Avant que ses lèvres n’eussent atteint celles de la belle endormie, des tuyaux jaillirent des côtés du coffre. Ils s’enfoncèrent un par un dans son corps, d’abord son ventre, puis sa poitrine, son cou, son visage, ses membres enfin… Ils creusaient leur passage comme des vers monstrueux plongeant avidement dans le terreau fertile de sa chair. Hurlant de douleur, Jonas tenta de les arracher, mais ses doigts tremblants ne trouvaient aucune prise sur les tubes lisses comme des boyaux. Ils se mirent à pulser puis à s’enfler comme des sangsues qui se gorgeaient de sang, vidant le malheureux de ses éléments vitaux.
Le visage impassible, le conteur regarda le corps de Jonas perdre toute substance et se ratatiner comme une pomme en hiver. Rapidement, il ne resta plus que lui que de la peau sur un squelette tordu. Son cadavre s’écrasa sur le sol, avec le bruit d’une branche morte heurtant le pavé.
Pendant ce temps, deux autres tubes avaient plongé dans les bras du vieillard. Il ferma les yeux, un sourire douloureux sur des lèvres qui se défripaient lentement. Ses rides s’effacèrent, son dos se redressa, ses cheveux redevinrent sombres et abondants. Bientôt, descendit du fauteuil un jeune homme qui semblait âgé tout au plus d’une vingtaine d’années. Il repoussa nonchalamment du pied le corps de Jonas, puis esquissa un signe discret. Aussitôt, le dragon vint saisir dans sa gueule les pitoyables restes humains, pour les emporter vers le bassin où ils seraient recyclés en énergie et en nutriments.
Le conteur goûta la souplesse et la vigueur de ce corps rajeuni. Durant toutes ces années, il ne s’était pas contenté d’étudier un moyen pour réveiller sa dulcinée… mais il avait tout mis en œuvre pour se donner le temps de trouver une solution qui lui échappait toujours. En outre, il pourrait l’accueillir avec le visage qu’elle avait connu et aimé.
Il s’approcha, presque intimidé, du sarcophage où dormait sa princesse ; sa main caressa la joue veloutée, qui imitait si bien la tendre peau d’une femme. Cette nature singulière la rendait plus fascinante encore à son regard… Jamais il n’aurait permis aux lèvres d’un rustre de seulement l’effleurer !
Il prit une longue inspiration et se pencha sur elle. Fermant les paupières, il posa sa bouche sur la sienne, goûtant la douceur des lèvres closes. Quand l’air vint à lui manquer, il se redressa et rouvrit les yeux sur le même visage assoupi.
Bien entendu, il n’y avait que dans les contes qu’un baiser pouvait réveiller une princesse.
Mais il gardait espoir. Son récit disait vrai, après tout ! Tant que des fanfarons avides entreraient dans ce sanctuaire, attirés par les richesses censées s’y trouver, ils offriraient leur vie à celle qui y dormait. Car grâce à eux, il disposait d’assez de temps pour trouver moyen de la ramener à lui…
Même si cela devait lui prendre cent ans.
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