Sveeriagë, durant les semaines qui suivirent le brutal déclin de la Sainte Église de Lathium, s’était trouvé en une période trouble au cours de laquelle il fut ardu de naviguer.
En outre, libéré du joug du tyran déchu, le peuple ne savait vraiment si vers la rébellion ou une nouvelle soumission il devait se tourner, les uns profitant d’une telle occasion, les autres gardant dans leur mémoire les nombreuses pertes que ce que l’on appelait « La Révolte » avait engendré.
Elle n’avait pourtant duré que huit heures.
Huit heures qui avaient mis fin à sept dizaines d’années de paix, pendant lesquelles bien des vies avaient été fauchées.
Une nouvelle ère semblait avoir été engendrée de ce soulèvement. Une ère durant laquelle, sans la présence de l’Église, s’était illustré un nouveau dirigeant qui, sans le voile pesant du clergé, se révélait plus brillant qu’alors.
La reine. Fleur de Pivoine de Lathium.
Lorsque Simon s’était présenté en piteux état à la porte du palais royal cet après-midi-là, Fleur de Pivoine avait fait ce qu’elle avait annoncé tantôt, de vive-voix à ses conseillers, par écrit à Erling : elle avait apporté son soutien au peuple.
Ses troupes s’étaient ruées vers la Maison-Mère, avec l’ordre inflexible de n‘ôter la vie à personne, pas même au pontife. Ce dernier, à leur arrivée, était déjà mort. Ne restaient que de malheureux révoltés, des clercs paniqués et une milice qui, épuisée, avait rendu les armes. Les inquisiteurs, dans leur étude, furent tous retrouvés la gorge tranchée. Seul Abel de Vaastiriäs semblait s’être volatilisé. La salle des archives avait été dévorée par les flammes, et l’intervention tardive de la garde n’avait pas permis de sauver l’aile dans laquelle elle se trouvait. Les dissidents, ceux qui refusaient de renoncer à leur aveugle fidélité envers le pontife avaient été emprisonnés. De même pour ceux qui rejetaient l’autorité de la reine.
Elle s’était évertuée de guider son pays, aidée par ses conseillers, faisant preuve de son pouvoir, de sa force, de ce qui faisait d’elle une bien meilleure souveraine que quiconque n’aurait pu le croire. Les révoltes campagnardes avaient rapidement été réglées puis étouffés. Les violences envers les religieux formellement interdites et punies d’emprisonnement afin d’éviter que chaque église, chaque couvent ne soit mis à sac.
Car la politique d’Erling, dissimulé sous un manteau de piété, n’était pas la foi. Et cela, Fleur de Pivoine n’en démordait point.
Par impartialité, mais également par affection.
Elle avait signé du bout de sa plume au bas d’une missive, l’avait close d’un cachet de cire orné d’une pivoine. Son sceau personnel. Sonné un émissaire et, l’attendant, réfléchissait. Il y avait longtemps qu’elle ne s’était pas trouvée seule, sans conseiller, sans dame de compagnie, sans garde.
Elle était seule avec ses propres pensées, pour une fois.
Pourtant, ses propres pensées étaient pleines de devoirs, d’inquiétudes, de solutions à trouver.
Machinalement, elle avait tourné la tête vers la colline qui dominait la ville.
Sans sa flèche, la Maison-Mère ressemblait à une bête demeure abandonnée. Les vitraux, les façades tombées sous les coups de canon n’avaient pas encore été réparés. Le clergé –du moins ce qu’il en restait- logeait soit dans la seule aile épargnée par la révolte, soit au couvent principal de la ville, situé au pied de la butte.
D’un soupir, elle avait chassé les sombres pensées qui l’obsédaient.
Elle irait au couvent un peu plus tard, ainsi qu’elle l’avait promis à la prieure.
— Votre Majesté.
L’émissaire s’était avancé, incliné avec déférence. Elle lui avait remis le pli cacheté.
— ¨Pour Magnus de Lathium.
— À la prison du palais de justice ?
— C’est cela.
Il s’en était allé de la même manière qu’il était entré, avec respect et rapidité. Dès l’instant où la porte s’était refermée, elle avait fait appeler son page. Tout en l’attendant, elle retirait ses peignes de perles pour rassembler ses cheveux blonds en une tresse toute simple. Ôtait les pierreries qui ornaient ses oreilles, terni du plat du pouce les fards qui coloraient son visage.
— Vous désirez sortir, Majesté ?
Elle avait acquiescé tandis qu’il ajustait sur ses épaules une cape de bure sombre.
Avait-il encore besoin de demander ? Ils allaient toujours au même endroit, tous les jours à cette heure. Elle mettait un point d’honneur à se libérer de ses obligations.
Comme à l’accoutumée, ils s’étaient glissés hors des appartements royaux, avait atteint un coche modeste stationné discrètement à l’ombre des peupliers du jardin. À peine s’était-elle installée qu’il s’était ébranlé, quittant l’enceinte du palais, cahotant sur les pavés. Le petit page était nerveux, comme à chaque sortie. Il avait conscience de ses propres faiblesses, et ainsi, était sans cesse anxieux qu’il advienne malheur à sa souveraine.
Fleur de Pivoine avait soulevé le voilage sombre qui obstruait la fenêtre.
— Madame, soyez prudente…
— Ne t’inquiètes pas, on aurait du mal à me reconnaître dans cette tenue.
En deux mois, il n’y avait guère d’évolution manifeste en la belle Lathium.
Néanmoins, comme elle était celle à l’origine de tant de choses invisibles à l’œil nu –l’assouplissement de certaines lois, la baisse de quelques taxes, les différentes mises au point avec les chefs de guildes-, il lui semblait que le monde était plus agréable.
Que son peuple allait mieux.
En les observant ainsi à la dérobée aller à leur vie quotidienne, toujours ébranlée malheureusement par les retombées de la révolte, Fleur de Pivoine se sentait soudain part de ce monde.
Elle avait dissimulé un sourire derrière sa paume.
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