Ce soir-là, comme tant d’autres soirs, la lune était belle, la lune était pleine, ravie de ses mystères. Et ce soir, comme tous les autres soirs, il était là, assis sur sa vieille souche d’arbre, face au lac dans lequel elle se reflétait. D’entre ses doigts, il filait des brins de laine en une fine, mais solide cordelette, que bientôt il attacherait à une pierre et lancerait à l’assaut des ténèbres, afin d’en percer les mystères.

À l’abri dans son cocon de pierres et de poussières, entourée par les mystères, elle le regardait qui filait la laine ; elle contemplait ses doigts agiles, presque invisibles tant ils s’emparaient vite des brins de laine et les nouaient ; elle le regardait et souriait, effleurant du bout de l’index la nuit enamourée de ténèbres.

Parfois, la laine s’épuisait, alors il s’arrêtait et tournait son visage vers la belle entourée de pierres et de mystères et l’appelait. Sa voix remontait le long d’un fil imaginaire et elle souriait de plus belle.

Audacieuse, elle jaillissait alors de son cocon de mystères et de poussières et s’en allait capturer un mouton de mer, puis elle le tondait et le libérait. De la laine ainsi dérobée, elle la cardait et en faisait un ballot qu’elle balançait depuis le ciel, depuis ce ciel de pierre et de poussière, au travers des ombres et des ténèbres.

En bas, tout en bas, là où il n’était qu’un point minuscule, il ouvrait alors les bras et se saisissait de son présent, avant qu’il ne tombât dans le lac, et la remerciait, car bientôt, il savait, il pourrait l’arracher à sa prison de pierres et de poussières, sa prison entourée de mystères.