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saison 5, Chapitre 19 « Till den dag jag dör - Jusqu'à l'heure de ma mort » saison 5, Chapitre 19

Elle était tombée à genoux, pliées en deux par la douleur épouvantable qui se répandait sur chaque parcelle de son crâne.

Ses mains devenaient humides et poisseuses.

Elle n’arrivait plus à ouvrir les yeux –ou plutôt, son œil gauche.

Son cœur s’emballait, tambourinait contre son sein. Un autre cri lui avait échappé tandis que tout son corps se tendait de peur.

— Ana ! Ana ! Ana !

Magdala s’était jetée sur elle, la serrait contre elle, s’horrifiait, cherchait à éponger vainement le sang. Elle s’était agrippée à sa robe, tant pour essayer de se rassurer, de se réconforter en pure perte que pour s’assurer qu’elle n’était point ravie par Erling et prise contre son gré alors qu’elle-même se vidait de son sang.

— Toi aussi, ma fille.

Elle avait ravalé un cri en le sentant se poster devant elles. Entre ses larmes, son œil droit apercevait l’ourlet brodé de raisins, la botte ensanglantée du pontife. Les bras de Magdala l’avaient étreinte plus fort pour la dérober à l’hostile présence.

Elle avait redressé le front, planté son seul œil valide dans ceux d’Erling : il la jaugeait, sans même ciller, faisait peser sur elle toute la répugnance, tout le mépris qu’elle lui inspirait. Dans son poing, la lame semblait preste de fondre sur elle.

Et soudain, comme pour la soustraire à cette vision terrifiante, l’aube blanche de Marika l’avait dérobée au regard monstrueux.

Immobile, ne lui adressant pas même un mot, elle se contentait seulement de faire corps contre son supérieur, se dressant sans faire fi des coups qui avaient affaiblis ses membres. Observait la dague assassine de cet air de défi qu’elle avait tant de fois porté à vue, qui lui avait tant servi, qui avait été son meilleur allié dans sa lente progression jusqu’à la cardinalité. Cet air qu’Erling n’avait pas réussi à faire oublier à ses traits, qu’importe le nombre de raclées assénées.

Par habitude, il avait levé le poing en sa direction. L’acier tranchant de la lame resplendissait d’un éclat menaçant. Elle avait à peine esquissé un geste. Attendait, patiente, l’assaut qui la ferait flancher.

Du corridor résonnaient de nouveaux tumultes, d’énièmes détonations.

Elle imaginait sans mal les corps s’affaisser, le sang d’innocents, simples jouets de quelques puissants ayant osé se révolter, engorger les tapis d’orient. Sur ses lèvres laquées flottait un sourire affligé tandis qu’elle susurrait à l’intention du pontife :

— Voici que vient la fin de votre règne.

Dans l’air brûlant de l’après-midi saturé par la fumée, l’écho d’une cavalerie conséquente battant le pavé de ses fers pressés.

Dans la galerie inférieure que la mort hantait, la rumeur d’une troupe qui, par un autre tour de folie, se ruait vers les appartements pontificaux.

— C’est la fin de votre Église.

Erling avait enfoncé sa dague dans son épaule droite, lui arrachant un faible cri.

Dans le même temps, une horde de révoltés, Magnus à sa tête, envahissait les lieux, canons dressés vers leur opposant.

Un instant, Marika et Magnus s’étaient dévisagés, elle à terre, lui prêt à tirer.

— Comme par hasard, l’avait-elle entendu maugréer, et elle en avait alors conclu qu’elle ne serait point tuée par son vieil adversaire, mais par son plus ancien ami.

— N’est-ce pas….

Une bile amère lui avait brûlée la gorge.

C’était certainement mieux ainsi, tentait-elle de se raisonner pour mieux museler sa peur. De toute façon…

Elle avait extirpé de sa chair la dague. Son aube et sa chasuble s’étaient gorgées de sang, pesaient d’autant plus fort sur son épaule. La douleur de son bras, que l’adrénaline avait engourdie, lui était revenue d’un coup, la faisant tourner de l’œil.

De toute façon, c’est la fin de l’Église, se répétait-elle comme un mantra lui donnant la force d’accepter le trépas.

Il était temps de rendre son âme à qui de droit.

Dans une détonation sonore crevant le silence soudain, le fusil avait laissé échapper sa larme de plomb. La seconde suivante, sa tête avait heurté le genou de Magdala puis rencontré le sol. Une seule, une ultime pensée lui avait traversé l’esprit :

« Faites que tout cela prenne fin. »


Texte publié par Yukino Yuri, 19 juin 2022 à 16h22
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