Depuis quelques jours, Martin rumine. Noël arrive dans une vingtaine de jours et cette année c’est décidé, il capturera le père Noël, ou il ne sera pas. Cela fait deux ans qu’il s’essaye chaque mois de décembre, chaque nuit du 24 au 25, à la traque de ce gibier si particulier ; en fait depuis qu’il a voulu intégrer la confrérie des Nains Révoltés en Bretelles Rouge. Or pour intégrer ce club très fermé de la cour de récré, il lui faut accomplir une quête : capturer le père Noël.
La première année, il avait passé les deux mois des grandes vacances à se documenter sur sa proie, au grand étonnement de ses parents, car ils ne l’avaient que rarement vu ouvrir un livre. Ils furent encore plus surpris, le jour où il regarda avec dédain l’écran plasma mural, qu’il dévorait auparavant avec avidité, avant de déclarer que son cerveau n’avait plus de temps à lui consacrer. Non, non ! Il était bien trop préoccupé à mettre au point son plan diabolique qui, à coup sûr, lui assurerait la capture de sa proie si particulière. Il avait pour l’occasion transformé sa chambre en un véritable bunker, où il avait entassé tout son arsenal : bombe à peinture : baudruches remplies de gouaches, filets à papillons et à crevettes qu’il avait cousus ensemble, des planches glissantes : lattes de parquet où il avait collé des peaux de bananes. Hélas, au bout de quelques jours, l’odeur écœurante de la banane fermentée était devenue insupportable et il avait dû s’en débarrasser. À la place, il avait confectionné des boîtes à peur, qui s’ouvraient sur des horreurs dès qu’on les touchait. Il avait encore quelques autres fantaisies dans ses réserves, mais son arme absolue restait quand même son très redouté et redoutable pistolet à bouchon, qui, lui, ne lui avait jamais fait défaut. Hélas il est un ennemi contre lequel la lutte était totalement inégale : Le sommeil qui, tel un implacable rouleau ensommeilleur, s’empara de lui et l’emporta vers l’Onirie, dont il ne revint que le lendemain matin, où il découvrit les cadeaux sous le sapin.
Sa seconde tentative ne fut guère couronnée de plus de succès et les portes du club des Nains Révoltés en Bretelles Rouge se refermaient inexorablement. Il avait pourtant pris ses précautions, en buvant thés ou cafés, en des proportions telles qu’il en eut des palpitations. Mais, comme il l’apprit à ces dépens, le père Noël a des alliés puissants et le marchand de sable en est. Ainsi lorsqu’il se réveilla, le lendemain matin, non seulement les cadeaux étaient sous le sapin, mais il avait en plus les yeux pleins de sable. Aussi cette année a-t-il décidé de stratégie ; il donnera envie de rester chez lui au père Noël. Pour cela, il a cassé sa tirelire pour s’offrir une bouteille de Château Laffite, ainsi que des cours de cuisine chez un pâtissier renommé, pour apprendre à confectionner de délicieux pains d’épices. Bien sûr, bien sûr, il pourrait verser un narcotique dans le vin, ou encore fourrer de soporifique le pain d’épices, mais il n’en a rien fait. Il veut capturer le père Noël par le cœur.
Or donc, la veille de Noël, il a demandé la permission à ses parents de faire un feu de cheminée. Ces derniers la lui ont accordée, pourvu qu’il le surveille jusqu’à ce qu’il s’éteigne. Martin est en joie, car il aura à cœur d’entretenir le feu pour qu’il dure toute la nuit. Vers minuit, alors que ses parents sont partis se coucher, en lui recommandant de ne pas trop veiller, Martin jette une nouvelle bûche sur les braises mourantes, faisant naître dans l’âtre une vitalité nouvelle. Il verse ensuite un peu de Château Laffite dans un verre à pied et découpe quelques tranches de son pain d’épices dans une assiette. Puis il dépose le tout au pied de la cheminée et se cache pour mieux guetter. Dans ses yeux se reflète la danse hypnotique du feu. Malgré tout, il se force à les garder ouverts, fixant toujours le ballet des vagues orangées dans la cheminée, qui l’emmène malgré lui dans le royaume des djinns. Lorsqu’il s’éveille, l’âtre froid ne dégage plus qu’un mince filet de fumée et les cadeaux sont au pied du sapin. Martin a envie de crier, trépigner, pleurer, car il a encore échoué. Néanmoins, il remarque une petite carte, posée près de sa main. C’est un père Noël dans une cage. Transporté de joie, il étire un sourire, tandis qu’il voit s’ouvrir les portes du merveilleux, fabuleux Club des Nains Révoltés en Bretelles Rouge.
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