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Quinzième nouvelle

Dans une caverne...

Puisque Diogène nous propose d'aller dans une caverne.... je vais sortir de ma zone de confort pour essayer de nous emmener vers une nouvelle fantastique ! Soyons fous ! Ce qui va bien avec l'adverbe "follement" qu'il a choisi, ainsi que ces mots : soleil, liquide, caillou, crème, café, obscurité, jeu, sabre, lit, billet. Merci Diogène !

*****

Le Conseil des Sages l'avait décidé : c'est Taho qui était désigné pour aller anéantir la bête qui décimait leurs troupeaux de moutons !

Des bergers avaient décrit "un aigle avec des crocs", d'autres évoquaient " des pattes puissantes comme celle d'un lion". C'est en pensant à toutes ces descriptions parfois contradictoires d'ailleurs, que Taho marchait vers les collines. Mais une chose était sûre c'est l'effroi qu'on lisait sur les visages de ceux qui avaient pu voir cette créature. A chaque fois, elle semblait repartir vers les collines et dans la plupart des cas, elle tenait dans ses pattes solides, un agneau ou même un mouton mâle, ce qui donnait une idée de sa force, mais aussi...un peu froid dans le dos !

Taho était courageux et entrainé. Il partait avec son arc en titanium enrichi et ses flèches, elles aussi dans ce matériau résistant et léger, avec son sabre à lame courte, un filet à mailles serrées et son petit couteau. Il avait marché deux jours, le soleil était déjà haut dans le ciel, quand l'ombre d'un oiseau gigantesque lui cacha pour un court instant les rayons de l'astre du jour. Se retournant vivement, il eut le temps d'observer l'envergure impressionnante de l'animal et en effet, deux pattes massives n'évoquant rien d'un oiseau.

Il continua sa marche se disant que le repaire de la bête devait être proche et qu'il faudrait se tenir en un point surélevé pour mieux le repérer, au retour de la créature. C'est ce qu'il fit et ce qui lui permis de localiser son repaire. Elle vivait dans un creux de la roche. On pouvait observer sur la zone d'herbes à l'entrée de la grotte, des ossements de moutons abandonnés.

Taho se cacha aux abords et n'attendit pas longtemps, il vit sortir la bête et avant qu'elle ne prenne son envol, il eut le temps de voir cette tête fine, faisant penser aux lémuriens ou aux opossums, avec une gueule garnie de dents pointues. Dans le bruit d'un fracas d'ailes dépliées, il l'avait vue s'envoler puis se laisser planer un moment en descendant vers la vallée, avant de battre à nouveau des ailes, lentement et majestueusement.

Sans perdre de temps, Taho prit le risque d'entrer dans la caverne afin de voir, malgré l'obscurité, si la disposition des lieux pouvait permettre d'y préparer un piège. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir dans un énorme nid, comme un lit de paille et de feuilles mortes, une jeune bête-oiseau, un petit, mais représentant bien déjà la taille d'un poulain. Il ouvrait une gueule identique à celle de sa mère quoique en réduction et qui ne semblait donc pas si dangereuse. Déployant rapidement son filet qu'il lança d'un geste précis, Taho emmaillota le petit animal, le chargea sur son dos et ressortit de la caverne, priant pour que sa mère ne soit pas de retour. Il porta ainsi son otage jusque dans des buissons à une petite demie-heure de marche. Le jeune animal poussait de petits cris gutturaux et tentait, sans y parvenir, de lui mordre le dos. Le filet fut ficelé aux branches, empêchant ce jeune otage de s'échapper.

Taho se doutait que la créature serait sans doute folle de rage en voyant le rapt de son petit. Mais il avait son plan. En tenant cet otage et en lui offrant en même temps un présent, il espérait amener la bête à la raison. Après tout, comme toutes les mères, elle cherchait à nourrir son rejeton. Lui offrir d'autres moyens de le faire, éviterait qu'elle tue les moutons.

C'est ainsi que du trait expert d'une flèche bien tiré, Taho abattit tout raide, un sanglier qui parcourait les sentiers de la colline. Et avant que le soleil ne soit trop bas à l'horizon, il avait amené tout près de la caverne, le sanglier mort et le petit toujours prisonnier dans son filet. Et il attendit. Comme de l'or liquide, le soleil répandait une belle couleur ocrée sur la vallée et sur la cime des arbres. Et la bête bientôt arriva, se laissant glisser sur l'air, suivant un courant favorable, elle étendit ses pattes couvertes de poils et pourvues de griffes, robustes comme celle d'un félin. Ce pelage avait la même couleur, brun clair ou café que les plumes qui recouvraient son corps et ses ailes magnifiques étaient à leurs extrémités de couleur crème. Dans son cou se mêlaient la plume et le poil pour former cette tête aux oreilles rondes et discrètes, au museau fin mais armé de dents redoutables. Elle tenait d'ailleurs dans ses mâchoires un jeune agneau, sanguignolent qu'elle posa à terre, quand elle entendit les cris de son rejeton. Elle se cambra ouvrant grand ses ailes car elle venait de voir cet humain, sabre dans une main, serrant de l'autre le filet retenant son petit. Un grand cri rauque , rappelant celui d'un ours, glaça Taho jusqu'au sang. Mais sans perdre courage, du pied, il poussa devant lui, le cadavre du sanglier et s'adressa à la créature, de trois fois, plus haute que lui :

- " Tiens, prends ! Ce sanglier est pour toi. Je ne te veux aucun mal. Ce sanglier te permettra de nourrir ton petit...

La bête avait replié ses ailes et regardait, sous le coup de l'étonnement, cet être ridiculement petit, qui s'adressait à elle.

- Je t'en apporterai d'autres, mais en échange, je dois reprendre cet agneau. Tu ne peux pas tuer les moutons de nos troupeaux. Comprends-tu ?

La bête-oiseau eut un mouvement de recul quand Taho s'approcha encore, poussant vers elle le sanglier et dans le même temps relâchant son bébé. Comme mère et fils se retrouvaient, Taho en profita pour soutirer l'agneau et s'éloigna à reculons, tirant par une patte, la pauvre dépouille ensanglantée. Un râlement sourd, rassura Taho, ce n'était plus ce cri assourdissant qui vous glaçait le sang. La créature planta ses dents dans le cou du sanglier et disparut, entrainant aussi dans son sillage, sa jeune descendance. Sans doute allaient-ils se repaître, dans leur caverne, d'un bon repas de sanglier.

Taho emmaillota l'agneau mort, le chargea sur son dos et repris la route vers le bas de la vallée. Bien sûr, quand il raconta son histoire devant le Conseil des Sages et devant les bergers, on le traita de fou !

- " Que ne l'as- tu tué, de ton sabre et de tes flèches, si tu l'avais débusqué, disait l'un.

- Crois-tu que nous sommes quittes avec ce monstre ? Tu te trompes bien en croyant qu'il ne tuera plus nos moutons ! criait l'autre.

Et pourtant, tous les deux jours, Taho continua d' apporter du gibier à la créature. Il le déposait à l'entrée de la caverne. Bien sûr, on déplora encore quelques attaques de moutons, mais elle n'était plus si fréquentes. Et le jour, où d'autres hommes de la tribu aidèrent Taho à apporter le produit de leur chasse à la bête-oiseau, les bergers ne purent que reconnaître que le calme était revenu. Et à la saison suivante, on put voir dans le ciel, deux grandes silhouettes. Deux majestueuses envergures se laissaient glisser dans le vent, alourdies par leurs pattes massives, mais si habiles à planer dans les courants, elles volaient ensemble comme si c'était un jeu. Taho avait plaisir à les voir et savourait la paix qu'il avait réussi à instaurer entre cette grande bête-oiseau et les gens de sa tribu. On lui avait proposé des cailloux que d'autres appellent pierres précieuses et ces rectangles de papier qu'on appelle aussi " billets". Mais il ne voulait rien de tout cela. Néanmoins, il ne refusa pas, quand on le lui proposa, de faire partie du Conseil des Sages !

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