objectif cette petite.
– C’est maman qui décidera.
Je préfère consulter Mo pour ce genre de décision.
– Demain matin ?
Valia n’abandonne jamais. À croire que c’est de famille…
Je ne peux empêcher un sourire de se dessiner sur mon visage. Est-ce que je serais heureux d’être père ? Peut-être juste d’avoir vaincu la fatalité, celle qui me faisait croire que je serais seul toute ma vie. Mes pensées vont vers Mo. Elle me manque. J’espère qu’elle s’amuse bien, dans sa fête.
– Mais demain, c’est dimanche, papa !
Elle a oublié d’être bête cette gamine.
– Maman a juste dit dimanche. Ça peut-être tous les dimanches de l’année.
Valia soupire.
– Mais quand est-ce que je saurais quel dimanche c’est ?
– Lorsque ta mère sera là !
Nous retournons calmement au camping-car. Marcher me fait du bien. Il va falloir éliminer le trop-plein de graisse qu’on a mangé. Je ferais du sport quand la gamine dormira.
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