« C’est un cas irrécupérable, une âme noircie et profondément entaillée. » Calypso Curtiss au sujet de Morgana McNair.

Calypso Curtiss avait 23 ans quand elle revu Morgana McNair. Elle était à la recherche du parfait bouquet de fleur. Son petit frère, Nestor, avait annoncé ses fiançailles. Ce n’est pas tous les jours qu’une occasion pareille arrive, surtout qu’à une époque pas si lointaine, Calypso n’aurait jamais pensé assister à ce genre d’événement en ce qui concerne son frère. Alors que leur père avait mis de côté son fils toute sa vie en raison de sa maladie, sa grande sœur avait tout fait pour le sauver, notamment pendant sa scolarité. Poudlard était un souvenir encore vif qui rendait la jeune femme plus nostalgique qu’elle aurait pensé. Ses anciens camarades avaient grandi, étaient partis s’installer parfois même dans d’autres pays… Sa plus proche camarade, Juno Nightingal, avait même décidé de partir vivre en France, d’ouvrir une librairie destinée aux enfants de sorciers et y avait rencontré l’amour. Serpentard ne l’avait que très peu marquée, certes, mais le souvenir de l’aventure et des mystères lui donnaient encore quelques frissons. La vie de Calypso restait mouvementée, elle avait rejoint l’ordre des Aurors mais l’émerveillement caractéristique du jeune âge l’avait quitté. Ce fut donc entre deux missions qu’elle décida de se pencher sur l’idée de ce bouquet parfait pour son frère. Elle poussa alors la porte du fleuriste. C’était une boutique assez étroite, à mi chemin entre le réconfort des fleurs et le macabre des vieilles maisons de pierre chargées d’Histoire. Une jeune femme était à la caisse. Ses cheveux noirs coupés au carré lui donnait un air froid, mais la manière délicate avait laquelle elle arrosait le pot de fleurs de lune démontrait une douceur attentionnée. Elle était vêtue d’un costume vert foncé et ses ongles vernis de noir manipulaient les feuilles lentement. La vendeuse, sans même regarder Calypso, lui souhaita la bienvenue d’une voix monotone. Cette dernière reconnu sans peine ce timbre sombre. C’est donc avec étonnement qu’elle se retrouva à demander conseil à Morgana McNair.

Calypso avait maintenant 27 ans. Ses cheveux noirs et ondulés, coiffés en une seule tresse, lui tombaient dans le bas du dos. Quelques rubans bleus rehaussaient le blanc de sa robe. L’ombre des arbres cachait son visage nerveux. Derrière elle, Juno, laissait une main réconfortante sur l’épaule de sa camarade afin de la rassurer. La dentelle de ses manches courtes se soulevait délicatement avec la brise. Des mélopées s’élevaient vers le ciel ensoleillé. Entre ses mains, elle serrait un bouquet de fleurs de passiflore, soigneusement noué par quelques ficelles du même bleu que ses rubans. Elle ferma les yeux et se souvint.

Elle se souvint du regard dédaigneux qu’elle avait posé sur cette peste de Serpentard. Elle incarnait le cliché qu’elle méprisait de la maison de vert impérial. Elle se rappela des mots forts qu’elle avait utilisé pour parler de cette traître. De comment elle avait été la première à douter de sa loyauté et en avait soigneusement averti Kate Whisper.

Calypso inspira fortement alors qu’elle posa un pied devant l’autre. Le crissement de l’herbe et des feuilles se mêlaient aux chants de célébration.

Elle se souvint également de son entrée dans le magasin. De comment elle fut frappée par la beauté de la vendeuse. De son regard calme. De sa manière de parler des plantes avec passion. De toutes les fois où elle revint acheter des fleurs à la moindre occasion, transformant petit à petit son appartement en une jungle colorée. De leur premier rendez vous, une balade dans la lande. Puis du deuxième, puis du troisième. De leur premier baiser échangé dans un bar, alors qu’elles étaient complètement éméchées. De la première fois qu’elle laissa échapper un cri de plaisir dans ses bras lors de cette même soirée d’ivresse, en plein milieu d’une allée.

De quand elle s’était agenouillée afin de demander Calypso en mariage, entre les fleurs de lune et les passiflores, il y a neuf mois de cela.

Calypso ouvrit les yeux. Elle vit Maggie et Terry, assis l’un à côté de l’autre, en compagnie de leur fille. Moira, Suzanna et les autres lançaient déjà des grains de riz en l’air, les joues roses de bonheur. Ses sœurs qui lui sourirent d’un air sincèrement complice. Nestor, qui la regardait avec tout l’amour qu’un frère pouvait ressentir pour sa sœur. Les familles qui se tenaient assis de la manière la plus solennelle possible sur les bancs blancs entourés de lierre. Même les arbres semblaient se pencher vers la jeune femme, célébrant avec elle cette journée unique.

Mais plus important encore, Morgana la dévorait du regard. Elle semblait presque grande dans son costume blanc. Ses cheveux avaient été bouclés pour l’occasion et ses yeux clairs brillaient de mille feux. Elle mordillait ses lèvres, s’efforçant de ne pas pleurer. C’est alors que pour elle aussi, une main réconfortante se posa sur son épaule. Kate Whisper, vêtue d’une robe mauve, faisant office de demoiselle d’honneur lui fit un signe d’encouragement. Morgana ne s’était jamais sentie aussi apaisée. Tout le poids du passé s’envolait petit à petit, ne laissant qu’un parfait sourire de bonheur complet vêtir son visage.

Calypso s’avança, prit la main tendue par sa promise et se dressa devant elle. Rien ne pouvait gâcher ce moment. Le chant des oiseaux, l’odeur boisée de la forêt et le silence émerveillé de l’assemblée leur apportait chaleur et gratitude. Beaucoup de personnes manquaient à ce mariage. Il n’était jamais aisé de se retrouver après des années de combats et de pertes. Mais l’amitié et les moments de rires ne les quittaient jamais. Et alors que les vœux furent prononcés sous les applaudissements des anciens élèves de Poudlard, Calypso attrapa son épouse par la taille et lui donna le baiser le plus passionné jamais échangé.