Les lames de ses ciseaux de couture claquaient dans le silence, le tissu qu’elles découpaient en longs coupons soupirait de douleur, contenait ses cris. Elle avait décousu avec son poinçon l’ourlet brodé, rassemblé avec soin les lambeaux nets de soie et de coton azurés sur ses genoux veillant à défaire attentivement les vieux fils de couture qu’elle avait sectionnés. Ainsi, les pièces semblaient nettes et neuves, comme prêtes à passer entre les mains d’un tailleur.
— Min Däm… Que faites-vous ?
Ana s’était approchée, n’osait entrer dans le skydd que Magdala semblait s’être appropriée. Elle la fixait de ses yeux ahuris pleins de surprise, brûlants d’effroi.
— Oh, Très-Haut ! Mais qu’avez-vous fait ?! s’était écriée Linnea en désignant les coupons. Votre toilette !
Magdala avait quitté son siège, se redressant ave cette dignité qui ne semblait jamais la quitter, présenté à Ana les splendides tissus qui pesaient sur ses bras frêles.
Sa mère lui avait répété à de bien nombreuses occasions que leurs toilettes d’or et de brocart avaient une valeur incommensurable, et qu’elles étaient tissées dans le même atelier – le meilleur du pays - que les chasubles du Chef de l’Eglise. Elle n’avait eu de cesse de lui faire promettre de toujours en prendre soin, lui rappelant encore et encore à quel point elles surpassaient en beauté les tristes robes des nobles dames.
« Nous sommes bien plus gâtées qu’elles ne le sont, souvenez-vous en toujours. »
Aujourd’hui, elle s’en souvenait, comme elle l’avait un jour promis à sa chère mère. Elle caressait du bout des doigts la soie fluide qui avait autrefois composée son plus bel apparat, redécouvrait encore et encore les motifs de lierres qui s’y glissaient çà et là, savourait une dernière fois ce bleu sombre qu’elle aimait tant. C’était là sa seule fortune dans ce monde inconnu.
— Voici de quoi couvrir tous les frais que ma présence saurait engendrer.
— Min Däm…
— Vendez-les, je vous en prie. Je ne sais combien vous pourrez tirer de ces modestes matières, je ne suis point au fait des subtilités du commerce textile mais… Je serai forte aise si vous pouviez en tirer un penga ou deux.
— Je saurai en tirer bien davantage, souffla Ana tout en examinant le tissage impeccable et les décors au fil d’or. Mais…Que porterez-vous ? Vous êtes…
Elle avait rougi de toutes ses joues, s’était empressée de jeter sur les épaules nues de la vestale sa cape afin de couvrir sa toilette du dessous. Elle l’avait certes déjà vue en un si simple appareil lors de ces nuits passées ensembles…Mais en cet endroit, loin de l’intimité de sa chambre sentant les livres et les fleurs, cette tenue du dessous brodée lui paraissait fort indécente, par trop impudique pour être perçue par d’autres yeux que les siens.
Magdala avait répondu à sa prévenance par un sourire amusé, resserrant tendrement la flanelle contre sa peau. Un suave mélange de mousse et de feuilles mortes s’en dégageait.
— Sans doute pourrez-vous trouver de quoi me vêtir, là où vous irez les vendre ?
Et à Ana d’acquiescer, enveloppant avec soin les coupons dans son bagage.
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