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volume 1, Chapitre 18 « A l'Intérieur » volume 1, Chapitre 18

Nous sommes de l’étoffe dont sont faits les rêves.

Un poète a écrit ces vers.

Qui ? Je ne sais plus. Cruelle mémoire, quand elle fait défaut.

Ils me viennent lorsque mes yeux se posent sur ce qui m’entoure. Des silhouettes bougent, des ombres se meuvent, des apparences déambulent. Pourtant, nulle poésie ne les anime, nulle vitalité n’habite leur souffle, nulle pensée ne les envahit. Elles sont là, c’est tout. Debout, assises, endormies, assoupies, zombies.

Seul, je les contemple, interrogeant en vain ma conscience. Parfois, elles s’arrêtent. Mais jamais face à face. Non ! Je devine leur tête qui se penche en avant, ou de côté. Leur regard me fuit. Je les oublie alors.

Ici, dans ma tête, le temps est une flaque dans laquelle je me noie. Étale, je flotte dans une mer qui n’a de nom que la métaphore. Une forme s’agite dans les airs.

Un oiseau ? Un avion ? Je ne sais pas.

En fait, je m’en désintéresse. Que m’en importe, j’écoute seulement le temps qui passe, le vent qui lasse, les soupirs qui trépassent.

Derrière une cage de verre, un profil. Il me ressemble. C’est très étrange. Mais cela m’amuse, comme toutes ces choses qui avancent sans but.

La main tendue, je dessine les étoiles oubliées de la voûte. En haut, ce ne sont plus que des songes en creux.

Humains devenus dieux, je suis un dieu devenu songe.

Assis sur ma chaise, j’interroge les cieux. Mais ce ne sont que des voix d’outre-tombe qui me répondent.

Ni humain ni divinité, suis-je entre les deux, à moins que je sois un rêve perdu ?

Dans le lointain, des cloches sonnent. Nous sommes dimanche, le curé donne la messe dans le vide. Je le sais, car jamais personne ne pénètre l’église. Elle est semblable à cette cage qui me tient lieu de vestibule.

Les yeux dans le vague de mon âme, je scrute les ténèbres en quête d’une réponse qui ne vient pas. Des pas résonnent, ce sont des passants, des gens qui oublient. Pendant ce temps, je me consume à petit feu. Cela est plaisant, car je me réchauffe.

Il y a bien longtemps que je ne contemple plus le monde. Suturé, destructuré, origmi géoloqique, je ne le regarde plus.

Un tintement me tire de mes réflexions. Je ris, je me gausse, je me moque. Qu’il me dissèque donc. Ma fin est proche.

Partout les ombres blanches. Partout les lumières noires. Je n’y prends plus garde. Ce ne sont que des spectres qui n’ont plus aucun mot à la bouche. Ou plutôt si, des borborygmes, des onomatopées, des sons happés, des mots hachés, les yeux rivés.

Parfois, je baisse les yeux. Adieu les cieux ! bonjour, les cons !

Hier, je regarde le rêve, ce lieu où le temps coule s’il peut. Aujourd’hui, je vois le cauchemar. Demain, qui sait ? Un mot, un échange, une poignée de main, rien.

Un train passe, la Souterraine, ogresse de métal. Elle tousse, elle crache, elle est à bout. Alors je regarde le monde, ce songe où les monstres sont de chiffons, les poupées de son, les humains de rien.

Que fais-je ? Je ne sais pas. Sans doute, suis-je seulement là pour voir, ultime spectateur d’un théâtre qui ne dit pas son nom.

Assis dans ma chaise, je croise les jambes. Quelqu’un me heurte, choit, regimbe tandis qu’il se redresse.

Je ricane quand ses poings frappent le vide. Hilare, j’étends derechef mes cannes. Comme elles sont belles dans leur habit couleur nuit. Je les admire. Il ne leur manque que la touche finale.

Qu’ouillé-je encore ? Un bruit, un cri ? Un cri dans le bruit ? Un bruit dans le cri ? Encore une fois, je ris. Ce n’est qu’une sonnerie. Une voix me parle, elle s’approche, elle ergote. Je l’ignore, je ne suis que l’enveloppe de ma propre chair. Je l’entends qui insiste. Lasse, elle s’éloigne, avant de s’éteindre. C’est un sifflement dans le lointain. C’est le mien. Enfin ! Je le reconnais ! Le dernier train au bout de la nuit, le tortillard de minuit.

Je lève les yeux. Bonjour les cieux. Adieu les cons. Le train entre en gare. Tout feu tout flamme.

Je m’en retourne.

Où ?

Quelque part, dans un bout de moi, au fond de moi. Je veux retrouver la cité en flamme ! escalader les degrés ! revoir l’escalier qui conduit aux étoiles ! Oublier que demain est hier, qu’hier est aujourd’hui ! mourir pour vivre ! rire pour mourir !


Texte publié par Diogene, 15 juin 2021 à 23h03
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