En haut, il y avait la terre.
Entre les deux, il y avait le tonnerre.
Ainsi en avaient décidé les ancêtres. Mais un jour qu’ils parlementaient, ils en vinrent au point qu’ils trouvaient le ciel bien laid et qu’il lui manquait quelque chose, qui le distinguerait de la terre et du tonnerre. Comme ils ne trouvaient pas, ils décidèrent de partir chacun de leur côté et de ramener, au terme de leur voyage, de quoi peupler le ciel nu. Ce fut ainsi que le premier rapporta le soleil qui éclaira le ciel, le second la lune et le troisième les étoiles. Aussitôt, ils se plaignirent, car, si le soleil était beau et plein de vie, il empêchait la lune et les étoiles de s’épanouir.
— Ton soleil brille trop ! Et ma lune, même si elle se nourrit de sa lumière, demeure dans son ombre.
— Et mes étoiles ! Elles sont bien trop pâles face à ton soleil. Cela ne va pas !
Ainsi se disputèrent les ancêtres. Mais l’aîné était têtu et tenait à son soleil autant qu’à la prunelle de ses yeux. Il n’était pas question de décrocher son soleil du ciel. Alors le cadet se fâcha pour de bon et, entraînant son petit frère, ils le frappèrent et l’assommèrent. Quand il se réveilla, le soleil n’était plus et une lune accompagnée de son cortège d’étoiles scintillait dans le ciel. Furieux, il se lança tout de suite à la poursuite de ses frères. Il ne tarda pas à les retrouver, car ils avaient fait un grand feu, où rôtissait un bœuf entier, pour célébrer leur victoire sur leur frère aîné.
Patient, il attendit qu’ils eussent bien mangé et bien bu, puis il s’introduisit dans le campement. À l’écart, il y avait un grand coffre d’où s’échappaient des rayons dorés. Comme il ne pouvait l’ouvrir sans réveiller ses frères, il s’en empara et le jeta sur son épaule. Ainsi pourvu, il courut de l’autre côté du monde. Là-bas, aux antipodes, même s’il l’ouvrait il ne tirerait pas ses frères de leur sommeil. L’ayant caché dans une grotte, il repéra un troupeau de moutons à qui il prit la laine sur le dos. Puis il la fila et en fit un gros cordage. Il noua alors l’une des extrémités autour de sa taille, l’autre au soleil qu’il lança très haut dans les airs ; plus loin encore que la lune, mais moins que les étoiles. Satisfait, il redescendit le soleil et le rangea dans son coffre, puis s’en retourna auprès de ses frères. À l’aide des autres morceaux de cordes, il attacha à lune à son frère cadet puis enferma ses pieds dans une montagne. Puis, il fit de même à son tout petit frère qu’il suspendit aux étoiles. Lorsque ce fut fait, il fit glisser le soleil et sa lumière hors du coffre et les réveilla tout à fait. Furieux, de voir leurs rêves ainsi rompus, ils voulurent lui sauter dessus. Hélas, qu’elle ne fut leur surprise, lorsqu’ils découvrirent qu’ils ne pouvaient plus courir.
Ce fut ainsi que l’aîné, libre de ses mouvements, se promenait par-delà les terres et les mers, traînant derrière lui le soleil bienfaisant. Mais cela ne dura pas, car ses frères avaient fini par briser les montagnes qui les entravaient. C’est pourquoi quand l’aîné, essoufflé par sa fuite sans fin, rattrapé par ses frères, est obligé de se cacher et de se reposer. Il arrive parfois qu’il trébuche et alors son cadet, plus léger que son petit frère le rattrape. Mais cela ne dure jamais longtemps, car la lune, trop légère finit par l’emporter dans les airs et il est obligé de le laisser filer.
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