Ana se tenait à quelque distance d’elle, en retrait sur la dernière marche menant à la pierre-autel. Ses doigts s’étaient défaits de son poignet, laissant les sens de Magdala à l’agonie. Le regard d’azur s’était teint d’une profonde mortification tandis que la voyageuse reculait vivement, bredouillant mille excuses pour ce geste inconvenant.
Son accent tranchant tandis qu’elle s’exprimait en Swalüet était désagréable aux oreilles de Magdala. Elle n’avait néanmoins cure de son acte de contrition, guère outragée par cette marque de compassion pour son tourment. Il y avait bien longtemps que l’on avait ainsi honorée d’une affection si brute, si humaine, car tout dans son monde était calculé, ajusté selon les rites, les convenances. Ses sens imploraient après cette chaleur retirée. Et Magdala, pleine de cette pudeur retenue, serrait les dents afin de n’en rien laisser paraître.
Ana s’était transportée au bas des marches, considérant avec angoisse la vestale. Que lui avait-il pris ? se maudissait-elle en faisant courir fébrilement ses doigts sur la corde de son amulette. Face à cette…sainte –puisqu’elle en était une, ou du moins la représentation de la sainteté sur terre- si fragile, si déboussolée, si terriblement semblable à elle, Ana n’avait pu brider l’empathie naturelle qui l’animait, n’avait pu stopper sa main. Elle voulait la rassurer, faire s’évaporer le brouillard qui voilait son visage. A présent, elle n’avait plus qu’à s’en excuser.
Magdala s’était abaissée pour rassembler les fleurs éparpillées, se gardant d’abîmer sa manche avec le pollen poudreux. La voix singulièrement timbrée de l’étrangère résonna à nouveau dans le lourd silence du sanctuaire.
— J’ai traversé de nombreuses contrées afin de me présenter devant vous, préludait-elle en s’inclinant profondément. Sans doute dois-je vous paraître d’une piètre nature, mais je vous prie de croire que mes aspirations ne sont guère avilies par de basses pensées.
Ana avait retiré son amulette, la considérait avec attention au creux de sa main. Elle avait bien souffert durant ces longs mois de voyage : l’étoffe s’était ternie, la corde par endroits s’étiolait, la croix était rayée. Premièrement chérie, subséquemment répugnée, comparée à un fardeau pouacre, cette petite bourse écarlate avait été aimée et haïe à loisir, demeurait cependant un gage des expériences qui l’avaient formée. Elle était sa compagne de joie et de misère.
Elle adressa un regard à Linnea qui était demeurée sur son siège, silencieusement en retrait pour mieux préserver le sacré de l’instant : le sourire envahi par l’émotion qu’elle lui adressait attestait de l’immense fierté qui soulevait sa poitrine, le bonheur qui explosait en son sein. Alors enfin, Ana se résolut à présenter son amulette à Magdala
— Min Däm, pourriez-vous orner ce modeste palladium d’un échantillon du voile sacré ?
Ayant dit cela, Ana s’était prosternée, sa main posée respectueusement sur son cœur.
Le sourire de Magdala était empreint de douceur, aussi éclatant qu’une étoile, faisant chavirer le cœur d’Ana. Son amulette quitta la paume sale de sa main, plongeant dans le poing gracile de Magdala.
Leurs destins, sans qu’elles ne l’entrevoient, s’unissaient à la lueur timorée des cierges.
Et Linnea, seule témoin de la scène, frissonna. Tout en considérant le tableau qui à sa vue s’exposait, une terrible appréhension la saisit. D’une violence telle qu’elle balaya au loin la félicité qui naguère réchauffait sa poitrine.
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