—Elsa ?
Elsa lève les yeux du livre d’histoire que sa préceptrice lui a demandé d’étudier. Anna la regarde avec ses grands yeux pleins d’espoir. Ses joues roses de plaisir trahissent l’envie ardente qu’Elsa connait tant. Elle n’attend que la question, la formule magique qui leur ouvre les portes de leur monde.
—Tu veux faire un bonhomme de neige ?
Alors Elsa sourit, de ce sourire entendu qu’Anna lui connait si bien.
Dehors, le parc du château s’est enveloppé de ses atours hivernaux. La neige s’est déposée sur les branches nues des arbres, a recouvert la terre d’un épais tapis blanc. Plus un bruit.
Anna enfonce ses pieds dans le coton glacé, y grave les traces de son passage. Puis elle se laisse tomber, agite ses petits membres pour former dans la neige la silhouette d’un ange. Son souffle devient, dans l'air glacé de l'hiver, une petite fumée qui disparaît petit à petit.
Elsa s’approche de sa petite sœur, lui tend la main en riant. Comme elle l’aime, Anna ! Comme elle aime la voir rire, sourire, se rouler dans les flocons. Et comme elle aime tenir au creux de la sienne sa main tiède.
—Fais de la magie ! lui réclame Anna en gloussant joyeusement. Fais de la magie !
Elsa acquiesce, frotte son index et son pouce gauches entre eux. Anna contemple avec attention cette petite habitude qu’à sa grande sœur, ce « truc » qui prélude à un instant inoubliable. Déjà, elle distingue des petites étoiles de glace virevolter entre ses doigts. Pourquoi ne peut-elle faire ce qu’Elsa fait ? se demande-t-elle parfois, un peu envieuse. Mais cette envie ne dure jamais bien longtemps. Elle ne sait pas faire, c’est ainsi. Cela lui permet de mieux regarder.
Retenant son souffle, elle bat des mains en sautillant pour encourager cet instant à durer, durer, durer…
—Prête ?
Elsa lui adresse un regard complice. Anna ne parvient pas à articuler un seul mot. Son cœur bondit dans sa poitrine, cogne fort de joie comme à chaque fois. Elle hoche la tête.
Les lèvres d’Elsa s’étirent davantage en un sourire taquin. Elle gonfle ses poumons, souffle de toutes ses forces dans le blizzard miniature qui tourbillonne au creux de ses mains. Les flocons viennent se glisser vivement dans les cheveux d’Anna, se déposer sur ses joues, son nez, ses cils.
Et à Anna d’éclater de rire. Ce rire qui s’envole, vient chatouiller la cime nue des arbres, retentit dans le silence qui nimbe les alentours.
Elsa soulève de toutes ses forces la dernière boule qui forme leur bonhomme de neige. Se hissant sur la pointe des pieds, elle la dépose sur le corps de neige divisé en deux parties distinctes.
Anna court de tous les côtés, ramasse les branches, les cailloux qui lui plaisent. Dans ses bras, au milieu de son butin, elle garde contre son cœur la carotte que le palefrenier lui a cédée. Personne ne résiste aux désirs d’Anna, s’amuse Elsa en tassant la neige pour lier la tête au torse.
—Il te plaît ?
Anna se plante devant la créature blanche, l’observe avec attention. Son visage se crispe en une moue sérieuse, candide et exagérée ; puis s’éclaire tandis qu’elle encercle le petit corps gelé de ses bras emmitouflés.
—Je l’adore ! Je l’adore !
—Attends, il n’est pas encore terminé.
Elsa se penche, ramasse les branchages. Trois vont sur la tête pour devenir des cheveux un peu ébouriffés. Deux plus grands sur le torse sont à présent des bras grands ouverts.
Anna s’occupe des cailloux d’un joli noir. Deux sont les yeux, trois les boutons.
Et enfin, la touche finale. La carotte qu’elles enfoncent de concert entre les deux yeux devient un long nez couleur safran.
Elsa se glisse derrière le bonhomme de neige enfin achevé, fait remuer ses bras avec précaution. Anna, devant lui, bat des mains en babillant de bonheur.
Devant la joie si communicative de sa petite sœur, Elsa se sent emplie d’une chaleur agréable, d’une félicité qui lui fait rosir les joues.
Toussotant pour s’éclaircir la gorge, elle se compose une grosse voix comme le fait son père lorsqu’il leur raconte des histoires.
—Bonjour, jolie princesse ! Je suis….Oh !
Reprenant sa voix d’ordinaire, Elsa se redresse, réapparaît aux côtés du bonhomme.
—Comment l’appeler ?
—Rudolph ?
—Je préfère Kai. C’est l’un des héros du livre que j’étudie.
— Non, non, je n’aime pas !
Elsa fronce les sourcils, se creuse les méninges. Anna, par mimétisme, fait une petite moue songeuse.
—J’ai une idée. Tu aimes bien le conte que nous lit papa, non ?!
—Oui, oui !
—Dans ce cas…
Les bras du bonhomme de neige s’agitent à nouveau. Anna se met à rire. À ses yeux d’enfant, ce nouvel ami prend vie devant elle, comme par magie. Un petit miracle, comme seule Elsa sait en faire.
—Bonjour, je m’appelle Olaf ! Et j’adore les gros câlins !
Anna, en une foulée, est déjà contre Olaf, sa tête au creux de son cou inexistant. Son visage rouge de froid irradie de bonheur, ses iris brillent de plaisir. Elsa aimerait graver cette image au plus profond de son cœur pour ne jamais l’oublier.
—Je t’aime Olaf ! s’écrie Anna au comble de la joie.
Leurs yeux se croisent, s’abandonnent les uns dans des eaux turquoise, les autres dans des glaciers azurés.
Anna se sépare d’Olaf, se blottit dans d’autres bras. Ceux de sa magicienne, sa fée adorée, sa grande sœur chérie. Ses lèvres bleuies se couchent sur la joue glacée d’Elsa, la couvre de mille baisers.
—Mais je t’aime cent fois plus, Elsa.
Elsa la sert plus fort contre elle, grisée par cette joie qui la submerge.
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