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volume 1, Chapitre 1 « Fable Miroir » volume 1, Chapitre 1

— Pourquoi ris-tu ? demande la forme qui le toise de toute sa hauteur.

L’homme ramasse une pierre, en fait un morceau de plastique fondu, autour d’un noyau d’aspérite métallique. Il la fait rouler plusieurs fois dans ses mains, avant de s’en débarrasser d’un mouvement souple du poignet. L’objet, à la morphologie ovoïde, vole en direction d’une nappe irisée, qu’elle heurte mollement, avant de s’y enfoncer dans un bruit de succion.

— Patience, marmonne l’homme. Elle remonte.

À côté de lui, la forme hausse les épaules.

— Si tu le dis.

Au même instant, plusieurs globules, gros et huileux, crèvent la flasque surface. Au milieu de l’un d’eux, flotte la pierre contrefaite, sur les flancs de laquelle s’écoule le liquide gris et visqueux. De nouveau, il émet un gloussement qui lui attise la curiosité, toute feutrée, de son singulier voisin.

— Oh ! Ce n’est rien. Avons-nous encore le temps ?

L’autre hausse une fois de plus les épaules.

— Un peu plus, un peu moins. Où est la différence ?

— Alors cela ne te fait rien que nous restions encore là ?

— Non.

— Merci.

L’homme ramasse une autre pierre, semblable à la première. Seule sa couleur a changé, ainsi que sa texture, chargée d’aspérités. En fait, toute la grève est recouverte de ces étranges roches aux couleurs pastel, lavées par le soleil. Il pourrait en prendre plusieurs les yeux bandés, qu’il n’en aurait pas deux semblables.

— Étranges vestiges, glousse-t-il.

— À quoi bon, soupire l’autre. Il n’y a plus que toi pour t’amuser avec.

— En effet, réplique-t-il. Et c’est cela qui fait toute la saveur de mon rire.

L’autre se gratte le crâne.

— Je crains que ton sens de l’humour ne m’échappe. Pourtant, je n’en manque pas.

L’homme se redresse et lance une poignée de cailloux dans ce qui aurait pu être une mer.

— Il faut être le dernier pour le saisir et le savourer. Et vous êtes…

— Innombrables, achève l’autre. C’est cela que tu voulais dire ?

— Innombrables… Oui. J’aurai tout aussi bien pu employer le terme légion. Hélas, il y a tant de nuances, tant de sous-entendu dans ce mot, que tu m’excuseras de ne pas en faire usage.

À l’autre de rire :

— Tu es le dernier et tu répugnes à employer un mot, alors que plus personne n’est là pour l’entendre, ni le comprendre. Vous êtes vraiment étranges, vous les mystiques.

Une ombre passe sur le visage de l’homme.

— Hélas ce mot n’est plus porteur d’aucun sens…

Il suspend un instant ses paroles.

— Aurons-nous de nouveau l’occasion de partager un moment comme celui-ci ? fait l’homme en tournant sa tête, vers celui qui s’apprête à devenir son bourreau.

— Qui sait ? Cependant, il n’y a rien auquel je ne puisse accéder, murmure-t-il, comme il ramasse la tête qui roule sur la grève.


Texte publié par Diogene, 18 août 2020 à 13h54
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