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—Je ne fais guère partie du royaume, je ne suis pas née pour être reine.

En effet, chère Anna. Nous ne sommes guère des demoiselles comme les autres. Arendelle, nous ne le connaissons que depuis nos hautes fenêtres de dirigeantes. Mais qu’en est-il réellement ? Que ressentent ces gens qui nous gâtaient lorsque nous étions petites ? Moi-même, qui vais devenir reine, je l’ignore. Et cela m’effraie.

—Je ne suis juste qu’une fille désespérément bloquée dans un entre-deux.

Au-dessus de ton berceau, je t’avais dit qu’être princesse était un sort peu enviable. Si je ne t’avais pas blessée, si mes pouvoirs n’avaient pas attenté à ta vie… Sans nul doute aurais-tu été mon bras droit dans cette aventure. Tu ne serais guère perdue de la sorte. Tu ne te sentirais guère aussi abandonnée.

—Elle est sage, athlète, poète…

Tu n’as pas changé, Anna. Tu me prêtes toujours des qualités que je n’ai pas en omettant mes défauts. Je suis pourtant bien loin du parfait portrait que tu brosses de moi. Je suis craintive, terriblement effacée, solitaire et taciturne. Je n’ai pas les épaules d’une dirigeante.

—Tandis que moi, je le sais, je suis un véritable échec.

Qu’est-ce que tu dis là, petite sœur ? Un « échec » ? Ce n’est guère ce que je vois quand je t’observe t’amuser depuis mes fenêtres. Je vois une jeune fille pleine de vie, joviale, aimante, généreuse. Aucun serviteur ne tarit d’éloges sur toi. Tu es lumineuse, Anna. Tes rires, lorsqu’ils atteignent ma chambre, sont autant de petits trésors que je garde dans mon cœur.

—Si l’on nous compare, bien-sûr que l’on ne va me voir que comme une ratée.

Papa et maman ne nous comparaient jamais. Maman disait que nous étions uniques, que nous avions toutes les deux nos qualités, que nous étions aussi précieuses l’une que l’autre. Je fais de la magie, certes. Mais toi, tu la faisais rire avec tes grimaces et tes histoires fantastiques.

Tu es peut-être maladroite et pas très gracieuse. Mais cela n’enlève en rien à ta valeur.

—Mais un jour, sans doute trouverai-je ma voie ? Une voie qui me fera sentir chez moi, me sortira de ma triste retraite.

Mon cœur se serre quand je t’entends pleurer devant ma porte. J’aimerai tant t’ouvrir, te serrer contre moi, te consoler. Quand nos parents ont quitté ce monde, que derrière le bois glacé de la porte, tu te laissais emportée par ta douleur… Oh, comme je me sentais déchirée entre la promesse faite à notre père et l’amour que j’éprouvais pour toi ! Je voulais tant que nous mêlions notre chagrin. J’ai préféré fuir et épancher mes larmes seule. Aujourd’hui encore, quand je m’adosse à la porte qui nous sépare, elle me semble fissurée de remords et de larmes.

—Je ne suis que la cadette, que toute la ville ignore.

Je t’envie presque. Tout le monde parle de moi en ville. Mon couronnement est dans toutes les bouches. Il n’aura lieu que dans trois ans, mais il enflamme Arendelle depuis quelques temps. Mon nom glisse sur les lèvres de mes futurs sujets qui déjà m’appellent « Reine Elsa ».

Cela me rend nerveuse. J’ai peur de les décevoir, de les rendre malheureux. J’ai peur que mes pouvoirs ne les effraient. J’ai peur de ce que je pourrais devenir : un cœur de glace, une reine tyrannique. Quand je regarde mes mains, j’y vois une malédiction. Ce que tu me faisais aimer, en ton absence est devenu un calvaire.

—Peut-être n’ai-je rien d’exceptionnel, peut-être n’ai-je aucun talent comme d’autres peuvent en avoir.

Qu’importe Anna. Tu es toi, cela suffit.

—Je n’ai qu’un cœur débordant d’amour à partager.

Tu verras, cet amour que tu offres chaque jour te sera toujours favorable. Ne l’oublie jamais. Ne le laisse jamais te quitter.

—Je ne serai jamais l’héritière.

Tu seras tout de même indispensable à notre royaume.

—Mais je suis bien plus qu’une ratée !

Tu m’es indispensable, Anna.