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Deuxième nouvelle
Naissance.
Elle avait couru depuis la maternité du boulevard de l'Hôpital dans le XIIIème jusqu'au domicile de leur mère. Sans même rentrer dans la maison, par la fenêtre grande ouverte sur le salon, elle se mit à crier :
- Maman, maman !
Celle-ci vint à la fenêtre, toute fébrile pour entendre cette question :
- Je commence par la bonne ou la mauvaise nouvelle ?
- Par la bonne, bien sûr !
- ...ça y est, Marion a accouché, c'est une fille ! Elle va bien, ma soeur aussi... c'est un beau bébé de trois kilos !!
- Quel bonheur ! Une petite fille !
- ...et la mauvaise nouvelle, tu n'as pas écouté la radio ?
- Mon Dieu, non ...
- ... ah! misère, ça y est, l' Allemagne vient de déclarer la guerre à la France.
Nous étions le 3 août 1914 et dans la famille Dubognier, la joie et la peine étaient toute emmêlées. Cette enfant fut appelée " Victoire" et l'histoire lui donna raison, quatre ans plus tard.
Malgré la triste tournure que prit le jour de sa naissance, en ce début de Première Guerre mondiale, Victoire était un rayon de soleil. Si blonde. Une bouche ronde, si rieuse. Elle avait une bonne santé et dormait comme un loir. Mais en cet automne 1914 et encore en 1916, Victoire a connu le bruit sifflant des bombardements sur la capitale. Ils lui faisaient peur et l'empêchaient de dormir.
Victoire avait une bonne santé et bon appétit, mais elle a subi le manque de nourriture, le rationnement, malgré tous les efforts de Marion pour essayer de trouver des vivres.
Le téléphone sonna.
En cette année 1939, beaucoup de foyers étaient équipés d'un téléphone, il fallait alors demander le numéro à une opératrice, comme ici : Turbigo 15-26.
- Allo maman !
- C'est toi, Marion ! Je suis bien contente de t'entendre...
- Je t'annonce que Victoire va se marier cette année ! Le 3 septembre, avec Pablo ! Tu sais ce jeune homme qu'elle a rencontré en Espagne, durant ses études !
- Mon Dieu ! Le 3 septembre, c'est juste dans six mois...
Seulement voilà, le 3 septembre 1939, la France et l'Angleterre déclaraient la guerre à Hitler, qui venait d'envahir la Pologne. Mais les combats étaient loin, le maire était conciliant et chez les Dubognier, on a dansé et on a fait péter le champagne, le jour où a commencé la Seconde Guerre mondiale ! Victoire n'en était plus à un clin d'oeil près, avec l'Histoire !
Pablo venait de fuir l'Espagne, la guerre civile et la dictature de Franco et le jeune couple, endurci aux crises de ce monde sombre, résolument belliqueux et militaire, essayait de se tracer son petit chemin de lumière.
*********
Le 22 avril 1961, une petite " Espéranza " était née à la maternité du XVème arrondissement, tandis que la guerre d'Algérie, telle une flambée, embrasait l'autre côté de la Méditerranée. Ni Victoire, ni Pablo ne s'en étonnèrent, habitués qu'ils étaient, à vivre les moments heureux de leur vie, sur fond de drame mondial ou national !
Espéranza était aussi brune que sa mère avait été blonde, mais elle avait, comme Marion petite, cette même bouche ronde, si rieuse. Ce conflit n'assombrit pas son enfance et il semblait qu'après tant d'époques tourmentées, l'Europe se tournait enfin vers la paix.
Ce que ne voyaient pas les gens des années 70, c'est que pour trouver des débouchés, les industries de guerre se recyclaient dans l'agriculture et commençaient un combat sournois contre la nature. Les chenilles mises au point pour les chars servaient aux énormes moissonneuses-batteuses et les agents défoliants de la guerre du Vietnam, qui ôtaient les feuilles des arbres pour que, des hélicoptères, on repère mieux l'ennemi, ces produits de mort devenaient les herbicides et pesticides qui empoisonnaient les cultures.
Victoire mourut la semaine du 1er janvier 2000. Curieuse destinée encore, que ce corbillard sillonnant les rues en fête, Paris chantait aux fenêtres, Paris célébrait la naissance du vingt et unième siècle et les Français, joyeux, accueillaient le nouveau millénaire. Les Dubognier n'y voyaient jamais de fatalité. Ils avaient admis une bonne fois pour toute, que le sort de la famille était toujours en décalage avec les émotions de la Nation. Les jours du calendrier dans la joie ou dans la peine ne correspondaient jamais aux fêtes et aux deuils du pays ! C'était ainsi !
Espéranza avait soixante ans à la mort de sa mère. Elle se retrouvait sans parents et sans enfant. Mais la bonne humeur chevillée au corps, elle vivait simplement et connaissait son bonheur. Dans son petit appartement du Vème arrondissement, elle se débrouillait seule et s'organisait une petite existence bien agréable. Bien sûr, elle se désolait de voir la mentalité d'enfants gâtés de bon nombre de Parisiens. Consommation, gaspillage, pollutions, elle sentait bien que ce monde allait de travers !
Espéranza est morte le 17 mars 2020 à l'âge de quatre-vingt ans, le jour où fut décrété le Grand Confinement. Pour une fois , les Dubognier était en phase avec l'humeur du temps, sauf que des Dubognier , il n'y en avait plus guère. Il y eut peu de monde à l'enterrement d'Espéranza, non pour cause de règlement, mais parce qu'avec elle, s'éteignait le nom de cette famille si singulière...
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