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Chapitre 5

" Stéphane n'en menait pas large, assis sur le banc de la cellule de dégrisement du commissariat de Millau. Il n'y avait que lui et un gars pas très frais, allongé sur l'autre banc. Lui, il était en garde à vue, pour l'instant, dans cette enquête sur Lucie.

Ce n'était pas la première fois qu'il se retrouvait en cage chez les flics, un vol de mobylette quand il devait avoir quinze ans. Mais là, le scénario semblait très mal tourner pour lui et il revoyait le film dans ses pensées :

" Cette Lucie avait si peu de connaissances et elle n'était que depuis deux mois dans la région... Et comme elle n'avait pas d'amis et que sa famille est à l'autre bout du pays, c'était vers lui qu'ils étaient venus, quand ils avaient retrouvé le corps calciné, juste parce qu'ils se fréquentaient un peu, au club de sport...

S'ils savaient toute l'histoire...

Dire que la mort de Nicolas, il ne s'en doute pas. Mais alors pas du tout. Nicolas est porté disparu depuis le 25 juin. Nicolas c'était pas un gars bien, de toute façon. Il ne fréquentait pas le club de sport, mais ce 24 juin, il m'attendait derrière, sur le parking. On s'est bagarré, je voulais pas le tuer bien sûr, mais sa tête a cogné. Cette Lucie, elle est arrivée juste au moment où fallait pas ! Mais je l'ai baratinée, je lui ai dit qu'il n'était que blessé et qu'on pouvait le charger dans ma voiture pour que je fonce à l'hôpital.

Elle a tout gobé et elle m'a même aidé ! Et je l'ai laissée plantée là, sur le parking et c'est après, que j'ai pas arrêté de gamberger. J'ai eu peur qu'elle voit les affiches sur la disparition de Nicolas. C'est pour ça, que ce 28 juin, je suis allé chez elle. Je connaissais son immeuble, je l'avais déjà raccompagnée ce jour d'orage et... "

- C'est pourquoi que t'es chez les flics, toi ?

L' ivrogne venait d'émerger dans son coin de la cellule. Assis par terre, adossé au mur, il regardait Stéphane, attendant une réponse.

- Vol de voitures, mentit Steph, pour avoir la paix.

L'homme leva ses bras au ciel, en signe d'impuissance, puis se mit à farfouiller maladroitement dans ses poches.

Oui, pensa Stéphane, dire que le crime de Nicolas aurait pu passer comme ça et c'est avec cette fille, qu'ils viennent...

- T'aurais pas du feu ?

C'était encore le poivrot, avec au coin des lèvres un vieux mégot...

Steph fit un geste d'agacement et l'homme se leva tant bien que mal pour aller secouer la porte grillagée et crier à la cantonade pour réclamer un briquet... "

Lya n'a pas hésité, le texte est venu tout seul, il n'y a qu'à dérouler le récit et elle relit ses pages, la tête appuyée sur son poing, marmonnant sans lire vraiment, corrige ici un pluriel et là un accord, mais elle est globalement satisfaite de ce début de chapitre quinze. Par contre, songe-t-elle en prenant un peu de recul, je n'y vais pas de main morte. Deux meurtres en huit jours ! Le Stéphane, il est mal parti !

Elle regagne la cuisine pour faire chauffer l'eau de la bouilloire, pendant qu'elle prépare un mug et deux, trois pincées de thé dans le petit filtre, qu'elle pose sur son mug. Elle revient vers sa table pour mettre deux "m" à "commissariat " et deux "r" à "bagarré " et elle entend siffler la bouilloire. Elle aime bien ce son, cette petite chanson ! Elle verse l'eau chaude, ajoute un demi-sucre et retourne dans la salle avec son breuvage sacré. Chocolat noir et thé vert, telle une devise !

" Dis-donc, Stéphane Marlande, tu nous avais pas dit que tu ramassais les portables tombés du camion !"

Cette phrase scotcha Stéph sur son banc. C'est Landret qui venait de débarquer et qui le toisait, avec un sale petit sourire de flic teigneux... " ah aaah ! Lya part d'un grand rire ( - j'adore ! le sale petit sourire de flic teigneux, je sais pas d'où il me vient... mais j'adore ! -)

" Steph fit mentalement un bilan à la vitesse du son : portables tombés du camion, donc ils connaissent Bruno et s'ils ont Bruno, la piste mène tout droit à Nicolas. Pour sentir le roussi, ça sent le roussi. Que faire ? Nier. Ils en sont où avec Bruno ? et s'ils ne savaient rien, s'ils y allaient au bluff ?

- Tu dis rien, le Marlande ! Je te conseille de ne pas trop jouer avec moi. Avec cet élément-là, je peux très bien ouvrir une instruction et je suis à deux doigts de te coller en centre de détention.

Steph ne bougeait pas. Il fallait gagner du temps ...

- "Je sais pas de quoi vous parlez. Toutes les affaires qui vous passent sous la main, en ce moment, vous me les collez, la fille et puis maintenant, une histoire de portables, qu'est-ce que je vous ..."

Le portable de Lya sonne. Le petit jingle des messages. C'est Marion.

" J'ai retrouvé ta bague sur le lavabo, ne la cherche pas, tu l'as oubliée l'autre fois. Bisous"

Lya regarde ses mains, en effet, elle ne l'avait même pas remarqué... Il ne faut plus que je l'enlève, un de ces jours, je vais carrément la perdre..

"...ai fait ? Steph simulait une sorte d'emportement, mais à y regarder de près, il commençait à se sentir piégé et voyait mal, comment il allait s'en sortir. "

Lya pose son stylo, détend un peu son cou et boit une gorgée de thé. Il n'est plus trop chaud. Alors, adossée au dossier de sa chaise, elle sirote doucement, se disant que ce chapitre quinze sera fini dans... allez disons quatre pages ! Plus que quatre !

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