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Au final je m’entend encore mieux avec Misty que je ne le pensais, et même mieux qu’avec n’importe qui jusqu’à maintenant. On se comprends tellement pour beaucoup de choses qu’on semble connaître l’autre sans même avoir à se parler. Depuis sa venue chez moi, nous passons le plus de temps possibles ensembles, discutant de tout et de rien, n’ayant pas besoin de cacher notre plus grand secret commun. Cependant, au lycée, je fais toujours en sorte d’éviter les autres. Je ne m’adresse qu’à Misty, même si elle insiste souvent pour m’intégrer avec ses autres amis. Et petit à petit elle a fini par passer plus de temps avec moi qu’avec eux. Je m’en veux un peu pour ça, me sentant en grande partie responsable. Mais elle m’a certifié qu’au final elle préférait ma compagnie à la leur, car devant eux elle n’est pas elle-même et se cache derrière un masque. Malgré tout, je sens que ce masque est toujours là pour le moment, même avec moi, bien qu’il soit moins présent.

D’ailleurs, même si je ne leur ai jamais dit, je remercie tout de même ses amis. Car sans leur intervention, j’aurais peut-être eu de gros problèmes. En effet, les trois pimbêches, le lundi suivant notre altercation et malgré mes avertissements, ont tout de même été directement parler à tout le monde de mon don. Elles se disaient être les petites victimes innocentes de l’histoire, déformant la réalité à leur avantage. Mais Misty avait alors prit immédiatement ma défense en intervenant lors de leur récit, disant que tout le monde sait qu’elles sont des harceleuses et savent très bien mentir pour causer des problèmes à quelqu’un. Les amis de Misty ont tout de suite soutenu ses propos, puis au final tout le monde a fini par ne pas croire un seul mot de leur histoire. Ils m’ont sauvé la mise alors je leur suis reconnaissante.

Mais malgré tout, on a fini par s’isoler de plus en plus, enfermées dans notre monde dans lequel les gens normaux ne pouvaient entrer. Misty prenait tout de même soin de continuer à discuter avec ses amis, mais un peu moins qu’avant. On apprenait à se connaître, à en apprendre plus sur le don de l’autre et je tentais parfois de lui faire retirer ce masque qu’elle porte, ce sourire de façade cachant bien des choses. Cependant, j’ai fini par comprendre qu’il est presque impossible de lui enlever. Elle doit porter ce masque depuis tellement d’années qu’il fait partie d’elle. Quand j'essayais de lui parler, je voyais son sourire se décomposer légèrement, mais au final, il revenait de plus belle, faisant croire que tout allait bien. Le fait est que Misty ne m’a jamais proposé de venir chez elle et a toujours refusé mes demandes. C’est peut-être lié, peut-être pas. Mais depuis un certain temps, je n’insiste plus sur ça. Si elle veut m’en parler, elle le fera d’elle-même, je ne veux pas la brusquer.

Mais comme je l’ai déjà dit, la tranquillité ne dure jamais longtemps. Le fait que Misty s’est rapproché soudainement de moi et à presque laissé ses amis derrière à commencer à poser problème. Ses amis justement ont commencé à lui faire des remarques par rapport à son éloignement et lui en voulait. C’est vrai qu’aux yeux des autres elle est partie d’un coup vers moi, l'asociale du lycée, sans raison apparente. Et le fait que j’accepte seulement de lui parler à elle, malgré nos grandes différences que ce soit dans notre caractère ou même notre physique, à vite amené les autres à s’interroger.

Donc, en milieu d’années, la rumeur des trois harpies est revenue de plus belle, accusant même Misty d’être différente elle aussi. Ses anciens amis ont fini par ne plus lui parler, nous étions désormais seules contre tous. Mais cela ne change pas grand chose au final. Ce ne sont que des rumeurs entre lycéens qui en plus de cela ne sont pas vérifiables. De plus, j’étais déjà seule depuis le début de cette année, à l’exception de Misty maintenant, qui est comme une sœur pour moi et elle m’as confié avoir ce même sentiment, ce qui m’a réellement fait plaisir. Et j’espère aussi que ces rumeurs vont vraiment s’arrêter là, car un doute est tout de même présent au fond de moi. J'ai cependant continué à faire comme si tout allait bien devant mes parents, faisant comme si ces rumeurs n’existaient pas. D’un côté, parce que je ne veux pas les inquiéter plus que ça pour peut-être rien, mais d’un autre côté, j’ai aussi peur de leur en parler, car en leur disant cela, je suis certaine que nos valises seraient faites la seconde d’après et je ne voulais en aucun cas laisser Misty seule.

Avec Misty, nous avons donc laissé tous ces problèmes de côté, ignorant les autres lycéens comme on pouvait et continuant à nous concentrer sur nos études. Nous sommes arrivées au mercredi vingt-sept, jour lors duquel j’ai fêté mes dix-huit ans. Nous n’avons pas vraiment fait de fête, ma mère a simplement fait un énorme gâteau que nous avons engloutis tous les quatre avec Misty.

Le reste de l’année a défilé de cette manière et nous sommes vite arrivées aux épreuves de fin d’années. Nous avons révisé énormément pour ça, à tel point qu’on a fini par ne parler que de ça à l’approche de ces dernières. Les rumeurs ont d’ailleurs fini par cesser petit à petit et les autres se sont résolus à nous ignorer eux aussi. Les examens ont alors débuté assez rapidement. Nous étions si préparés que cela a été bien plus simple que je ne le pensais. Le stress était tout de même très présent lors de cette période, mais au final il disparaissait dès lors que l’épreuve commençait.

Il a fallu un petit moment, bien trop long à notre goût avec Misty, pour avoir les résultats. Et sans grande surprise même si le doute persiste toujours malgré tout ce qu’on a fait, nous avons eu notre BAC, mention très bien. Nous avons donc fêté ça au restaurant le soir même, en compagnie de Misty et sa mère. Nos parents sont fiers, mais d’un autre côté, je trouve ça un peu gênant. Ils ne se doutent pas de la raison pour laquelle nous nous sommes rencontrés et sommes maintenant si proches. Chacun agit comme si sa fille était tout à fait normale et dans un certain sens cela nous fait rire toutes les deux.

La soirée s’est très bien passée et nous nous sommes dit au-revoir, Misty et sa mère Emily partant de leur côté et nous du nôtre. Une fois rentrée, ma mère a pris un ton très sérieux, me demandant de venir m'asseoir sur le canapé. Son expression grave m’inquiète beaucoup, car quand elle la montre, c’est souvent pour me dire une chose qui ne va pas me plaire, et qui ne lui plaît pas vraiment non plus … Elle s’est assise à côté de moi et mon père sur le fauteuil, l’air aussi grave que ma mère.

- Ma chérie, je sais qu’au cour de cette année tu t’es vraiment beaucoup attachée à Misty. C’est une jeune fille très gentille et pleine de vie et je l’apprécie beaucoup aussi, mais tu sais que… Qu’il va bientôt falloir partir…

Voilà ce que je redoutais le plus. Cette discussion. Devoir déménager, encore et toujours… Chaque année, c’est la même chose, le même dialogue de sourds, les mêmes positions des deux parties, et le fait qu’ils gagnent toujours, mais pas cette fois.

- Mais pourquoi partir ?! On est très bien ici et on a aucun problème ! Je ne peux pas laisser Misty, c’est impossible ! À la rigueur jusqu’à maintenant ça n’avait pas tant d’importance, mais là je ne peux tout simplement pas partir et la laisser derrière !

- Ma chérie, comprend bien que ça nous fait de la peine de te dire ça et de devoir partir, mais nous n’avons pas le choix, ajouta mon père d’un air triste.

- Pas le choix de quoi ?! Personne ne sait pour mon don alors pourquoi déménager tout le temps comme ça ?! Qu’on vive dans une ville ou une autre ne changera rien ! Et j’ai dix-huit ans maintenant, je suis en droit de faire mes propres choix !

- Ne commence pas avec ça s’il-te-plais. Tu sais très bien qu’on fait ça pour ton bien et nous t’avons déjà dit cent fois que déménager était primordial. Ce n’est pas nouveau et tu n’arrives pas à t’y faire.

- Vous ne pouvez pas m’y obliger ! Pourquoi je vous suivrais ?! Misty est comme ma sœur pour moi, je ne peux juste pas la laisser comme ça !

- Pourquoi tu nous suivrais ? Peut-être parce que nous avons sacrifié notre vie entière pour toi ! Tu ne comprends pas ça ?! Nous avons voulu te garder à tout prix et tout ça pour que tu nous remercies en partant te faire attraper par les autorités ? Juste pour une amie ?! Je te pensais plus responsable, mais visiblement je me trompais lourdement.

- Mon chéri calme-toi, s’il-te-plais … Dit ma mère pour détendre l’atmosphère.

Mais sa tentative échoua. Nous nous disputons un peu plus avec mon père, aucun des deux ne voulant perdre face à l’autre. J’ai fini par partir en furie dans ma chambre, claquant la porte. Je me suis assise sur mon lit dans la pénombre, les yeux embrumés de larmes de colère. Cette colère qui m’a aveuglé un court instant, mais qui a suffit pour sortir toutes sortes de choses que je regrette maintenant. Après tout, je comprends leur point de vue, mais le fait de déménager constamment n’aide en rien, à part s’ils me cachent une chose importante que je devrais savoir.

Essuyant mes larmes avec ma manche, un bruit d’explosion retentit au rez-de-chaussée.