En haut, il y avait la terre.
Entre les deux, il y avait le tonnerre.
Ainsi en avaient décidé les ancêtres. Un jour qu’ils se promenaient sur la terre, ils se désolèrent. Où que leurs pas les portassent, partout c’était le même paysage, une vaste étendue de sable que le vent soulevait parfois, les aveuglant tout à la fois. Déçus, ils s’en allèrent et s’éloignèrent jusqu’à ce qu’un jour ils découvrissent la mer. Émerveillés, ils le furent, surtout, quand le jour, le soleil se reflétait à la surface en d’innombrables paillettes d’or, d’argent lorsque la lune montait dans le ciel. Heureux de leur découverte, ils voulurent la ramener sur terre.
Alors l’aîné des ancêtres, qui était le plus grand et le plus fort, ouvrit ses larges bras et la souleva. Hélas, à peine l’avait-il étreinte qu’elle s’échappa et retomba avec fracas. Furieux qu’elle se moqua ainsi de lui, il recommença tant et tant qu’à la fin il s’épuisa. Le second alors s’avança. Il n’était pas aussi grand et aussi fort que son aîné, mais il avait un ventre énorme et, plongeant la tête la première dans la mer, il l’aspira à grandes goulées pour aussitôt la recracher tant elle était salée. Furieux, l’ancêtre battit l’eau tant et tant qu’il s’épuisa à son tour.
De loin, le troisième les avait regardés et, depuis, il fixait le ciel. Il ne possédait ni la taille ni la force de son aîné, non plus que le souffle et le coffre de son cadet, mais il était rusé. Il s’en vint alors trouver ses frères épuisés, couchés sur le flanc. Ils parlementèrent un long moment, puis s’allongèrent et fermèrent leurs paupières. À tour de rôle, ils les entrouvraient et, quand la nuit fut enfin venue, ils coururent se réfugier au fond de la grotte la plus profonde et la plus obscure de la terre. Là, ils s’employèrent à briser la roche-mère, puis ils la broyèrent en une fine poussière. Quand ce fut fait, l’aîné creusa un puits sans fond qui se remplit d’eau. Le cadet l’aspira et la recracha aussitôt dans une grande fosse où leur cadet avait déposé l’énorme tas de poussière. Ainsi, de la glaise née de la terre et de la mer, il façonna un être qui lui ressemblait. Ensuite, ils firent un grand feu et le cuisirent sur les braises, où il prit une jolie couleur brune. Quand cela fut fait, ils le grimèrent et l’habillèrent, puis le transportèrent jusqu’à l’entrée de la grotte où ils se lamentèrent. Entendant leur détresse, leur sœur descendit depuis le ciel et s’enquit des raisons de leur chagrin.
Ainsi réunis, ils lui racontèrent comment leur frère, mordu par un serpent de mer, fut changé en statue de sel et de terre. À ces mots, elle hurla et, dans sa douleur, sa main heurta le corps de son frère qui se fracassa sur le sol. Horrifiés par son geste, ses deux frères la conspuèrent et elle s’en fut dans les airs, répandant derrière elle des larmes amères. Ravis de leur fait, les deux frères se congratulèrent et s’en retournèrent au fond de la caverne où les attendait leur cadet. La nuit venue, ils quittèrent leur cachette et admirèrent les reflets argentés de l’orbe lunaire, et ainsi en fut-il chaque fois que les ténèbres couvraient la terre, ne fuyant qu’au lever du soleil. Seulement, le temps passait et les larmes de leur sœur jamais ne tarissaient, tant et si bien qu’elle finit par menacer les terres, même les plus élevées. Chassés par la montée des eaux de leur caverne, ils construisirent un radeau et partirent à sa recherche, afin qu’elle séchât ses larmes et que le déluge cessât. Trop heureuse de retrouver son frère, ses larmes se tarirent et les eaux refluèrent. Cependant, furieuse d’avoir été trompée par ses cadets, elle les châtia et les précipita au plus profond de la terre où elle les enchaîna, ainsi plus jamais ils ne verraient les reflets dans les flaques de lumière.
Mais un jour, ils s’évadèrent et rassemblèrent les fragments de leur faux-frère qu’ils se partagèrent. Puis, ils se séparèrent et en éparpillèrent de par le monde les poussières. Ainsi, chaque fois que leur sœur les retrouvait, elle se souvenait et pleurait, alors leurs frères admiraient les reflets. Parfois, elle les retrouvait et ils fuyaient, car, dans sa colère, elle déchaînait les vents et le tonnerre.
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