Les portes du palais se sont à peine ouvertes qu'Anna accourt, s'introduit en virevoltant dans l'artère principale d'Arendelle. Dans sa robe de cérémonie, toute de satin, de broderies et de pierreries, elle se glisse parmi ses sujets, hume l'air délicieux.
Au-dessus de sa tête, les toits de la ville se sont parés de guirlandes aux couleurs du royaume. Sur les réverbères qui ornent le parapet du pont, l'on a accroché des banderoles vertes et mauves ssur lesquelles le profil de la future reine a été brodé au fil d'or.
La ville, en ce jour de couronnement, est soulevée par une joie brûlante.
Enfin, après treize longues années de retraite, le palais rouvre ses portes à ses sujets et, le temps d'une soirée, les accueille en son sein. Le peuple, à cette merveilleuse idée, ne peut que se laisser aller à l'allégresse contagieuse qui se faufile dans les ruelles.
Anna s'est laissée guider par ses pas, grisée par ses sens. Tout ce qu'elle voit, touche, sent, entend est si nouveau pour elle qui n'a connu que les couloirs silencieux du palais, les mêmes odeurs qui s'échappaient des cuisines pendant la majeure partie de son existence.
Autour d'elle, les passants s'écartent, la suivent du regard, la saluent d'une révérence respectueuse.
"C'est la princesse !", "Princesse Anna !", entend-t-elle tandis qu'elle fend l'air, s'élance sans retenue aucune sur la grande place de la ville.
Qui brille de son soleil d'antan.
Ding-dong ! Ding-dong ! chantent les cloches de l'église.
Le gel sur nous n'a plus d'emprise."
Sur une petite estrade au centre de la place, le maître d'école au clavecin fait répéter le chœur de l'école qui, ce soir, se produira au palais. Anna se glisse dans la foule, observe les enfants avec toute l'affection qu'ils lui inspirent. Comme le chant des bambins, la présence d'autrui, la chaleur du soleil et les effluves de la ville lui ont manquée.
Elle se hisse sur la pointe des pieds, le cœur battant d'excitation.
Que tout Arendelle se réjouisse !
Mère Nature, sois bénie pour tes vertus !
Le printemps est là, l'hiver n'est plus."
Anna sourit plus encore. Elle lève les yeux vers les montagnes. Le ciel est d'un bleu azuré, les forêts d'un vert émeraude sombre. Il y a si longtemps qu'elle ne les a pas observés ainsi, sans aucune vitre pour en altérer la beauté. Elle se sent déborder de joie. Si elle s'écoutait, elle laisserait se déchaîner cet amour qui brûle dans son cœur, embrasserait chaque être qu'elle croiserait. Elle aimerait partager avec ceux qu'elles veillaient du haut de ses fenêtres cette félicité qui la fait chavirer.
- Allez narrateur, déclamez avec assurance !
Un petit garçon se détache du chœur, rouge jusqu'aux oreilles. Elle lui adresse un regard réconfortant pour l'encourager.
-Nous célébrons le printemps, car nous savons qu'à sa venue, la prophétie des trolls ne se réalisera pas.
Anna sent l'air la quitter. D'anciennes terreurs d'enfant viennent lui saisir la gorge.
- De quoi parle cette prophétie, braves gens ? C'est l'histoire que nous allons vous conter maintenant.
- Où sont mes trolls ? demande joyeusement l'instituteur. J'ai besoin de mes trolls !
Dans un sursaut de peur, Anna recule vivement, se cogne contre l'homme qui se tient derrière elle. Les trolls... Son père lui parlait parfois des trolls, de leur savoir, de leur don pour lire l'avenir. Il lui avait parlé de la prophétie, celle qu'ils avaient fait pour Arendelle. Une funeste prophétie.
- Votre futur de noirceur est fait, votre royaume sera défait. Vos terres seront....
Les deux petits acteurs, le visage plein de charbon, couverts d'une lourde cape verte, éclatent de rire. Le maître se fâche, confisque les bonbons sources d'amusement. Ils reprennent alors, grimaçant pour inspirer une peur grotesque.
- Vos terres seront condamnées à un éternel hiver. Et avec les bourrasques glacées viendra un dirigeant au cœur de pierre.
Anna laisse ses yeux s'envoler jusqu'aux fenêtres du château. Sans qu'elle ne sache pourquoi, l'image de sa sœur s'est imposée dans son esprit. "Une reine au cœur de pierre". Malgré les joyeux souvenirs qu'elle partage avec Elsa, elle ne peut s'empêcher de l'associer à cette image. Elle ne peut omettre la solitude, l'abandon, le silence auxquels Elsa, égoïstement, l'a abandonnée des années durant. Elle ne peut oublier ses pleurs, ses cris, ses prières tombés dans l'indifférent oubli.
Un instant, Anna s'en veut de se laisser aller à de si tristes rancunes. Après tout, se dit-elle pour se remonter le moral, Elsa est réfléchie, sérieuse, pondérée. Elle devait avoir ses raisons. Être pleine de bons sentiments. Mais qu'importe à quel point elle tentait de s'apaiser , Anna sentait sa rancœur lui mordre l'âme. Elle saurait pardonner à Elsa. Mais combien de temps lui faudrait-il ?
- Tous périront sous la neige et la glace. Et seul un sacrifice saura défaire ce présage.
- Mais cette glaciale damnation n'est guère pour aujourd'hui !
Toute pimpante, une petite fille aux tresses brunes et à l'habit parfaitement repassé s'avance, déclame avec une fièvre qui lui fait rougir les joues.
- Car un événement spécial est à célébrer, voilà qui est fortuit !
Anna retrouve son souffle, se sent à nouveau à son aise. Comment a-t-elle pu se laisser aller ainsi au chagrin quand cette journée est si spéciale ? Elle l'a tant attendue, rêvée tant de fois ! Aujourd'hui, tout peut changer. Elle ne sera plus mise de côté, ni dans l'ombre de personne. Aujourd'hui, elle est en mesure de changer sa destinée.
- La plus gracieuse, charismatique, sage, douce, parfaite dirigeante que ces terres n'aient jamais eu, la princesse Elsa, devient notre reine !
- Oh regardez ! La voilà !
Les petits se retournent vivement en criant de joie, se tournent tous vers le balcon que désigne l'un des petits trolls. Là-haut, au balcon attenant au bureau royal, Elsa se tient droite dans sa robe d'apparat.
Anna observe cette royale apparition, bouleversée par ses retrouvailles innatendues.
Dans cette jeune femme au maintient impeccable, à la tenue soignée, aux traits qu'elle distingue droits et délicats, comme elle a du mal à retrouver cette grande sœur qui la ravissait avec sa fantaisie et sa magie!
Le temps a marqué sur elle son passage, comme il a agrandi entre elles le terrible fossé qui les sépare.
Pour Anna, tout lui semble à refaire.
Elles sont devenues, l'une pour l'autre, des étrangères.
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